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Affaire Spina : des laïcs veulent le départ de Monseigneur de Kerimel et transformer l’Église en instrument de leurs émotions

Devise de Monseigneur de Kerimel :  « MANEBITIS IN DILECTIONE MEA » : Vous demeurerez dans mon amour
Devise de Monseigneur de Kerimel : « MANEBITIS IN DILECTIONE MEA » : Vous demeurerez dans mon amour
Depuis quand cela donne-t-il aux laïcs le droit de réclamer la tête d’un évêque comme on réclame la démission d’un ministre ?

Par Philippe Marie

Il y a des colères justes et des blessures qui crient, nul ne le conteste. Mais de là à transformer ces blessures en tribunaux populaires qui prétendent dicter à l’Église ses pasteurs et ses décisions, il y a un pas dangereux que certains franchissent aujourd’hui avec fracas.Le collectif dit « P.A.I.X », par sa pétition réclamant la mise à la retraite anticipée de Mgr Guy de Kerimel, archevêque de Toulouse, franchit ce pas avec une violence symbolique inouïe. Voilà que des fidèles, se réclamant de la souffrance des victimes et d’une juste indignation, s’érigent en juges, en patrons, en censeurs de l’Église. Leur voix n’est plus celle des enfants de Dieu appelés à la confiance et à la communion, mais celle d’une assemblée en fureur qui veut plier l’Église aux émotions du moment.

Certes, la décision de nommer un prêtre condamné fut contestable même si la « logique de la miséricorde absolue » peut se comprendre mais n’est pas entendue par certains ou décriée par d’autres mais depuis quand cela donne-t-il aux laïcs le droit de réclamer la tête d’un évêque comme on réclame la démission d’un ministre ?

L’Église n’est pas une ONG à gouvernance participative, elle n’est pas un parti politique où l’on destitue le chef à coup de motions de censure. L’Église est hiérarchique, fondée sur l’ordre sacramentel, et confiée par le Christ lui-même à des pasteurs choisis, ordonnés et envoyés.La tentation est grande, dans ce climat, de bâtir une Église à la mesure des émotions collectives. Mais une telle Église serait sans colonne, sans fondement, une barque ballotée par les vagues de l’opinion. Est-ce cela que veulent ces collectifs ? Une Église qui change de visage à chaque crise médiatique, qui se choisit ses prélats à coups de pétitions en ligne ? Une Église gouvernée par les réseaux sociaux plutôt que par la succession apostolique ?

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Le drame des abus doit appeler justice et réparation. Mais la justice de l’Église ne peut pas être remplacée par le tribunal de la rue. La miséricorde ne peut pas être étouffée par la vindicte. Et le pardon, qui est au cœur de l’Évangile, ne peut pas être effacé par des slogans qui confondent purification et élimination.La Croix n’a jamais été un plébiscite. Le Christ n’a jamais soumis son choix des Apôtres à une consultation populaire. Les fidèles sont appelés à participer, à s’exprimer, à soutenir, oui. Mais jamais à dicter, à renverser, à s’imposer comme maîtres. Ce n’est pas ainsi que se construit l’Église.

Personne, pas même un collectif animé de nobles intentions, n’a le droit de faire de l’Église un champ de bataille politique où l’on élit et révoque ses pasteurs au gré des indignations. C’est oublier que l’Église n’est pas notre propriété mais celle du Christ.

La vraie tentation aujourd’hui est de céder à l’illusion démocratique qui dénature la structure même de l’Église. Or l’Église, si elle doit écouter la souffrance des plus petits, ne peut pas devenir l’otage des plus bruyants. Le danger est immense : bâtir une Église sur les blessures au lieu de la bâtir sur la foi.Là est le piège de cette pétition. Elle ne guérit rien, elle ne console pas, elle ne répare pas. Elle installe la logique de la destitution permanente et du soupçon généralisé. Elle transforme le peuple de Dieu en une foule qui réclame : « À mort, à mort ! » , ce n’est pas l’avenir d’une Église fidèle au Christ.

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