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En Allemagne, une église protestante au cœur d’une polémique liée au nazisme

L'église de la Garnison à Potsdam - DR
L'église de la Garnison à Potsdam - DR
Les opposants estiment que, malgré les bonnes intentions des parties prenantes, l’absence de rupture nette avec les partisans de l'extrême droite allemande continue de marquer le projet.

À Potsdam, la reconstruction du clocher de l’église protestante de la Garnison suscite de vives réactions, tant au niveau local qu’au niveau national. Ce projet, qui a bénéficié de fonds fédéraux importants et du patronage du président fédéral Dr. Frank-Walter Steinmeier, est devenu un symbole controversé du nationalisme prussien-allemand et de l’extrême droite.

Construite dans les années 1730 sur ordre du «roi-sergent» Frédéric-Guillaume Ier, la Garnisonkirche a servi pendant plus de deux siècles à bénir les soldats et à leur faire jurer obéissance avant de les envoyer sur le front.

Pendant la République de Weimar, l’église devient un lieu de pèlerinage pour les forces d’extrême droite. C’est devant l’édifice religieux que le 21 mars 1933, la dictature nazie fut scellée par une poignée de main symbolique entre Adolf Hitler et le président du Reich, Paul von Hindenburg, lors de la tristement célèbre journée de Potsdam.

Un symbole nationaliste

Le clocher, achevé après sept années de travaux, devait être inauguré le 22 août 2024. Toutefois, ce retour en force est loin d’être unanime. Le bâtiment, érigé au début du XXe siècle, a longtemps été associé à des mouvements d’extrême droite. L’association des vétérans de la Waffen-SS, la HIAG, a utilisé une illustration de ce clocher sur la couverture de son bulletin en 1990, à l’occasion de la réunification allemande. De plus, le magazine d’extrême droite Compact a soutenu le projet avec des articles louant le retour en grâce de ce symbole nationaliste.

Face à ces préoccupations, une pétition a été lancée, demandant des changements significatifs au projet de reconstruction. Les signataires, dont des professeurs et chercheurs spécialisés, réclament que le président Steinmeier intervienne pour garantir que le projet ne devienne pas un point de ralliement pour les extrémistes. Ils demandent notamment :

  • La modification des statuts de la fondation pour supprimer toute référence au « Cri de Potsdam » de 2004, un document révisionniste.
  • L’abandon des éléments militaires décoratifs sur le clocher, afin de rompre visiblement avec l’apparence historique du bâtiment.
  • Le renoncement à la reconstruction de la nef de l’église, afin d’assurer que l’histoire du site reste lisible pour les générations futures, en harmonie avec la construction du centre de données voisin.
Les manifestants demandent à l’Église régionale de stopper les travaux.

L’initiative, lancée par l’officier de la Bundeswehr Max Klaar, avait reçu le soutien de l’église évangélique en 2000 avant que des divergences de vues ne mènent à une séparation en 2005. Malgré cela, la conception actuelle du bâtiment reste fidèle aux propositions originales de Klaar, ce qui suscite des inquiétudes quant à son utilisation potentielle par des groupes d’extrême droite.

Les opposants estiment que, malgré les bonnes intentions des parties prenantes, l’absence de rupture nette avec les partisans de l’extrême droite allemande continue de marquer le projet. Les liens historiques et les récentes approbations par des figures d’extrême droite alimentent ces craintes. L’objectif des pétitionnaires est d’assurer que ce monument, chargé d’histoire, soit un lieu de réflexion sur la démocratie et la paix, loin de tout héritage politique troublant.

Cette pétition, soutenue par de nombreux experts académiques, appelle à une révision du projet afin qu’il reflète un engagement clair envers la mémoire historique et les valeurs démocratiques. Le débat sur l’avenir de l’Église de la Garnison reste donc ouvert, avec des enjeux importants pour la mémoire collective.

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