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Attentat anti-chrétien déjoué contre le sanctuaire des martyrs en Ouganda

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L’intervention rapide de l’unité antiterroriste a permis d’éviter un bain de sang au cœur de l’un des lieux les plus sacrés pour les chrétiens d’Afrique

Mardi 3 juin, jour de la fête des martyrs ougandais, une tentative d’attentat-suicide contre le sanctuaire de Munyonyo, à Kampala, a été déjouée par les forces armées ougandaises.Selon un communiqué de l’armée (UPDF), deux terroristes armés circulant à moto ont été interceptés à 8h30 du matin, à environ 500 mètres du sanctuaire des martyrs de Munyonyo. Une opération de renseignement a permis de neutraliser les assaillants avant qu’ils ne puissent atteindre la basilique où des centaines de milliers de pèlerins étaient attendus. Aucun fidèle n’a été blessé.

L’agence Agenzia Fides, citant des sources militaires, a confirmé que les deux terroristes portaient des gilets explosifs. Une explosion a retenti lorsque les forces de l’ordre ont ouvert le feu, tuant les deux suspects. L’un d’eux a été identifié comme Aisha Katushabe, une jeune femme d’une vingtaine d’années, connue des services de sécurité pour ses liens avec les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe rebelle islamiste affilié à l’État islamique et actif dans l’est de la République démocratique du Congo. Elle serait la fille et la veuve de kamikazes présumés. La moto utilisée était enregistrée au nom d’un certain Musana Yusuf.

L’inspecteur général de la police, Abbas Byakagaba, a appelé la population à « rester calme et à signaler tout comportement suspect », tandis que le dispositif de sécurité a été renforcé sur l’ensemble des sites religieux autour de Kampala.La tentative d’attentat survient alors que l’Ouganda commémore, comme chaque 3 juin, le martyre de 45 chrétiens tués entre 1885 et 1887 sur ordre de Mwanga II, roi du Buganda. Parmi eux figuraient 22 catholiques, canonisés en 1964 par le pape Paul VI, et 23 anglicans. Ces martyrs sont honorés pour leur fidélité à la foi chrétienne face aux persécutions, notamment pour avoir refusé de renier les enseignements de l’Évangile en matière de chasteté et de morale.

Chaque année, le sanctuaire de Munyonyo, situé à proximité du lieu où les premiers martyrs furent arrêtés, accueille un nombre croissant de pèlerins. Si le principal site de célébration reste le sanctuaire de Namugongo, à une trentaine de kilomètres, l’édition 2025 pourrait voir l’affluence dépasser les 2,5 millions de fidèles, selon Agenzia Fides.En 2024, plus de 690 000 personnes avaient participé aux festivités à travers le pays, certaines ayant marché pendant des jours, voire des semaines, depuis le Kenya, le Rwanda, le Burundi ou la RDC. Cette ferveur populaire témoigne de la place centrale des martyrs ougandais dans la foi chrétienne africaine.

Les martyrs de l’Ouganda : témoins de la foi jusqu’au sang

L’histoire des martyrs de l’Ouganda s’enracine dans les premières missions chrétiennes au royaume du Buganda, l’un des royaumes traditionnels d’Afrique de l’Est. En 1879, les Pères Blancs, notamment le Père Simon Lourdel et le frère Amans, sont accueillis à la cour du roi Mutesa Ier, qui autorise l’installation d’une mission catholique à Rubaga, près de Kampala. Avant eux, l’islam sunnite avait été introduit dès 1844, et les premiers missionnaires anglicans étaient arrivés en 1877.Rapidement, les jeunes pages et fonctionnaires de la cour sont évangélisés. Mais à la mort du roi, son successeur Mwanga II, influencé par ses conseillers hostiles au christianisme et épris de pouvoir, se retourne contre les chrétiens. Le roi, connu pour ses mœurs dépravées et son homosexualité revendiquée, exige l’allégeance absolue de ses pages. Les jeunes convertis refusent ses avances et persévèrent dans la chasteté évangélique, la persécution devient sanglante.

En novembre 1885, Joseph Mkasa Balikuddembé, chambellan et chrétien fervent, devient le premier à être décapité pour avoir dénoncé les abus du roi. Sa mort marque le début d’une série d’exécutions cruelles. Le 3 juin 1886, vingt-deux catholiques, dont de nombreux adolescents, sont brûlés vifs à Namugongo, après avoir été emprisonnés et torturés. Le plus jeune, saint Kizito, n’avait que 13 ans. Charles Lwanga, qui avait succédé à Joseph Mkasa comme responsable des catéchumènes à la cour, affirma au roi : « Il est vrai que je vous ai instruit dans la religion du vrai Dieu. Je ne crains pas de mourir. »

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Leurs noms sont désormais gravés dans l’histoire de l’Église, Charles Lwanga, Achille Kiwanuka, André Kaggwa, Matthias Mulumba Kalemba, et tant d’autres, laïcs pour la plupart. Ils furent canonisés par le pape Paul VI le 18 octobre 1964, lors du Concile Vatican II, comme témoins lumineux de la sainteté dans le continent africain. Dans son homélie de canonisation, Paul VI déclara : « Ces martyrs africains ajoutent une page solennelle au livre du martyrologe chrétien. Le récit de leur martyre est si émouvant, si héroïque, si parfait que nous ne pouvons l’entendre sans être émus et encouragés. »Les martyrs anglicans ne doivent pas être oubliés. Au nombre de 23, ils ont subi le même sort pour la même raison, leur fidélité à l’Évangile. Bien que séparés sacramentellement, leur témoignage commun de foi face à la persécution est reconnu par l’Église catholique comme un signe de communion dans le sang des martyrs. Lors de sa visite à Namugongo en 1993, saint Jean-Paul II rendit hommage aux martyrs anglicans et catholiques en affirmant : « Leur foi les a unis dans un même sacrifice, leur sang n’est pas divisé. »

Aujourd’hui, le sanctuaire des saints martyrs à Namugongo, construit en 1973, est l’un des plus grands lieux de pèlerinage d’Afrique. Chaque année, des millions de fidèles, parfois venus à pied depuis le Rwanda, le Kenya, le Burundi ou la RDC, s’y rassemblent le 3 juin pour rendre hommage aux saints ougandais. Le sanctuaire de Munyonyo, proche du lieu où les martyrs furent arrêtés, est également un haut lieu de dévotion.La mémoire des martyrs ne cesse d’inspirer la jeunesse africaine. Ils sont les patrons de la jeunesse chrétienne du continent, modèles de pureté, de courage et de fidélité. Dans un monde troublé par la peur, la confusion morale et la violence, leur exemple rappelle les paroles du Christ : « Celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera » (Marc 8, 35).

L’attentat manqué contre ce lieu de pèlerinage s’inscrit dans un contexte régional tendu, marqué par les activités persistantes de groupes djihadistes. Pour l’heure, aucune revendication n’a été faite, mais les soupçons se portent naturellement vers les ADF, responsables de plusieurs attaques dans la région ces dernières années.

La vigilance reste de mise, mais l’élan spirituel du peuple ougandais semble intact. Comme le rappelait saint Jean-Paul II lors de sa visite à Namugongo en 1993 : « Le sang des martyrs est la semence des chrétiens. »

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