Dix ans après les attaques du 13 novembre 2015, l’archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich, a publié un message destiné à accompagner cette journée de commémoration. Il y rappelle d’abord que cette nuit reste pour beaucoup une « longue nuit d’angoisse », marquée par une violence décrite comme « gratuite », « aveugle » et révélatrice de « l’intensité du mal ». L’expression reprend un langage spirituel courant dans la tradition catholique lorsqu’il s’agit de qualifier un bouleversement moral et humain de cette ampleur.
Le texte souligne aussi les gestes de solidarité qui ont émergé au cœur des événements. Mgr Ulrich évoque les soins prodigués, les secours donnés spontanément, les portes ouvertes pour offrir un refuge, ainsi que les prières qui se sont élevées ce soir-là. Dans son approche, ces gestes constituent une réponse directe au désordre provoqué par la violence. Ils sont interprétés comme le signe que, même dans une situation où la peur et la confusion dominaient, une dynamique humaine de soutien a continué d’exister. Cette lecture situe la présence de Dieu non dans des manifestations extraordinaires, mais dans les actions concrètes de ceux qui se sont engagés auprès des victimes.L’archevêque insiste ensuite sur la place des survivants, dont certains demeurent encore aujourd’hui marqués dans leur corps, leur esprit ou leur mémoire, au point que la vie peut être vécue comme un « fardeau bien lourd ». Il appelle à prier pour eux, pour les familles endeuillées, ainsi que pour la ville et le pays. Il reprend aussi l’appel du cardinal André Vingt-Trois au lendemain des attentats, invitant à demander « la grâce d’un cœur ferme et sans haine » et à devenir « artisans de paix ».
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Cet élément rappelle une constante de la doctrine catholique : la paix n’est jamais dissociée de la justice, mais elle suppose aussi un refus de la haine comme réponse.
Dans la perspective de la commémoration, Mgr Ulrich invite les fidèles à s’unir par la prière. Les cloches des églises de Paris doivent sonner, des messes et des veillées sont organisées, et chacun peut, s’il le souhaite, allumer une bougie à sa fenêtre. Ces gestes s’inscrivent dans une forme de mémoire collective propre à la tradition catholique, qui privilégie des signes simples pour manifester la communion et le recueillement.La conclusion du message renvoie à la figure du Christ, celui qui « traverse la nuit » avec les hommes. Il est toutefois notable que, dans tout son message, Mgr Ulrich ne nomme pas les auteurs des attentats ni les représentants du mal qui a frappé la capitale. Ce choix recentre son propos sur la mémoire des victimes, la solidarité et la prière, mais laisse dans l’ombre l’identification explicite de ceux qui ont porté cette violence, un point pourtant souvent abordé dans d’autres discours commémoratifs de cette date.
Texte intégral du message de Mgr Laurent Ulrich
13 NOVEMBRE 2015 – 13 NOVEMBRE 2025 :
MESSAGE DE MGR LAURENT ULRICH AUX PARISIENS
« Chers frères et soeurs, Chers amis,
Il y a dix ans, notre ville était brutalement endeuillée par la mort de 130 innocents.
Pour beaucoup d’entre nous, le souvenir du 13 novembre 2015 est, encore aujourd’hui, celui d’une longue nuit d’angoisse ; celui de notre sidération face à la violence la plus gratuite, la plus aveugle ; celui de notre sidération face à l’intensité du mal.
Notre foi nous porte aussi à ne pas oublier combien, au milieu de ces ténèbres, ont brillé avec force, cette nuit-là, des lueurs de fraternité, d’amour, d’entraide, d’espérance : combien de mains ont été tendues, combien de soins ont été prodigués, combien de portes se sont ouvertes pour offrir un abri sûr, combien de prières ont été offertes.
Oui, nous croyons que face à l’abîme dans lequel la violence avait résolu de nous précipiter, ces gestes simples et courageux, gestes de compassion et de bonté, ont été le plus solide des remparts. Nous, chrétiens, croyons que cette nuit-là, Dieu était bien présent, dans l’empressement des soignants, dans l’abnégation des forces de l’ordre, dans l’élan spontané d’humanité de tant de Parisiens.
Dix ans plus tard, nous continuons inlassablement de porter dans notre prière au Seigneur ceux qui ont quitté cette vie le 13 novembre 2015, ainsi que leurs proches, ceux qui ont survécu à cette nuit et qui demeurent blessés, marqués, meurtris, dans leur corps, dans leur esprit, dans leur âme, au point que la vie même est devenue, pour certains, un fardeau bien lourd à porter. Nous portons aussi dans notre prière notre ville et notre pays, et nous pouvons demander pour nous-mêmes, comme nous y invitait le cardinal André Vingt-Trois dans le message qu’il vous adressait au matin du 14 novembre 2015, de « recevoir la grâce d’un coeur ferme et sans haine. (…) Demandons la grâce d’être des artisans de paix. Nous ne devons jamais désespérer de la paix, si on construit la justice. »
Chers frères et soeurs, Chers amis, ce soir, les cloches de toutes les églises de Paris sonneront pour nous inviter à nous unir, tous ensemble, dans cette même prière. Des messes, des veillées, ont lieu dans plusieurs paroisses, où vous pouvez vous rendre. Ceux d’entre vous qui le souhaitent peuvent manifester leur communion et leur prière en allumant une bougie à leur fenêtre.Mort et ressuscité, le Christ traverse la nuit pour nous, traverse la nuit avec nous. Qu’Il nous donne d’être toujours davantage, pour ceux qui souffrent autour de nous, de fidèles témoins de son espérance, de son amour et de sa paix, des frères et des soeurs sur le chemin.
† Laurent Ulrich
Archevêque de Paris »
« Il y a dix ans, notre ville a été brutalement plongée dans le deuil par la mort de 130 personnes innocentes. Pour beaucoup d’entre nous, le souvenir du 13 novembre 2015 demeure, encore aujourd’hui, celui d’une longue nuit d’angoisse, de notre choc devant la violence la plus gratuite et insensée, de notre effroi devant l’intensité pure du mal.
Notre foi nous pousse aussi à ne pas oublier comment, au cœur de cette obscurité, des lueurs de fraternité, d’amour, de soutien mutuel et d’espérance ont brillé cette nuit-là : combien de mains se sont tendues, combien de soins ont été donnés, combien de portes se sont ouvertes pour offrir un refuge sûr, combien de prières ont été offertes. Oui, nous croyons que, face à l’abîme où la violence avait décidé de nous précipiter, ces gestes simples et courageux de compassion et de bonté ont été le rempart le plus fort. Nous, chrétiens, croyons que cette nuit-là Dieu était réellement présent, dans le dévouement des soignants, dans l’altruisme de la police, dans l’élan d’humanité de tant de Parisiens.
Au nom de toute l’Église catholique de Paris, j’assure de ma prière pour les victimes et leurs proches, pour ceux qui ont survécu à cette nuit et qui demeurent blessés, marqués dans leur corps, leur esprit et leur âme, au point que la vie même est devenue, pour certains, un fardeau difficile à porter.
Ce soir, nous prions aussi pour notre ville et pour notre pays. Demandons la grâce d’être des artisans de paix. Nous ne devons jamais désespérer de la paix, si nous construisons la justice. »


