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Au Liban, un maire demande à ses habitants de « ne pas vendre leur maison » pour sauver l’identité chrétienne de sa ville

Panneau demandant aux habitants de ne pas vendre leur maison - DR
Panneau demandant aux habitants de ne pas vendre leur maison - DR
« Nous respectons toutes les confessions, mais il faut préserver l’identité de notre ville. Il faut que les chrétiens restent attachés à Hadath »

À Hadath, dans la banlieue sud de Beyrouth, le maire Georges Aoun ravive la controverse. Fidèle à une politique instaurée depuis plus de dix ans, il appelle les habitants à consulter la municipalité avant toute vente ou location, afin de préserver le caractère chrétien d’une ville en pleine mutation démographique.« Pour que Hadath reste la ville de ses habitants : ne vends pas et ne loue pas ta maison, la municipalité ne validera pas ton contrat. » Ce message, affiché sur les murs de la localité, a relancé le débat sur la coexistence confessionnelle et l’avenir démographique des régions chrétiennes au Liban.

L’Orient-Le Jour précise que le président de la municipalité, Georges Aoun, défend cette mesure mise en place depuis 2010. Selon lui, il ne s’agit pas d’une décision discriminatoire, mais d’une initiative destinée à « renforcer la coexistence entre les différentes communautés » et à « préserver l’identité » de la ville. La municipalité invite donc les habitants et les propriétaires à consulter la mairie avant toute transaction.« Hadath était historiquement une zone à forte prédominance chrétienne », explique M. Aoun. « Aujourd’hui, entre 30 et 35 % des habitants et propriétaires de la région sont chrétiens », ajoute-t-il, en évoquant un « changement démographique » marqué.

« Nous respectons toutes les confessions, mais il faut préserver l’identité de notre ville. Il faut que les chrétiens restent attachés à Hadath », insiste-t-il.

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À ses yeux, « chaque municipalité doit œuvrer à préserver l’identité de sa ville ou de son village ».Cette position a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux. Plusieurs internautes ont dénoncé une politique jugée « confessionnelle et raciste ». Une utilisatrice de la plateforme X a estimé que cette décision « porte en elle des dimensions révélant la haine », tandis qu’une autre a accusé ses promoteurs d’être des « sionistes de l’intérieur », une expression violente souvent utilisée pour dénoncer l’exclusion communautaire.D’autres, au contraire, soutiennent le maire de Hadath. Selon eux, cette initiative protège la cohésion sociale et empêche la disparition de la présence chrétienne dans une région où les mutations démographiques sont rapides. « Si seulement toutes les municipalités pouvaient suivre cet exemple », a écrit un internaute, saluant une politique qui défend selon lui l’équilibre communautaire du pays.

Avant la guerre civile de 1975-1990, la région s’étendant de Hadath jusqu’à l’aéroport de Beyrouth était majoritairement chrétienne. Après le conflit, de nombreux investisseurs chiites ont acheté des terrains dans cette zone afin de désengorger la banlieue sud voisine, plus densément peuplée. C’est dans ce contexte que la municipalité nouvellement élue avait lancé, dès 2010, sa première campagne d’affichage : « Ne vends pas ton terrain, la municipalité ne signera pas. »La position du maire Georges Aoun s’inscrit dans une réalité plus large : celle d’une inquiétude persistante au sein des communautés chrétiennes du Liban. Face à l’émigration massive, à la crise économique et à la pression immobilière, de nombreuses localités chrétiennes ont vu leur composition confessionnelle se transformer radicalement. Des quartiers comme Haret Hreik, Furn el-Chebbak ou Hazmieh ont perdu une grande partie de leur population chrétienne.

Pour une partie des Libanais, l’appel de Hadath est donc moins un rejet des autres communautés qu’une tentative de survie identitaire. Il traduit la volonté de conserver un équilibre démographique que beaucoup estiment essentiel à la stabilité du pays. Mais cette initiative soulève aussi une question sensible : jusqu’où peut-on aller pour défendre une identité locale sans menacer la coexistence confessionnelle qui fonde encore, malgré tout, le fragile édifice libanais ?

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