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Au Nicaragua, la dictature confisque et profane les biens de l’Église et asphyxie la foi

Monastère des sœurs trappistines à San Pedro de Lóvago  Nicaragua - DR
Monastère des sœurs trappistines à San Pedro de Lóvago Nicaragua - DR
« Nous sommes confrontés non seulement à la confiscation, mais à la profanation des biens de l’Église, là où existaient des chapelles et des lieux de prière"

La répression du régime de Daniel Ortega et Rosario Murillo contre l’Église catholique au Nicaragua franchit un cap alarmant. Selon les données recueillies par l’avocate et chercheuse Martha Patricia Molina, au moins vingt-huit biens de l’Église ont été confisqués et détournés de leur finalité spirituelle. Derrière cette offensive se cache une volonté manifeste de détruire l’influence sociale, morale et intellectuelle de l’Église dans le pays.

« Nous sommes confrontés non seulement à la confiscation, mais à la profanation des biens de l’Église, là où existaient des chapelles et des lieux de prière. Il y a aussi eu des vols de biens mobiliers et d’objets religieux d’une immense valeur pour les catholiques », affirme Molina.

Parmi les biens saisis figure l’Université centraméricaine (UCA), dirigée par les jésuites, fermée puis confisquée en août 2023 sous prétexte d’activités terroristes. Elle représentait un haut lieu de pensée critique au Nicaragua. La Curie épiscopale de Matagalpa, ancien siège de l’évêque Rolando Álvarez, aujourd’hui en exil après avoir été emprisonné, a été remise à l’Institut nicaraguayen de sécurité sociale. Le monastère des sœurs trappistines à San Pedro de Lóvago a été transformé en centre technique agricole, et le foyer des Missionnaires de la Charité à Granada est devenu un centre de développement infantile d’État. La maison des sœurs de la Fraternité des Pauvres de Jésus-Christ à León a quant à elle été convertie en bureaux de l’immigration.

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Le cas le plus récent est celui des sœurs clarisses, expulsées du pays, dont les biens accueillent désormais le Centre universitaire agro-exportateur « Héros de Chinandega », inauguré le 4 mai 2025. Un geste que Molina considère comme emblématique de la stratégie du régime visant à « effacer toute trace de l’Église catholique qui pourrait représenter un contre-pouvoir ».

La répression ne s’arrête pas aux seuls bâtiments. Depuis 2022, seize médias catholiques ont été fermés, dont Radio María, le Canal Católico de Nicaragua, TV Merced, Canal San José et douze radios paroissiales. Ces fermetures ont été justifiées par des accusations arbitraires d’illégalité ou d’incitation à la haine.Sur le plan financier, plus de 90 % des comptes bancaires des diocèses, paroisses et congrégations religieuses ont été gelés. Cette mesure paralyse les activités caritatives de l’Église et compromet la subsistance même du clergé. « Le climat de peur est général », ajoute Molina, évoquant la crainte des représailles qui empêche bon nombre de religieux de s’exprimer librement. Les risques d’arrestations arbitraires, d’exil forcé ou de harcèlement sont devenus une réalité quotidienne pour ceux qui restent fidèles à leur mission.

Cette campagne de persécution rappelle les heures les plus sombres de l’histoire récente du Nicaragua, lorsque le pouvoir sandiniste tentait déjà dans les années 1980 d’étouffer la voix prophétique de l’Église. Aujourd’hui, cette voix est à nouveau menacée, dans un silence assourdissant.

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