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Azerbaïdjan et Vatican : le premier scandale à affronter pour Léon XIV ?

La cathédrale d'Etchmiadzin, église-mère de l'Église apostolique arménienne - DR
La cathédrale d'Etchmiadzin, église-mère de l'Église apostolique arménienne - DR
Ce dossier pourrait bien constituer la première grande épreuve du pontificat de Léon XIV. Entre la volonté de promouvoir la paix et le risque d’apparaître complaisant envers Bakou, le Saint-Siège se retrouve au cœur d’un jeu diplomatique explosif

C’est le dimanche 10 août que le pape Léon XIV en personne s’est réjoui de la signature d’une « Déclaration conjointe pour la paix » entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Mais cette annonce, accueillie avec prudence dans de nombreuses chancelleries, a provoqué une vague d’inquiétude en Arménie. Au centre des critiques : la création d’un corridor traversant le sud du pays, sous supervision américaine, pour relier l’Azerbaïdjan à sa province du Nakhitchevan. Pour Erevan, ce projet menace directement sa souveraineté nationale et fragilise encore davantage une région déjà secouée par les guerres du Haut-Karabakh.Situé au carrefour du Caucase, entre la Russie, l’Iran et la Turquie, l’Azerbaïdjan est riche en pétrole et en gaz. Dirigé d’une main de fer par la famille Aliyev depuis plus de trente ans, le pays pratique une diplomatie active, combinant alliances énergétiques avec l’Occident et proximité culturelle avec la Turquie.
Pour les Arméniens, peuple chrétien martyrisé à travers l’histoire, l’ombre de Bakou est une menace constante, tant sur le plan militaire que culturel.

Dans ce contexte, la révélation d’investigations journalistiques fait grincer bien des dents. Selon l’IRPI (Projet de journalisme d’investigation Italie), Bakou aurait versé environ 640 000 euros pour restaurer plusieurs trésors du patrimoine du Vatican : catacombes, manuscrits, œuvres d’art et même un bas-relief de la basilique Saint-Pierre

Une générosité qui ressemble fort à une stratégie d’influence : améliorer l’image du régime en se présentant comme mécène de la culture catholique.Peut-on recevoir sans prudence ces financements, alors que le même État maintient une pression constante sur son voisin chrétien arménien ?

Pour le pape Léon XIV, qui entend se poser en bâtisseur de paix et en voix universelle au service du dialogue, la tentation est grande d’encourager toute avancée diplomatique. Mais ses encouragements risquent d’être perçus, à tort ou à raison, comme une caution accordée à une manœuvre politique de Bakou.Des voix au sein de l’Église s’interrogent déjà : l’indépendance spirituelle du Saint-Siège peut-elle être préservée si elle se trouve liée à des financements venus de puissances étrangères ?

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Au-delà des chiffres et des révélations, cette affaire révèle une tension constante dans l’histoire de l’Église : comment conjuguer l’universalité du message chrétien avec les compromis que semble imposer la diplomatie ? Si le Saint-Siège a toujours cherché à être une voix pour la paix, il doit aussi se souvenir qu’il n’est jamais plus crédible que lorsqu’il ose défendre les faibles et les persécutés, même au prix de froisser des puissants.Dans cette lumière, l’épreuve qui s’ouvre pour Léon XIV n’est pas simplement diplomatique, elle est spirituelle. L’accueil bienveillant d’un geste de paix ne doit pas se transformer en caution donnée à une stratégie d’influence. Car la mission de Pierre n’est pas d’équilibrer des alliances, mais de rappeler au monde que toute paix véritable repose sur la justice et la vérité.

L’affaire azérie met ainsi Léon XIV face à un défi majeur : comment promouvoir la paix sans donner l’impression d’être instrumentalisé ? Comment accepter l’aide d’un État autoritaire tout en restant libre de rappeler la vérité sur la dignité des peuples ?L’histoire jugera si cette séquence aura marqué la première grande crise de son pontificat.

Texte intégral de la déclaration du pape Léon XIV (10 août 2025)

« J’accueille avec une profonde espérance la Déclaration conjointe pour la paix signée par les autorités de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Que ce pas courageux marque le début d’un chemin nouveau, où la méfiance cède la place à la confiance et où la logique des armes laisse place à la logique du dialogue.J’invite les responsables politiques à persévérer dans cet esprit de réconciliation, même si les difficultés demeurent nombreuses. La paix n’est jamais un acquis facile, elle demande patience, courage et générosité.J’assure les peuples arménien et azéri de ma prière, demandant à Dieu qu’Il guérisse les blessures du passé, protège les innocents et inspire à chacun un désir sincère de fraternité. L’Église, de son côté, continuera à offrir son soutien spirituel et moral à toute initiative authentique en faveur de la paix. »

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