Les abbés Guillaume Antoine et Henri Vallançon redonnent vie à la magnifique abbaye prémontrée de La Lucerne (Manche) en accordant une attention particulière à la liturgie. Cette initiative pourrait servir d’exemple…
LA NEF a rencontré et interviewé l’Abbé Guillaume Antoine, voici quelques extraits :
“La Nef – Pourriez-vous nous raconter comment vous avez décidé de vous installer à l’abbaye de La Lucerne, quelles étaient vos intentions et quel soutien avez-vous reçu de la part de votre évêque et du diocèse ?
Abbé Guillaume Antoine – Avec l’abbé Henri Vallançon, ce projet nous est venu de manière providentielle lors d’un pèlerinage dans les Pouilles à Saint-Michel au Mont Gargan et auprès de saint Padre Pio. Nous l’avons immédiatement soumis à notre évêque Mgr Laurent Le Boulc’h (maintenant archevêque de Lille), qui, après une longue réflexion, nous a installés le 8 septembre 2022 à l’abbaye avec la mission de créer un Centre spirituel et culturel. Voici comment notre évêque a décrit cette fondation : “Notre monde est à la recherche de lieux propices où les personnes peuvent librement se poser, prendre du recul par rapport à leur quotidien, discerner, trouver du sens et de l’aspiration. L’Église catholique entend cet appel qui murmure dans le monde contemporain. Elle souhaite donc mettre à disposition ses ressources esthétiques, culturelles, bibliques et liturgiques pour contribuer à étancher les soifs les plus authentiques des hommes et des femmes d’aujourd’hui.” L’abbé Henri et moi-même sommes particulièrement sensibles au modèle oratorien, marqué par les figures de saint Philippe Néri et de saint John Henry Newman. C’est une source d’inspiration pour notre projet, en attendant peut-être d’ériger un Oratoire si d’autres se joignent à nous !
…/…
Votre liturgie, dans la forme ordinaire, est particulièrement soignée : elle est orientée, chantée en grégorien et célébrée en latin. Pourquoi ce choix et comment est-il accueilli par les fidèles ?
Depuis le début de notre apostolat en tant que prêtres diocésains dans le diocèse de Coutances, nous avons personnellement ressenti le manque de consolation que représentait l’absence de liturgie latine et grégorienne. Nous souhaitions donc placer la liturgie de l’Église comme la source la plus visible et la plus évidente de notre apostolat. Parallèlement, conscients de la grande valeur missionnaire du chant traditionnel de l’Église, nous ne pouvions que souhaiter offrir quotidiennement aux fidèles qui vivent ou qui viennent dans la baie du Mont Saint-Michel ce trésor inestimable !
À La Lucerne, tous les éléments s’harmonisent de manière exceptionnelle pour permettre une réception de la liturgie avec une intensité particulière : le spectacle de la nature et des saisons qui se déploie à travers la magnifique verrière de l’église abbatiale, les mélismes du chant grégorien qui répondent aux mélismes des chants d’oiseaux, la remarquable qualité acoustique de l’église abbatiale, les sonorités magnifiques de l’orgue baroque, dont certains tuyaux remontent à 1514, et le caractère préservé de la vallée du Thar…
Ce contexte naturel et architectural si propice rend presque évident, même aux yeux des visiteurs éloignés de l’Église, le choix d’une liturgie profondément enracinée qui apparaît comme l’élément central autour duquel tout le reste gravite. En somme, nous ne pouvons que vous inviter à venir découvrir ce joyau.
…/…
Avez-vous reçu des réactions de “traditionalistes” à votre expérience ? Et comment envisagez-vous l’avenir de la question liturgique dans le contexte des restrictions imposées par Rome à l’égard de la forme extraordinaire (Traditionis custodes et ses conséquences) ?
J’espère surtout que les personnes que l’on définit ou qui se définissent comme “traditionalistes” en raison de leur attachement à l’orientation de la liturgie, à la latinité ou au chant grégorien pourront réaliser, en venant à La Lucerne, que leurs aspirations légitimes ne vont nullement à l’encontre de ce que l’Église souhaite offrir encore aujourd’hui. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir sur ce point.
À l’abbaye de La Lucerne, nous voulons prendre de la hauteur par rapport à toutes les querelles et être un lieu accueillant où l’on peut vivre les trésors liturgiques et spirituels de l’Église sans se prendre la tête.
Je suis consterné par les vexations subies par de nombreux clercs et fidèles, dans certains diocèses, en raison de leur attachement à ce joyau qu’est la liturgie latine et grégorienne.
C’est insensé et incompréhensible, surtout en cette période de fragilité extrême où nous devrions nous recentrer sur Dieu et nous unir dans une ardente charité.
Un “éco-hameau” est en train de se former autour de l’abbaye. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?
L’idée est de rassembler des familles ou des personnes souhaitant s’enraciner dans un magnifique terroir à proximité de l’abbaye afin de recréer des liens de voisinage. Il s’agit de développer des modes de vie sobres, en tenant compte des questions de respect de la nature et de transition énergétique. Cela peut sembler aller à l’encontre de l’esprit du temps, mais cela a en réalité des implications très évangéliques. Pour beaucoup de ces familles, la question de l’éducation est centrale.
C’est pourquoi nous souhaitons proposer des sessions ponctuelles ou des formations régulières, qu’il s’agisse de formations spirituelles, musicales, artisanales ou botaniques. Les membres de l’éco-hameau pourront apporter leurs compétences, chacun dans son domaine. Quelques familles se sont déjà installées ces derniers mois autour de l’abbaye, tandis que d’autres sont encore en phase de discernement. N’hésitez pas à venir nous rendre visite !
(Source de l’interview : La Nef)
Abbaye de La Lucerne, D105, 50320 La Lucerne-d’Outremer.
Tél. : 02 33 60 58 98.
Courriel : accueil@abbaye-lucerne.fr
Site : www.abbaye-lucerne.fr/
