Le XIIᵉ siècle fut, pour la Champagne chrétienne, un temps de ferveur monastique et de renouveau spirituel. Parmi les figures féminines qui y ont laissé une empreinte discrète mais durable, la Bienheureuse Émeline d’Yèvres demeure une présence humble et lumineuse, témoin d’une sainteté vécue dans le silence et la pénitence.Née vraisemblablement au début du XIIᵉ siècle, Émeline mena une vie d’ermite dans la région de Longeville-sur-la-Laines, en Haute-Marne, rattachée au monastère de Boulancourt. Ce monastère, fondé en 1152 et passé à l’ordre de Cîteaux en 1147 à la demande d’Henry de Carinthie, évêque de Troyes, fut un lieu de vie religieuse particulièrement actif.
Selon la tradition rapportée par le Routier cistercien, Émeline mourut en 1178, contemporaine de sainte Asceline et du bienheureux Gossuin, qui dépendaient du même monastère. Les chroniqueurs précisent qu’elle n’appartenait pas formellement à l’ordre cistercien mais qu’elle vivait comme sœur converse, observant la règle de saint Benoît avec un zèle exemplaire.Émeline se distinguait par une austérité remarquable : elle jeûnait fréquemment, ne mangeant que trois fois par semaine, marchait pieds nus été comme hiver et portait le cilice. Son existence se partageait entre la prière, le chant des psaumes et la contemplation. Des témoignages évoquent aussi un don de prophétie qui attira vers elle de nombreux fidèles.
L’un des récits les plus connus rapporte qu’elle aurait prédit à sire Symon de Beaufort une blessure à l’œil lors d’une bataille ; la prophétie s’étant réalisée, le baron fit d’importants dons à l’abbaye en signe de reconnaissance.
À sa mort, en 1178, Émeline fut ensevelie sous l’autel du couvent des Dames, rattaché à Boulancourt, où une flamme brûlait sans cesse en sa mémoire. Plus tard, lorsque la chapelle fut détruite, ses reliques furent transférées dans l’église de Boulancourt, aux côtés de celles de sainte Asceline et de saint Gossuin. De ces vestiges, il ne reste aujourd’hui aucune trace matérielle.
Aucune représentation picturale ou statuaire ne subsiste non plus de la Bienheureuse Émeline. Sa mémoire n’en demeure pas moins vivante dans le diocèse de Troyes, notamment grâce à l’ouvrage de l’abbé Ch. Lalore, Vie de la Bienheureuse Émeline d’Yèvres (1869), qui contribua à raviver le souvenir de cette humble religieuse.
Figure effacée, Émeline rappelle que la sainteté ne se mesure pas à la renommée ni aux œuvres visibles, mais à la fidélité silencieuse à l’appel de Dieu. Sa vie cachée, toute donnée à la prière et à la pénitence, demeure un modèle de simplicité évangélique pour ceux qui cherchent à servir dans l’ombre et la vérité.
Avec nominis


