Tandis que les évêques saluent le calme du scrutin tout en dénonçant de graves irrégularités l’archevêque de Garoua, Monseigneur Faustin Ambassa Ndjodo, a tenu à lancer un appel pressant au calme, à l’unité et à la responsabilité nationale.Interrogé par Radio Vatican, le prélat a déploré les violences qui ont éclaté dans plusieurs villes du pays, en particulier à Garoua, fief de l’opposant Issa Tchiroma Bakary, lequel a dénoncé un scrutin qu’il juge truqué et une mascarade électorale. Des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont provoqué plusieurs morts et d’importants dégâts matériels, selon les médias locaux.
« Le Cameroun ne peut pas se construire dans la colère, ni dans la haine », a déclaré Monseigneur Ambassa Ndjodo, et de poursuivre « Nous avons besoin de paix, non pas seulement pour aujourd’hui, mais pour les générations à venir. »
Face à la multiplication des violences, l’archevêque de Garoua a exhorté les Camerounais à refuser la logique de confrontation, invitant les forces de sécurité à agir avec discernement. « Je demande aux uns et aux autres d’éviter toute escalade. Tout le monde a intérêt à ce que le calme soit rétabli, au moins pour l’intérêt général de la nation », a-t-il ajouté. Selon lui, la paix doit précéder toute discussion politique, car « ce n’est pas avec des esprits échauffés qu’on peut bâtir quelque chose de solide. Il faut d’abord apaiser les cœurs. »
La position de l’Église catholique au Cameroun s’est d’ailleurs affirmée à l’approche du scrutin de 2025, marquant une évolution notable dans son rapport au pouvoir politique. Plusieurs évêques, rompant avec la traditionnelle prudence institutionnelle, ont exprimé publiquement leur souhait de voir émerger une alternance pacifique après plus de quatre décennies de gouvernance du président Paul Biya. L’évêque de Yagoua, Mgr Yaouda Hourgo, avait ainsi appelé dans son homélie du Nouvel An à « ouvrir un nouveau chapitre » pour le Cameroun, estimant que la stabilité du pays passe aussi par le renouveau politique. De son côté, l’évêque de Ngaoundéré avait dénoncé la répression du débat public, regrettant qu’on interdise aux Camerounais d’exprimer leurs souffrances sous peine d’être « broyés par le rouleau compresseur de l’État ».La voix la plus marquante demeure celle de Monseigneur Samuel Kleda, archevêque métropolitain de Douala, figure respectée et influente dans l’épiscopat camerounais. Dans une interview accordée à RFI, il avait jugé irréaliste une nouvelle candidature du président sortant, appelant à une transition ordonnée et apaisée pour préserver la paix civile.
Ces prises de position, relayées par plusieurs médias catholiques africains, traduisent la volonté de l’Église d’assumer un rôle prophétique dans la vie publique, fidèle à sa mission de défense de la justice et de la dignité humaine. Si elle ne s’érige pas en parti d’opposition, l’Église camerounaise rappelle avec fermeté que la légitimité politique doit toujours s’enraciner dans le bien commun et non dans la seule conservation du pouvoir.
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Notons que quelques jours après le vote du 12 octobre, les membres de la Conférence Épiscopale Nationale du Cameroun ont publié une déclaration saluant le déroulement globalement paisible du scrutin, tout en signalant plusieurs irrégularités susceptibles d’entraver la marche démocratique du pays. Selon le rapport d’ACI Afrique, les évêques ont félicité les efforts d’Élections Cameroun pour avoir permis un vote dans une atmosphère calme et ordonnée, citant la présence de plus de deux cents observateurs accrédités dans plus de douze mille bureaux de vote à travers le pays. Les prélats ont relevé que les urnes étaient scellées, transparentes et visibles du public, et que le dépouillement s’était déroulé de manière publique et respectueuse du secret du vote.Cependant, ils ont également relevé des failles préoccupantes, parmi lesquelles des taux d’abstention élevés, des listes électorales non mises à jour, des déplacements de bureaux de vote, ou encore des cas isolés d’électeurs quittant les lieux avec des bulletins non utilisés.
Des incidents de violence ont aussi été notés, notamment à Garoua et à Dschang. Tout en saluant la maturité civique des électeurs, la Conférence Épiscopale a appelé les autorités à garantir la transparence et la crédibilité du dépouillement, espérant que rien ne serait modifié par une autorité impliquée dans cet exercice.
Les évêques ont conclu leur message par une prière pour que le Cameroun, avec l’aide de Dieu et l’engagement de tous, connaisse la paix et la stabilité dans la vérité.
Dans son message, Monseigneur Ambassa Ndjodo a également mis en garde contre les divisions profondes qui traversent désormais la société camerounaise. « Des familles, des amis, des communautés se déchirent à cause de la politique. Ce n’est pas cela notre vocation. Nous sommes avant tout frères et sœurs, enfants d’un même pays. » Pour lui, la politique doit redevenir un instrument de service et non de division, et les responsables religieux de toutes confessions doivent œuvrer ensemble pour préserver la paix et la cohésion nationale.Depuis plusieurs décennies, l’Eglise tente de favoriser le dialogue national et d’apaiser les tensions communautaires et politiques. Dans un contexte de méfiance généralisée envers les institutions, la voix de l’Église demeure pour beaucoup un repère moral et spirituel. Alors que la contestation se poursuit et que la société camerounaise s’interroge sur son avenir politique, l’appel de l’archevêque de Garoua illustre la volonté de l’Église de rappeler à tous que la paix, la justice et la vérité restent les conditions premières d’un avenir commun.


