La contestation enfle à Carcassonne contre le projet immersif dans l’église Saint-Vincent, porté par l’agence Cultival et le studio multimédia Moment Factory. En à peine quatre jours, la pétition mise en ligne le 19 mars sur le site mesopinions.com a déjà récolté plus de 6 000 signatures. Les pétitionnaires dénoncent un projet qui pourrait porter un coup fatal à ce lieu de prière et de recueillement, transformé en simple attraction touristique.Selon La Dépêche du Midi, les opposants craignent « des dégâts irrémédiables aux œuvres d’art, fresques et tableaux des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, statues et aux deux orgues », sans parler de l’obturation des vitraux et de l’usage de brumisateurs et de brouillards artificiels. Ces procédés, conçus pour créer une ambiance spectaculaire, sont jugés incompatibles avec la préservation du patrimoine historique et religieux.
Face à ce « scandale local » le diocèse de Narbonne donne l’impression de naviguer à vue, sans véritablement apporter de réponse claire aux fidèles inquiets. Joint par la rédaction de Tribune Chrétienne, Benjamin Yobouet, responsable de la communication du diocèse, souligne que « c’est la Mairie de Carcassonne qui porte ce projet. C’est elle qui peut vous donner ses motivations. »Certes, il est exact que la municipalité est à l’origine de cette initiative, mais cette réponse dénote un manque de prise de responsabilité de la part de l’Église locale. Les fidèles, attachés à la vocation spirituelle de l’église, attendent légitimement que le diocèse prenne position pour défendre l’intégrité du lieu de culte.
Pour justifier le projet, Benjamin Yobouet évoque des exemples d’églises prestigieuses ayant accueilli des installations lumineuses, comme « la basilique Saint-Sernin de Toulouse ou la cathédrale Saint-Louis des Invalides, à Paris. » Cette comparaison est non seulement peu pertinente, mais elle témoigne d’une certaine méconnaissance de la spécificité de l’église Saint-Vincent, qui n’a ni la vocation touristique ni l’envergure de ces grands monuments nationaux. Les fidèles de Carcassonne y voient, à juste titre,un lieu de prière et de recueillement, non une attraction culturelle et touristique.
Interrogé sur les dangers que représentent les dispositifs immersifs, tels que les brumisateurs et autres procédés artificiels, pour les fresques et les œuvres d’art, Benjamin Yobouet se contente de répondre que « l’église Saint-Vincent faisant l’objet d’une protection au titre des monuments historiques, les autorités compétentes seront sûrement amenées à juger de ces aspects du projet. » Une réponse qui élude totalement la question de la responsabilité ecclésiastique. Le classement patrimonial impose une vigilance accrue des autorités culturelles, mais l’Église elle-même a son mot à dire pour défendre la préservation et les risques encourus par les espaces sacrés, elle ne peut simplement déléguer cette mission aux instances civiles.
Sur la question de la transformation du lieu de prière en attraction touristique, Benjamin Yobouet affirme que « pour la paroisse, c’est le point de vigilance principal : conformément à la loi de 1905, un tel projet ne peut remettre en cause la vocation du lieu, qui est d’être dédié au culte. » Une affirmation qui paraît bien théorique face à la réalité de projets immersifs qui, dans d’autres cas, ont clairement relégué la vocation spirituelle au second plan. Le diocèse donne l’impression de sous-estimer le risque de dénaturation d’un espace sacré.
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Quant au rôle de l’évêque de Carcassonne, le responsable de la communication précise que « ce projet a pour cadre une église paroissiale. Il relève donc au terme de la loi de l’accord du curé, qui est l’affectataire du lieu, et non de l’évêque. » Cette explication est acceptable, mais elle ne justifie pas pour autant l’absence de position claire de la part du diocèse. Même si l’accord relève techniquement du curé, l’évêque et le diocèse restent pleinement responsables de la dimension spirituelle de l’église et de la préservation de son caractère sacré. Se contenter de passer la responsabilité à un seul prêtre sans manifester un avis plus ferme est perçu par beaucoup comme un manque de discernement pastoral.
Enfin, lorsqu’il est question de la manière dont la paroisse compte répondre aux inquiétudes des fidèles, Benjamin Yobouet déclare que « la paroisse entend exercer ses prérogatives, et les paroissiens continueront à être tenus informés des évolutions du projet. » Une promesse vague qui ne donne aucune garantie concrète quant à la préservation de la vocation sacrée du lieu. Les fidèles attendent des gestes forts et des engagements clairs, pas de simples déclarations d’intention.
Les réponses du diocèse de Narbonne laissent un sentiment de flottement face à un projet qui cristallise pourtant de nombreuses inquiétudes. L’absence de prise de position affirmée et la prudence excessive donnent l’impression que l’Église locale se dérobe devant ses responsabilités spirituelles. Les fidèles, eux, espèrent que la préservation de leur lieu de culte ne sera pas sacrifiée au nom de l’attractivité touristique.