Dans un entretien accordé au journal Avvenire le 29 avril 2025, intitulé (« Le cardinal Vesco : “Il faut une Église ouverte à tous : d’abord l’homme, puis la doctrine” »), le cardinal français Jean-Paul Vesco, dominicain et archevêque d’Alger, livre une vision de l’Église marquée par l’ouverture maximale et le dialogue universel. Une approche qui séduit certains mais interroge profondément sur les fondements théologiques d’une telle posture.
Le cardinal affirme ainsi que « le prochain pape ne s’appellera probablement pas François II », reconnaissant que le style de gouvernement du pape François, qu’il qualifie de « réformateur », est difficilement reproductible. Il salue une Église selon lui « saine » et « en marche », qui aurait échappé au risque de s’éteindre. Mais à y regarder de plus près, cette Église si vivante peine à remplir les séminaires, les églises, et à transmettre clairement la foi.C’est toute l’ambiguïté d’un discours pastoral fondé sur la primauté de la personne sur la doctrine, autrement dit d’une pastorale qui semble chercher l’unité avec le monde avant la fidélité à la Vérité. Cette inversion des priorités, qui place l’homme avant Dieu, l’écoute de l’autre avant la Parole du Christ, constitue pourtant une rupture majeure avec l’enseignement constant de l’Église.
Le cardinal Vesco reprend ici les thèmes chers au pontificat de François : dialogue interreligieux (notamment via le Document d’Abu Dhabi signé avec le grand imam d’al-Azhar), critique du proselytisme, et réhabilitation du mot d’ordre « pour tous ». Il en appelle à une « Église de la fraternité », qui ne commencerait plus par annoncer le salut mais par accueillir, bénir, comprendre. Il va jusqu’à dire : « Je considère plus importante l’orthopraxie que l’orthodoxie », c’est-à-dire la pratique avant la foi. Or, sans foi droite, quel est le sens d’une pratique ? Comment l’Église peut-elle être lumière du monde si elle s’aligne sur ses ténèbres ?
Sur le plan moral, le cardinal défend Fiducia supplicans, la déclaration autorisant les bénédictions de couples dits « irréguliers », y compris homosexuels, au nom de l’amour inconditionnel de Dieu. Une générosité qui, une fois détachée de tout appel à la conversion, perd son ancrage évangélique. La miséricorde sans vérité devient une flatterie du péché, non une libération de celui-ci.
Même confusion sur la question des divorcés remariés : Jean-Paul Vesco regrette que certains cherchent à faire annuler leur mariage pour communier. Pourtant, il oublie que c’est précisément parce que le mariage chrétien est indissoluble qu’il engage pour la vie. Accompagner ne signifie pas annuler la vérité sacramentelle.
Lire aussi
Dans cette volonté d’un monde meilleur et plus juste à la manière des hommes, l’inclusivité est apparue comme le mot-clé justifiant toutes les ouvertures. Mais l’inclusivité ainsi promue finit par signifier l’effacement de toute limite doctrinale. Tout devient acceptable, bénissable, intégrable. La vérité elle-même devient secondaire. Or, si l’Église perd sa clarté, elle perd aussi sa mission.
L’homme ne peut être sauvé sans la vérité du Christ. Il ne suffit pas de dire « tu es aimé », encore faut-il dire « va, et ne pèche plus ». L’accueil sans exigence n’est qu’une illusion de charité. « L’homme avant la doctrine » ? Ce slogan flatteur pourrait bien signer la ruine d’une Église qui cesserait d’enseigner le salut pour simplement accompagner les naufrages.Alors que le conclave s’ouvrira le 7 mai prochain, les déclarations du cardinal Vesco illustrent les fractures profondes au sein du collège cardinalice. Le futur pape devra choisir entre une Église qui dialogue avec le monde ou une Église qui l’évangélise ; entre une Église qui bénit sans distinction ou une Église qui conduit à la conversion. Espérons qu’il choisira le Christ avant tout.