Depuis 2000 ans

Comment l’intelligence artificielle est devenue un défi éthique majeur pour l’Église

Réplique de la basilique Saint Pierre de Rome réalisée par Intelligence Artificielle - DR
Réplique de la basilique Saint Pierre de Rome réalisée par Intelligence Artificielle - DR
La puissance de l’IA, amplifiée par les avancées en nanotechnologies, biotechnologies et sciences cognitives, pourrait redéfinir l’humanité elle-même.

Aujourd’hui et demain, les 10 et 11 février, se tient à Paris un sommet mondial consacré à l’intelligence artificielle, le Vatican représenté par Monseigneur Paul Richard Gallagher, y portera une réflexion éthique sur cette technologie aux conséquences incalculables. Deux semaines auparavant, le Saint-Siège publiait Antiqua et Nova, un document approfondi sur les enjeux anthropologiques et moraux de l’IA. Interrogé par Vatican News Monseigneur Carlo Maria Polvani, secrétaire du dicastère pour la Culture et l’éducation, rest revenu sur ces bouleversements et la nécessité d’une régulation centrée sur la dignité humaine.

« Nous sommes devant de très grands changements, comparables aux bouleversements sociologiques et anthropologiques de la révolution industrielle », avertit Mgr Polvani. La puissance de l’IA, amplifiée par les avancées en nanotechnologies, biotechnologies et sciences cognitives, pourrait redéfinir l’humanité elle-même.

L’Église ne peut ignorer cette mutation. Antiqua et Nova, publié le 28 janvier par les dicastères pour la Culture et l’éducation et pour la Doctrine de la foi, souligne l’importance de la responsabilité éthique face à un outil qui, bien utilisé, peut sauver des vies, mais qui, sans encadrement, peut accentuer les inégalités et altérer la conception même de la dignité humaine.

« L’IA doit rester un instrument au service de l’homme, et non l’inverse », insiste Mgr Polvani. Le risque est réel : si l’IA se substitue à la décision humaine dans des domaines cruciaux comme la santé ou la justice, elle pourrait menacer la liberté et la responsabilité individuelles.

Loin de diaboliser ou d’idéaliser cette technologie, l’Église prône une approche équilibrée. « Il faut en voir les dangers, mais aussi les bénéfices. L’IA peut être un formidable outil pour l’éducation, la recherche médicale ou encore la préservation des cultures », explique Mgr Polvani.Un exemple frappant est l’usage de l’IA à l’hôpital Cochin de Paris, où elle aide à détecter précocement le cancer du sein, sauvant ainsi des vies. Mais que se passera-t-il si elle est utilisée pour prioriser les patients sans intervention humaine ? La régulation devient impérative.

L’Église insiste sur la centralité de la personne humaine et la nécessité de protéger les plus vulnérables. L’industrialisation a déjà montré les conséquences d’une innovation mal encadrée : progrès économiques, mais aussi exploitation et creusement des inégalités. L’IA ne doit pas reproduire ces erreurs.

L’un des grands dangers de l’IA réside dans la tentation de l’homme de se prendre pour son propre créateur, voire d’altérer sa nature. « Certains courants transhumanistes rêvent de dépasser l’homme par la machine, niant ainsi l’unicité de l’être humain créé à l’image de Dieu », alerte le prélat Polvani.L’IA, en modifiant notre perception de la rationalité et de l’intelligence, pourrait aussi transformer notre rapport à la foi. « L’Église catholique a toujours vu la nature comme réceptacle de la grâce. Si l’IA change notre conception de la nature humaine, elle peut aussi altérer notre vision de la grâce », explique-t-il.

Lire aussi

L’outil doit rester sous contrôle. Une IA qui s’améliore de manière autonome et qui devient incontournable dans nos décisions pose un véritable défi. Contrairement à la télévision ou à la radio, l’IA ne se contente pas de diffuser de l’information : elle influence et façonne activement la manière dont nous comprenons le monde.

Une opportunité à encadrer pour un bien commun universel

Pour Mgr Polvani, l’IA ne doit pas être perçue uniquement comme un danger, mais comme une opportunité à condition d’être maîtrisée. « Nous devons avoir l’espérance que cet instrument sera bien utilisé », affirme-t-il.Le Saint-Siège encourage une gouvernance mondiale de l’IA pour garantir son usage éthique. L’inclusion des peuples autochtones et des cultures minoritaires dans la base de données de l’IA est essentielle pour éviter une uniformisation et une domination technologique d’un petit nombre d’acteurs.

L’IA pourrait également révolutionner l’Église elle-même, en optimisant la gestion des ressources pastorales et en facilitant l’accès à la formation religieuse dans les régions isolées. La catéchèse, la diffusion des textes sacrés et l’administration des diocèses pourraient bénéficier d’une utilisation judicieuse de cette technologie.

Mais l’enjeu reste le même : l’IA doit rester au service de l’homme et non devenir un maître invisible dictant ses choix et sa destinée. C’est sur cette vigilance que l’Église souhaite alerter, alors que les décisions prises aujourd’hui auront des répercussions profondes sur l’avenir de l’humanité.

Recevez chaque jour notre newsletter !