À moins de 24 heures de l’ouverture d’un Conclave d’une importance décisive pour l’avenir de l’Église, les cardinaux se préparent à entrer dans la Chapelle Sixtine. Parmi les nombreux noms qui circulent, qui seront les véritables prétendants à la succession de François ?
Plusieurs figures se distinguent, certains étant des favoris évidents, tandis que d’autres, considérés comme des outsiders, alimentent encore le doute et l’incertitude.
1. Cardinal Pietro Parolin : un compromis qui peut rassurer mais inquiète de nombreux catholiques
Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican, reste l’un des grands favoris à la succession de François, grâce à son rôle central dans la diplomatie vaticane. Son expérience et son habileté à manœuvrer dans le monde complexe des relations internationales sont des atouts indéniables. Toutefois, son approche diplomatique, perçue comme un compromis, suscite des inquiétudes chez de nombreux catholiques qui redoutent une continuité excessive avec le pontificat de François.
L’un des principaux dossiers qui a terni son image est celui de la Chine. En 2018, sous son impulsion, le Vatican a signé un accord historique avec le gouvernement chinois visant à réguler la nomination des évêques dans le pays. Si cet accord a été présenté comme un pas vers la réconciliation, il n’a pas permis d’améliorer la situation des catholiques en Chine. La liberté religieuse reste gravement restreinte, et l’Église souterraine chinoise continue de subir des persécutions. Le Vatican, quant à lui, n’a pas vu ses engagements en matière de protection des croyants respectés par Pékin.Cet échec diplomatique est perçu comme un compromis hasardeux, où l’Église aurait sacrifié certains principes pour obtenir une reconnaissance politique en Chine, sans obtenir les garanties sur la liberté religieuse et la protection des droits des catholiques. Si le cardinal Parolin a réussi à rapprocher Rome et Pékin sur le plan diplomatique, il n’a pas su imposer l’inviolabilité des principes de la foi face aux ambitions politiques de la Chine. Cette faiblesse pourrait devenir un handicap dans le Conclave, où de nombreux cardinaux, particulièrement les plus conservateurs, pourraient considérer qu’il a cédé à des compromis indus, mettant en danger la liberté de l’Église.
Au-delà de la question chinoise, le cardinal Parolin est également lié à des affaires financières complexes au sein du Vatican. Des scandales financiers, tels que l’affaire des investissements immobiliers dans le quartier de Londres, ont eu des répercussions sur la crédibilité du Saint-Siège. En tant que secrétaire d’État, le cardinal Parolin est souvent perçu comme ayant été trop impliqué dans la gestion de ces affaires.
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2. Cardinal Matteo Zuppi: L’homme qui veut dialoguer avec tout le monde, sauf avec Dieu ?
L’archevêque de Bologne, cardinal Matteo Zuppi, figure parmi les papabili , mais avec un paradoxe inquiétant : cet homme du dialogue semble avoir oublié l’essentiel de l’Église, à savoir la Vérité divine. Son image de pacificateur, largement saluée pour ses efforts de réconciliation et son engagement interreligieux, pourrait bien masquer une dérive doctrinale de grande ampleur.
Son soutien à des positions ultra-progressistes, telles que la communion pour les divorcés remariés, et les bénédictions gays marque un affaiblissement dangereux de la doctrine catholique. En 2018, le cardinal Zuppi a soutenu l’inclusion des divorcés dans la communion, une position qui a déjà été largement critiquée par les partisans d’une fidélité à l’enseignement de l’Église. Ce compromis ne répond pas seulement à des besoins pastoraux, mais semble parfois ignorer la nécessité de maintenir les fondements de la foi catholique, en particulier face aux mœurs modernes.
Il incarne une approche de l’Église qui cherche à plaire à tout le monde, mais à quel prix ?
Dans ce contexte, ses actions et son discours peuvent être perçus comme une dilution de la vérité chrétienne, visant à apaiser les tensions sociales mais au détriment de la doctrine. La question qui se pose est donc de savoir si l’Église doit se contenter de compromis pour éviter la confrontation avec le monde moderne, ou si elle doit rester fidèle à la vérité divine, même au prix de divisions nécessaires.
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3. Cardinal Luis Antonio Tagle – Le « François asiatique » : héritier spirituel ou héritage doctrinal fragilisé ?
Le cardinal philippin Luis Antonio Tagle est souvent perçu comme le « François asiatique », tant son profil correspond à celui du pape actuel. Comme François, le cardinal Tagle incarne un projet d’Église plus ouverte et engagée envers les périphéries, notamment à travers son action en faveur des migrants, des pauvres et des démunis. Toutefois, ses positions idéologiques ont été vivement critiquées, notamment sur des questions doctrinales qui pourraient compromettre son ascension à la papauté.Son alignement sur les positions progressistes de François, notamment en ce qui concerne les personnes LGBTQ+ et les divorcés-remariés, suscite des oppositions croissantes.
Son discours, souvent axé sur des questions sociales et pastorales, a été jugé par certains théologiens trop idéologique, au détriment des dogmes traditionnels de l’Église. Par ailleurs, sa gestion de Caritas Internationalis, marquée par des critiques internes sur sa méthode et sa capacité à diriger, a entaché son image de leader ecclésiastique capable de réformer l’Église en profondeur. Le manque de soutien du cardinal Tagle en dehors de l’Asie, notamment en Europe et en Amérique latine, où les résistances aux réformes de François sont fortes, pourrait également constituer un obstacle majeur à son élection.
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4. Cardinal Jean-Marc Aveline, le mystère français : un bouleversement théologique en perspective
Le cardinal français Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille,était l’un des favoris du pape François pour lui succéder. Cependant, son approche théologique, qui se veut innovante et inclusive, a suscité de vives critiques, notamment en raison de ses prises de position sur la nature du salut et du rôle de l’Église dans un monde pluraliste.Le cardinal français défend une redéfinition radicale de la foi et du salut, se distançant ainsi de la doctrine catholique.
Le cardinal Aveline critique ouvertement le dogme Extra Ecclesiam Nulla Salus (Hors de l’Église, point de salut), le qualifiant d’« adage patristique » à revisiter à la lumière du pluralisme religieux contemporain. Il affirme que l’Église doit reconnaître le rôle des autres religions, non pas comme des réalités compétitives, mais comme des éléments contribuant au salut global de l’humanité. Cette position, proche de celle du pape François, semble remettre en cause l’exclusivité du salut chrétien, une idée qui suscite une profonde inquiétude chez de nombreux catholiques.Le cardinal Aveline ne cache pas son désir d’un véritable changement de paradigme dans la théologie catholique. Il plaide pour une théologie des religions plutôt que pour une théologie du salut des infidèles. Cette approche, qui privilégie l’unité naturelle du genre humain sur l’unité surnaturelle de l’Église, pourrait marquer un tournant dans la mission de l’Église, la transformant en une institution plus universelle et moins doctrinaire.
Le cardinal Aveline, influencé par la pensée postmoderne et le dominicain Claude Geffré, semble vouloir déconstruire les vérités reçues pour les adapter à une vision plus pluraliste et relativiste de la foi. Une telle approche pourrait transformer radicalement l’Église, au point de la rendre méconnaissable pour ceux qui considèrent que la foi catholique repose sur des vérités absolues et immuables.
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5. Cardinal Robert Prevost : un papabile accusé de dissimulation ?
Le cardinal américain Robert Prevost, préfet du Dicastère pour les évêques, séduit par son parcours entre l’Amérique du Nord et l’Amérique latine, et sa connaissance des réalités ecclésiales du Sud global. Son ascension fulgurante a été soutenue par des figures comme le cardinal Christophe Pierre, nonce apostolique aux États-Unis, et le cardinal Oscar Maradiaga, ancien conseiller influent du pape François. Cependant, cette montée en puissance s’accompagne d’un lourd bagage.
Cependant des accusations sérieuses ont été portées contre le prélat, accusé notamment de dissimulation de cas d’abus sexuels. Trois religieuses du diocèse de Chiclayo, au Pérou, ont accusé le cardinal d’avoir ignoré leurs signalements d’abus sexuels commis par un prêtre en 2022. Selon les plaignantes, malgré leurs alertes, aucune enquête canonique sérieuse n’a été lancée et les documents transmis à Rome auraient été volontairement incomplets pour éviter toute procédure. En outre, une autre affaire à Chicago, où le cardinal Prevost a autorisé un prêtre accusé d’abus sexuels à vivre près d’une école sans en informer les autorités, jette une ombre supplémentaire sur sa gestion des affaires ecclésiales.
Ces scandales, qui vont à l’encontre des appels à une réforme sérieuse et à une culture de la transparence, pourraient mettre en péril la crédibilité de son pontificat.
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Pour conclure , rappelons que beaucoup espèrent une continuité avec le pape François, mais plus nombreux encore sont ceux qui la redoutent. L’Église est aujourd’hui fracturée et fragilisée. Entre synode, dérive doctrinale, ouverture au monde, aux périphéries et fermeture à Dieu, l’avenir reste incertain.
Dans ce climat de division, l’Église doit faire face à des défis d’une ampleur inédite. Alors que les cardinaux entrent dans la Chapelle Sixtine, la prière monte pour que l’Esprit Saint guide chacun d’eux, afin qu’en conscience, ils fassent le choix de Dieu et non le choix des hommes. Il est également fortement possible qu’aucun de ces noms ne figure parmi les candidats à la papauté, et l’Église pourrait alors assister à une surprise divine, celle d’un pape qui, à l’image de Jean-Paul II en son temps, saurait changer le monde sans se laisser changer par le monde.