A une époque où l’effacement progressif de la vérité objective ronge jusqu’aux fondements doctrinaux de l’Église, un nouveau discours s’impose avec une redoutable efficacité : celui de l’inclusivité. Il ne rejette pas ouvertement la foi chrétienne, il l’intègre, l’englobe, l’adoucit… et l’annule. Car ce que le Christ a proclamé haut et fort ,qu’Il est l’unique Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14,6), ne peut cohabiter avec une vision selon laquelle toutes les religions seraient des voies également valables vers Dieu.
Ce discours inclusif est agréable à l’oreille, séduisant pour l’intelligence, et flatteur pour le cœur humain qui cherche à éviter le conflit, à accueillir, à ne blesser personne. Il émeut. Il rassure. Il fait consensus. Mais c’est précisément cette séduction qui le rend dangereux, car il produit une émotion qui masque son véritable objectif : nier la Vérité salvifique de Jésus-Christ. Alors faut-il y voir une simple naïveté de l’homme moderne, ou l’action plus subtile du Malin, qui, comme toujours, sape la vérité en se présentant comme ange de lumière ?
Car derrière ce courant dit pastoral, se cache une véritable idéologie, portée avec constance par des figures comme le cardinal Jean-Claude Hollerich, rapporteur général du Synode sur la synodalité, le cardinal Robert McElroy à San Diego, ou encore le cardinal Blaise Cupich à Chicago. Tous trois ont défendu ouvertement l’idée que l’Église devrait adapter sa doctrine au nom de l’inclusion, en particulier sur les questions du dialogue interreligieux, des unions homosexuelles, et de l’accès à l’Eucharistie pour les personnes en situation dite « irrégulière ».
Le cardinal Hollerich a déclaré en 2022 : « Je crois que le fondement sociologique et scientifique de cette doctrine [concernant l’homosexualité] n’est plus correct. Il est temps de réviser fondamentalement l’enseignement de l’Église. ». De son coté , le cardinal McElroy a plaidé dans America Magazine pour une « inclusion radicale » des personnes LGBTQ+ et divorcées remariées, affirmant que « l’exclusion de ces groupes de la vie de l’Église est une injustice qui doit être corrigée ».
Quant au cardinal Cupich, il a encouragé l’accueil inconditionnel : « Nous faisons mieux lorsque nous écoutons les autres avant de parler ou de porter des jugements sur eux. »
À l’inverse, des cardinaux comme Robert Sarah, Gerhard Müller, Raymond Burke ou le Guinéen Peter Turkson — pourtant réputé modéré, continuent de rappeler avec courage la centralité du salut en Jésus-Christ et l’indispensable fidélité à l’Évangile. Mais ceux-là, on les traite de ringards, d’hommes du passé, d’obstacles à l’ouverture et à la modernité.
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Jésus n’a jamais dit : « Proposez l’Évangile si cela ne dérange personne ». Il a dit : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19).Ce n’est pas un conseil, mais un ordre divin. Et pourtant, dans l’Église d’aujourd’hui, le mot “prosélytisme” est devenu suspect, rejeté sans nuance, confondu avec le fanatisme, l’endoctrinement ou la manipulation.
Mais, étymologiquement, le prosélyte est celui qui “vient vers”. En ce sens, faire des prosélytes, c’est obéir au Christ qui commande de rendre disciples toutes les nations. Confondre cela avec un recrutement sectaire ou une pression psychologique, c’est faire une grave confusion , et c’est exactement cette confusion qui paralyse la mission de l’Église aujourd’hui.
Saint Paul VI, dans Evangelii nuntiandi, le disait avec clarté :
« La plus belle des vies ne suffit pas si elle n’est pas éclairée par l’annonce explicite du nom, de la vie, des promesses et du mystère de Jésus de Nazareth, Fils de Dieu. »
Et pourtant, depuis quelques années, l’idée même d’annoncer Jésus comme unique Sauveur est remise en question. Le 4 février 2019 à Abou Dhabi, le pape François a signé une déclaration affirmant que « le pluralisme et la diversité des religions […] sont une sage volonté divine ». Affirmation ambiguë : s’agit-il d’une volonté positive de Dieu, ou d’une simple permission du mal ? Car si Dieu veut positivement toutes les religions, le Verbe incarné ne serait plus l’unique médiateur entre Dieu et les hommes (cf. 1 Tm 2,5).
Plus grave encore : en septembre 2024, à Singapour, le pape déclare que « toutes les religions sont un chemin pour parvenir à Dieu »,les comparant à des langues différentes. Une phrase aussi plaisante qu’erronée, car le Christ ne s’est pas présenté comme une langue parmi d’autres, mais comme la Parole faite chair, le seul chemin vers le Père.
Mais l’inclusivité, poussée à l’extrême et érigée en dogme de gouvernement pastoral, devient le comble de l’arrogance spirituelle. Car c’est bien là le drame : l’homme se prend pour Dieu, et veut imposer au divin sa propre vision des choses, de la vérité, de la morale, et même du salut.
La constitution Lumen Gentium du concile Vatican II enseigne avec nuance que ce qu’il y a de bon et de vrai dans les autres traditions peut préparer à l’Évangile, mais elle affirme aussi que « bien souvent, les hommes, trompés par le malin, ont échangé la vérité divine contre le mensonge ».C’est pourquoi l’Église, fidèle à l’ordre de son Maître, ne cesse d’envoyer des missionnaires pour annoncer que
« en nul autre il n’y a de salut » (Ac 4,12).
L’enjeu n’est pas une préférence spirituelle. L’enjeu, c’est le salut éternel des âmes. La mission n’est pas une option stratégique, mais une nécessité de charité. Renoncer à l’annonce explicite du Christ, c’est abandonner ceux qui marchent encore dans l’ombre de la mort (cf. Lc 1,79). C’est leur refuser la seule lumière véritable, au nom d’un mensonge flatteur et confortable.
Ce prosélytisme de l’inclusivité, c’est la subversion de la mission de l’Église par le langage du monde. Et derrière cette séduction du langage se cache peut-être l’un des plus grands périls spirituels de notre temps : le renoncement à proclamer la vérité au nom de la paix, la dilution du sel de la terre pour ne blesser personne. Mais un sel sans saveur n’est plus bon à rien, dit le Seigneur (cf. Mt 5,13).
Que nos pasteurs retrouvent le courage des missionnaires d’antan. Et sans Vérité, il n’y a ni liberté, ni salut.