Par Philippe Marie
Peut-on vraiment parler d’un succès ? le journal La Croix a qualifié le Congrès Mission de « mini Salon de l’agriculture catholique ». Nous aurions, pour notre part, plutôt parlé d’une Foire de Paris catholique, car il faut bien le reconnaître, ce qu’on peut porter au crédit des organisateurs, c’est d’avoir réussi à condenser, en un seul lieu, toutes les sensibilités de l’Église… ou presque. En soi, c’est déjà une prouesse.
On aurait presque pu dire : « On trouve de tout au Congrès Mission », ou presque. Dans les salles, on croisait ainsi Aymeric Pourbaix, de France Catholique (et présentateur de En quête d’esprit sur CNews), Jean Vallier de Notre-Dame de Chrétienté, mais aussi Bernadette Sauvaget de Libération, venue constater que l’événement peinait, en réalité, à remplir ses salles.Car les chiffres parlent d’eux-mêmes : 3 500 inscrits seulement, contre les 20 000 espérés. Raphaël Cornu-Thenard, l’un des fondateurs, a préféré relativiser, estimant que « le but serait atteint » si l’on comptait finalement entre 6 000 et 7 000 participants. Mais du point presse du vendredi soir jusqu’à la messe du dimanche, on était loin, très loin, des 10 000 fidèles annoncés.
Au fil des stands, on aura donc vu passer de tout, des compétitions de judo, les reliques de sainte Thérèse arrivant à moto, des prêtres qui aiment parler, beaucoup parler, les Scouts d’Europe, Olivier Giroud en vidéo fidèle à ce type de rendez-vous, et beaucoup venus surtout “réseauter”, obtenir un contact, préparer un “après” ou saisir une opportunité. Un air de salon professionnel planait parfois sur ce grand marché de la foi où l’enthousiasme le disputait à la communication.
Mais le plus marquant, c’est sans doute le bruit. Ce bruit permanent, presque volontaire, comme pour couvrir l’Essentiel
🚨⚡️Congrès Mission 2025 : du bruit et encore du bruit ! on voulait voir la messe, on n’a pas été déçus…!
— Tribune Chrétienne (@tribuchretienne) November 9, 2025
📌Après un week-end rythmé par les démonstrations de judo ( combat spirituel vs combat physique) , les concerts de rock et les sketchs de prêtres inspirés façon… pic.twitter.com/rrFQpEbokc
Entre la surexcitation du groupe Glorious, les applaudissements frénétiques et les slogans scandés à tout-va, on a vu Saint-Sulpice transformée en Bercy, et Bercy en foire catholique.Le slogan du week-end était :
« Si t’es chrétien, tape dans tes mains ! » le but, partager une émotion pour après partager sa foi..? Les recettes de l’Eglise évangélique étaient donc bien là : les cris, les bras levés, la musique à fond, les processions de prêtres façon Disney parade ..Mais au fond, cette logique de faire du bruit laisse perplexe.Est-ce là le seul témoignage possible ? Faire du bruit, ressentir une émotion, vibrer ensemble…Mais le Seigneur a-t-il crié ? Le Seigneur a t-il invité à taper dans ses mains ? Sauf oubli des Évangiles, on y découvre un Jésus silencieux, dont chaque parole portait le poids de la vérité, et où le bruit était absent et la prière constante.
Certes, Notre-Dame de Chrétienté a répondu poliment à l’invitation des organisateurs. Mais au fond, on voit bien se dessiner une fracture, celle d’une Église qui veut rassembler à tout prix, quitte à singer les méthodes évangéliques pour « faire vibrer » les foules et attirer à tout prix une autre partie de l’Église en la persuadant qu’elle a raison de croire à ce nouveau type d’évangélisation.
L’unité des catholiques de France n’a pas à s’exacerber dans ce genre de business catho.
Elle est de facto existante par la prière et cette foi en Jésus-Christ, seul médiateur du salut. Le pape Léon XIV l’a rappelé encore ce week-end : « Mettre le Christ au centre » suffit. Pourquoi vouloir s’agiter dans tous les sens au risque de perdre toute la profondeur et la vérité de la Parole, pour la faire passer pour un simple slogan marketing ? L’unité de l’Église est donc bien acquise autour du Christ, et il y aura toujours des sensibilités différentes, c’est dans la nature de l’homme.
Nous nous interrogeons sur ces nouvelles méthodes d’évangélisation, sont-elles l’avenir de l’Église ? elles en font peut-être partie, certes, mais à ce jour les résultats sont plutôt contrastés. À notre connaissance, ce sont les séminaires de la communauté Saint-Martin qui sont pleins, pas vraiment adeptes d’une liturgie transformée en spectacle.Car lorsque dans Saint-Sulpice résonnent des hurlements et incantations sur fond de percussions, on est pris d’un doute profond. Est-ce encore cela, l’Église ? Une Église qui prie, ou une Église qui performe ? Une assemblée de fidèles, ou un public de festival ? En sortant, beaucoup se posaient la même question : Et si, à force de vouloir faire du bruit pour Dieu, on en venait à ne plus entendre Sa voix ? « Il ne querellera pas, il ne criera pas, et personne n’entendra sa voix dans les rues. » (Matthieu 12:19)


