Une trentaine de dirigeants chrétiens aux États-Unis ont adressé une lettre au président Donald Trump, l’appelant à désigner le Nigeria comme « pays particulièrement préoccupant » (CPC) en raison des violences persistantes contre les chrétiens. Une demande qui relance le débat sur la responsabilité morale et diplomatique des grandes puissances face à la persécution religieuse.Le 15 octobre dernier , un groupe d’environ trente responsables chrétiens américains a remis à la Maison-Blanche une lettre demandant à l’administration Trump d’inscrire le Nigeria sur la liste des Countries of Particular Concern (CPC), c’est-à-dire les pays où les violations de la liberté religieuse sont jugées « systématiques, continues et graves ». Selon les signataires, le Nigeria est aujourd’hui le pays où le plus grand nombre de chrétiens sont tués chaque année en raison de leur foi.
Le député américain Riley Moore a demandé au secrétaire d’État Marco Rubio de replacer le Nigeria sur la liste des pays les plus préoccupants pour la liberté religieuse, dénonçant une persécution massive des chrétiens dans le pays. Plus de 7 000 chrétiens ont été tués en 2025 et près de 50 000 depuis 2009. Moore appelle à une action urgente des États-Unis pour protéger les croyants et suspendre l’aide militaire au Nigeria tant que la situation ne s’améliore pas.
Créée en 1999, la liste CPC n’a inclus le Nigeria qu’en 2020, avant qu’il n’en soit retiré dès 2021, décision jugée incompréhensible par de nombreux observateurs. « Ce retrait ne correspond à aucune amélioration des conditions sur le terrain », rappelle le chercheur nigérian Enweonwu O. Anthony. Selon lui, la prudence américaine s’expliquerait surtout par « les intérêts géopolitiques et énergétiques que représente le Nigeria, notamment ses importantes réserves pétrolières ».La lettre, adressée à Donald Trump, s’appuie sur des données alarmantes. En 2025 seulement, près d’un millier de chrétiens ont été tués dans l’État de Benue, au cœur du pays. Les attaques sont souvent imputées à des milices peules radicalisées, accusées de vouloir islamiser de force la région dite du Middle Belt.
Les signataires soulignent que les autorités nigérianes se montrent « inertes ou inefficaces » face à ces attaques, laissant les communautés chrétiennes livrées à elles-mêmes.
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Le professeur Robert Fastiggi, théologien au Sacred Heart Major Seminary de Detroit, estime qu’une telle désignation aurait d’abord « une portée symbolique essentielle », montrant que « les États-Unis s’opposent au terrorisme exercé au nom de la religion ». Il met toutefois en garde contre les sanctions économiques « qui risqueraient de pénaliser les innocents plutôt que les responsables ».Outre la désignation du Nigeria en tant que CPC, plusieurs experts plaident pour que les milices peules jihadistes soient classées comme « entité particulièrement préoccupante » (Entity of Particular Concern). Cette reconnaissance permettrait, selon Enweonwu O. Anthony, « d’identifier clairement les groupes auteurs d’atrocités et d’appliquer des sanctions ciblées ».
La situation décrite n’est pas nouvelle. Depuis 2009, plus de 50 000 chrétiens nigérians ont été tués par des extrémistes islamistes, selon les chiffres avancés par International Christian Concern (ICC). Des millions d’autres ont été déplacés, vivant aujourd’hui dans des conditions précaires. En mars dernier, Mgr Wilfred Anagbe, évêque catholique nigérian, déclarait devant une commission du Congrès américain : « L’expérience des chrétiens au Nigeria peut se résumer à celle d’une Église sous extermination islamiste. » Quelques mois plus tard, son propre village était attaqué et plusieurs membres de sa famille massacrés.Le débat sur la désignation du Nigeria comme Country of Particular Concern illustre une tension persistante entre la realpolitik et la défense des droits fondamentaux. Pour les chrétiens persécutés, cette reconnaissance représenterait un signe d’écoute et un espoir d’action concrète. Pour Washington, il s’agit de concilier la défense de la liberté religieuse, pilier de sa tradition politique, avec ses intérêts stratégiques en Afrique de l’Ouest.Alors que la communauté internationale s’interroge sur la meilleure manière de réagir, les chrétiens du Nigeria continuent de vivre dans la peur. Leur témoignage, marqué par la fidélité et la souffrance, appelle les nations à un sursaut de conscience.


