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[Editorial] D’une Église rétrécie à une mission trahie ?

L’Église triomphante - Matteis - Diocèse de Paris - DR
L’Église triomphante - Matteis - Diocèse de Paris - DR
Alors que les évêques sont réunis à Lourdes pour choisir un nouveau président et qu’ils font un point d’étape sur la lutte contre les violences sexuelles dans l’Église, certains discours trahissent une inquiétante tentation : celle de réorganiser l’Église au risque de renoncer à sa mission.

Dans une tribune publiée le 24 mars sur le site du très laïc journal La Croix, Ambroise Laurent, ancien secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques de France (CEF), affirme que « l’organisation de l’Église n’est plus adaptée à la réalité de notre pays ». Une déclaration symptomatique d’un cléricalisme technocratique qui croit pouvoir résoudre la crise de l’Église par des schémas de réorganisation calqués sur les méthodes du monde entrepreneurial. Il y a ici une méprise grave sur la nature même de l’Église et de sa mission.

Car enfin, que nous propose-t-on ? Moins de diocèses, moins de structures, moins de présence, moins de charges — bref, une Église diminuée, comme si se retrancher, se contracter, se faire discrète était le seul chemin viable. Le raisonnement est clair : puisqu’il y a moins de moyens, il faut se réduire. Or, une Église qui choisit la réduction est une Église qui consent à l’effacement. L’Évangile, lui, ne connaît pas ce langage de la peur : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19). Le Christ n’a pas appelé ses apôtres à optimiser des budgets, mais à conquérir les cœurs.

La logique purement comptable qui préside à ces propositions, sous couvert de bon sens économique, trahit une vision désincarnée de la pastorale. Réduire les diocèses au nom de l’efficacité, c’est nier la dimension charnelle, territoriale, locale du mystère chrétien. C’est oublier qu’un diocèse n’est pas une antenne administrative, mais une Église particulière, confiée à un évêque successeur des Apôtres. Toucher à cette organisation, c’est toucher à l’ecclésiologie.

Quant à l’idée de se concentrer sur « quelques domaines essentiels pour l’annonce de l’Évangile », elle trahit en réalité une tentation plus grave : celle de ne retenir du message chrétien que ce qui peut séduire ou rassurer la société contemporaine. C’est une forme d’auto-censure pastorale, une réduction stratégique du kérygme à quelques thèmes consensuels, supposément audibles par le monde. Mais évacuer la Croix, le péché, le salut, le combat spirituel, c’est renier l’Évangile dans sa totalité. Une telle sélection trahit la mission de l’Église, qui n’est pas de plaire, mais d’enseigner « tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28, 20).

Ce que cette tribune ignore superbement, c’est que le principal obstacle à la mission n’est pas une carte diocésaine héritée de Napoléon, mais le silence des pasteurs, la dilution de la foi, la crainte d’affirmer la Vérité. L’Église ne fait plus face à une crise structurelle, mais à une crise de foi. Là est l’urgence. Quand un peuple ne sait plus s’il doit croire en la présence réelle du Christ à l’autel, ce n’est pas en fermant une église sur deux qu’on résout le problème.

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Ce discours réformiste prétend « amplifier le souffle de la mission » en allégeant le poids de la structure. En réalité, il prépare une Église muette, invisible, sans audace, sans combat. Il rêve d’une Église fluide, adaptable, connectée, mais il oublie que l’Église est d’abord une Mère, pas une start-up. Une Épouse du Christ, pas une association subventionnée.

Non, ce n’est pas à l’Église de s’adapter au monde, mais au monde de rester à l’écoute de l’Église. Ambitionner l’avenir avec un pur esprit comptable, c’est déjà renoncer à la mission. Il ne suffit pas de planifier, il faut croire. Il ne suffit pas de réorganiser, il faut transmettre. C’est cela qu’attendent les jeunes et moins jeunes catéchumènes qui commencent à revenir vers l’Église. Il ne faut pas les décevoir, mais savoir leur transmettre l’esprit d’une Église qui part à la conquête des cœurs et des âmes, une Église triomphante, fidèle à la croix glorieuse du Christ.

Il est bon, certes, de savoir se mettre à genoux pour demander pardon. Mais il est tout aussi bon de se relever pour aller de l’avant. Le poids de la repentance ne doit pas être porté éternellement, tel un Sisyphe accablé par sa pierre. Le pardon est fait pour aller plus loin, plus haut. Ne réduisez pas l’avenir de l’Église à une vision malthusienne : sachez transmettre la lumière du Christ et donner à nos fidèles un horizon de joie et d’espérance.

D’ailleurs, l’exemple de nombreuses communes en France montre que lorsque les chrétiens sont unis, motivés, portés par des prêtres zélés et animés par une foi vive, les moyens suivent. Financiers comme humains. Là où certains se résignent à voir leurs églises fermées, d’autres se mobilisent, s’organisent en associations, et défendent leur église comme un trésor vivant. Ce qui fait la différence, c’est le feu intérieur. L’Église ne doit pas éteindre ce feu : elle doit l’entretenir, le raviver, car ce feu brûle ou sommeille en chacun de nous.

Le Seigneur a vaincu ce monde (cf. Jn 16, 33) : ce n’est pas un slogan, c’est une certitude. La Croix est glorieuse, et l’Église est triomphante, même au cœur des tempêtes. Les dons et les moyens afflueront à nouveau lorsque la foi et les vocations seront revenues. Alors, chers évêques , concentrez-vous sur la transmission de la foi, sur la joie d’être chrétien, plutôt que de vous soumettre aux diktats d’un monde qui, lui, ne se convertira jamais à un Évangile édulcoré.

Comme le rappelait le cardinal Sarah : « L’Église ne doit pas adapter la foi à la mode du monde, mais convertir le monde à la foi du Christ. » Tout est là. Toute autre stratégie est une fuite.

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