Par Philippe Marie
Samedi 26 juillet 2025, en la solennité de sainte Anne, le cardinal Robert Sarah a prononcé une homélie d’une puissance et d’une verticalité rare au sanctuaire de Sainte-Anne-d’Auray. Devant des milliers de fidèles, dans un silence impressionnant, il a parlé avec autorité, avec feu, avec clarté. Ce n’était pas un discours diplomatique, convenu, censé flatter l’oreille des représentants politiques présents au premier rang des fidèles. Ce n’était pas une parole prudente et pondérée. C’était une parole prophétique.
Et ce n’est pas un hasard : le cardinal Sarah n’était pas venu en simple prédicateur invité. Il était le légat du pape Léon XIV, c’est-à-dire le représentant officiel du Saint-Père, missionné pour parler en son nom. Ce qu’il a dit, il l’a dit au nom de l’Église universelle.
À ce titre, cette parole engage. Elle oblige à l’écoute. Elle exige une réponse
Ce que les fidèles ont entendu ce jour-là, c’est une voix droite, ferme, enracinée dans l’Écriture et la tradition. Une voix qu’ils n’entendent plus. Une voix qui a tranché net dans le brouillard des relativismes et des prudences. Une voix qui n’a pas reculé devant l’essentiel. Une voix d’évêque et de pasteur.Dès les premiers mots, le ton a été donné. « Merci de ne plus applaudir », a déclaré le cardinal, mettant fin à une habitude trop répandue qui transforme la liturgie en spectacle. En une phrase, il a rappelé que la messe n’est pas un moment humain, mais une offrande à Dieu. Puis, avec une gravité qui n’a laissé aucun doute, il a lancé : « Ne profanez pas la France avec vos lois barbares et inhumaines. »
Le choc de ces mots n’est un choc que pour ceux qui se sont éloignés de Dieu. Il exprime en réalité la limpidité, la force et le tranchant de la parole de l’Évangile. Il ne s’agissait pas d’une provocation, mais d’un acte pastoral, d’un acte de vérité.
Car cette phrase, il faut la méditer. Ce n’est pas une métaphore. Ce n’est pas une image. C’est un jugement moral clair sur l’état de la France. Oui, le cardinal a dénoncé sans détour l’inscription de l’avortement dans la Constitution. Oui, il a dénoncé sans hésitation le projet de loi sur l’euthanasie, présenté cyniquement comme un progrès. Il l’a fait sans prendre de gants, sans nuances inutiles, sans se réfugier derrière des formulations vagues. Il a dit ce qu’aucun évêque de France n’a osé dire avec autant de force, avec autant de netteté. Et cela interroge.Où étaient ces paroles quand la loi sur la fin de vie a été présentée ? Où étaient ces voix quand l’avortement a été sanctuarisé dans le texte fondamental de la République ? Pourquoi tant de silence, tant de prudence, tant de calculs ? De quoi, ou de qui, nos évêques ont-ils peur ? Du pouvoir politique ? Des médias ? De leur propre image ? On ne peut que constater le contraste vertigineux entre le courage du cardinal Sarah et le silence embarrassé de tant de responsables de l’Église de France.
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Le peuple chrétien n’attend pas des évêques qu’ils accompagnent le monde dans ses dérives, mais qu’ils lui résistent. Qu’ils parlent avec la liberté des apôtres, pas avec les formules creuses des technocrates. Ce que le cardinal Sarah a offert ce jour-là, c’est une parole non déformée, non soumise, non édulcorée. Une parole de berger.Il ne s’est pas contenté de dénoncer le mal. Il a aussi montré la voie du salut : l’adoration, la liturgie, la sainteté. Il a rappelé que Dieu doit être adoré en premier. Que la messe est une réponse à la gloire de Dieu, non un lieu d’animation. Que l’église est un lieu sacré, non une salle polyvalente. Il a salué les Bretons venus en habits traditionnels non pour le folklore, mais comme des hommes et des femmes qui témoignent de leur dignité baptismale par la pureté de l’âme et la beauté du vêtement.
Il a parlé d’une Église qui prie, non d’une Église qui s’excuse
Enfin, il a évoqué avec puissance la seule vraie réponse à l’énigme du mal : « Face à la souffrance des innocents, nous n’avons pas de réponse humaine. Il ne reste que l’adoration. » Ce n’est pas de l’impuissance, c’est le cœur de la foi chrétienne. Dans un monde qui croit se sauver par le progrès technique, par ses lois sur l’environnement, cette parole est un rappel radical : seul Dieu sauve.
Certains tristes sires le dénonceront comme trop clivant, trop radical. D’autres, en désespoir de cause, le qualifieront de réactionnaire . Mais que disent-ils de l’Évangile, avant qu’il ne soit dissous dans les compromis du monde ? Le Christ lui-même n’a-t-il pas proclamé : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Luc 12, 49) Ce feu est celui de l’amour vrai, de la conversion, de la vérité. Le cardinal Sarah n’a fait que le raviver.
Ce que nous avons entendu le 26 juillet, ce n’est pas une opinion. Ce n’est pas un courant d’idée ni même une sagesse humaine. Ce n’est pas une sensibilité liturgique ou théologique. C’est l’Église dans ce qu’elle a de plus vrai. Et c’est précisément ce que les fidèles de France attendent. Non pas des évêques en quête de consensus, mais des hommes de Dieu, debout, courageux, amoureux de la Vérité, la seule, celle de l’Évangile.
Car pour l’Église, tout est là : tout est dans le salut des âmes, non dans une Église verte ou une Église « pseudo-inclusive »
Évêques de France, entendez cette voix et cessez de minauder .C’est celle qu’on n’entend plus dans les conférences épiscopales. C’est celle que le peuple fidèle écoute en silence, avec gratitude, avec des larmes. C’est la voix d’un cardinal qui n’a pas peur. Et qui, lui, a osé dire ce que vous vous êtes contentés de penser tout bas. Il est encore temps. Mais il faut choisir. Car ou bien l’on parle au nom de Dieu, ou bien l’on se tait au nom du monde.
Rappelons-nous saint Jean (6, 60-69) : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » […] Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. »
Car cette parole, l’Église l’a déjà reçue dans l’histoire. Elle est l’écho chrétien du Chema Israël « Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est Un » (Deutéronome 6,4). Dans la tradition juive, ce Chema est une profession de foi totale, une adhésion du cœur, de l’âme et de toute la force. Il faut le dire en se levant, en se couchant, en marchant, l’enseigner à ses enfants, le graver sur les portes des maisons. C’est un cri d’unité, de fidélité, d’adoration.
Et aujourd’hui, l’Église catholique, héritière du Chema accompli en Jésus-Christ, que fait-elle ? Ose-t-elle proclamer avec cette même ferveur que Jésus est Seigneur, Fils de Dieu, Sauveur unique ? Ose-t-elle dire aux nations : Écoute ! Écoute, toi aussi, France, terre de baptême, terre d’alliance.Le cardinal Sarah, lui, a écouté et répondu. Il a porté dans son cœur ce feu du Chema devenu flamme eucharistique. Et il l’a transmis comme un témoin – témoin de l’unicité divine, témoin du Verbe incarné, témoin de la Vérité.
Église de France, vas-tu t’en retourner et laisser les fidèles s’en aller, ou vas-tu enfin proclamer haut et fort que seul Jésus-Christ a les paroles de la vie éternelle ?
intégralité de la Messe pontificale et de l’Homélie du Cardinal Sarah