Lors de la messe des Rameaux à Lourdes, 13 500 lycéens ont lancé avec enthousiasme le FRATERNEL 2025. Cette rencontre chrétienne connaît un succès historique, avec une hausse de 55 % des inscriptions en deux ans. Oui, il y a de quoi se réjouir de voir autant de jeunes dans une Église trop souvent désertée.
Mais à la vue des images – concert de rock, avalanche de décibels, évêques et prêtres en défilé façon fashion week ,une question légitime surgit : où est passé le silence ? Le silence de l’adoration, le silence de la prière, le silence dans lequel Dieu parle. Une fois le chapeau de cow-boy rose rangé dans le placard, une fois l’émotion dissipée… que restera-t-il ?
Par ailleurs, on ne comprend pas qu’avec tous les merveilleux chants de la liturgie de l’Église, des chants qui respectent le sacré et qui élèvent l’âme vers Dieu, l’on fasse appel à des groupes comme Be Witness Louange. Ce qu’ils transmettent n’est rien d’autre qu’une émotion, et seulement une émotion. Ni leurs airs, ni leurs paroles, ni leurs mélodies ne portent le caractère sacré de la liturgie. Il n’y a donc, en définitive, rien d’autre que du bruit.
Lire aussi
Attention que l’Église ne se laisse pas enivrer par cette volonté de remplir à tout prix – et à n’importe quel prix – ses églises de jeunes, sans commencer par leur transmettre le sens du sacré, qui passe par une liturgie digne du dialogue avec Dieu. Sinon, l’on restera dans un style de « jolies colonies de vacances », et il n’en restera rien.
De nombreux prêtres nous confient que les jeunes, intrigués par le Christ sur les réseaux sociaux, cherchent sincèrement Dieu. Mais l’Église peine à les accompagner au-delà du premier choc émotionnel. Il y a un vrai problème de transformation de l’essai. Comment faire en sorte que tous ces jeunes qui pensent avoir rencontré le Christ puissent véritablement Le rencontrer ? Non pas dans le tumulte d’une scène, mais dans la profondeur d’une liturgie qui élève.
Oui, nous nous joignons à la joie des milliers de catéchumènes baptisés à Pâques. Oui, nous nous réjouissons de voir une jeunesse rassemblée à Lourdes. Mais nous ne pouvons que regretter que ces grands rassemblements prennent parfois le ton de messes évangéliques tapageuses, au risque de diluer la force silencieuse, belle et sacrée de la liturgie catholique.L’émotion passe. La rencontre avec le Seigneur, elle, transforme. Et pour cela, il faut du silence, de la beauté… et le respect du Mystère.
Beaucoup nous reprocheront sans doute cette critique, et diront que le FRAT, c’est aussi l’adoration. Nous leur répondrons que, si l’adoration est en effet une grâce, elle ne saurait compenser une célébration eucharistique réduite à des hurlements et à des percussions. Ces jeunes, qui sont l’avenir de notre Église, ont soif de Dieu : ils doivent être éduqués au sens du sacré, autrement ils courent naturellement le risque de se fabriquer un dieu à leur image, un dieu qui n’est pas le Dieu vivant. Jésus n’est ni un pote, ni un copain : c’est Dieu fait homme. Et la misère de l’homme ne peut le transformer en « consolateur à paillettes ».
La responsabilité de nos évêques est capitale. Dans un souci louable de célébrer un nombre record de catéchumènes, on ne peut faire l’impasse sur toute la profondeur de l’Évangile. Réécrire une liturgie ou adapter une doctrine pour qu’elle plaise à l’homme – en l’occurrence pour qu’elle plaise aux jeunes – c’est prendre le risque de passer de la théologie au naturalisme. Et dans ce cas, ce n’est pas Dieu que l’on rencontre, mais une projection rassurante de soi-même.
Oui, nous nous joignons à la joie des milliers de catéchumènes baptisés à Pâques. Oui, nous nous réjouissons de voir une jeunesse rassemblée à Lourdes. Mais nous ne pouvons que regretter que ces grands rassemblements prennent parfois le ton des Francofolies de la Rochelle , au risque de diluer la force silencieuse, belle et sacrée de la liturgie catholique.
L’émotion passe. La rencontre avec le Seigneur, elle, transforme. Et pour cela, il faut du silence, de la beauté… et le respect du Mystère.