Editorial par Philippe Marie
Il arrive un moment où la colère n’est plus une option, mais un devoir. Ce qui s’est produit dans l’église de la Madeleine marque ce seuil. Un sacristain agressé dans un lieu sacré, une église profanée en pleine journée, et, au bout de la chaîne judiciaire, un homme remis en liberté. Tout est dit. Et tout est inacceptable.Un sacristain n’est pas une figure abstraite. C’est un homme au service de l’Église, chargé de veiller sur un sanctuaire, d’en préserver la dignité, le silence et la prière. Il n’a fait qu’exercer cette mission élémentaire. Pour cela, il a été menacé de mort, frappé, presque étranglé. Dans une église. En France.
À cette violence s’ajoute un élément qui aggrave encore la gravité de l’affaire. L’agresseur du sacristain était sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français ( OQTF) . Autrement dit, un homme qui n’aurait déjà plus dû se trouver sur le sol national a pu pénétrer librement dans une église. Cette réalité n’est pas secondaire, elle pose une question simple et lourde de sens, comment l’État peut-il prétendre protéger la liberté de culte lorsqu’il n’est même pas en mesure de faire appliquer ses propres décisions administratives ? L’OQTF ignorée devient ici le symbole d’un double abandon, celui de l’autorité publique et celui des catholiques, exposés sans défense dans leurs églises
Ce n’est pas seulement un homme qui a été attaqué. C’est l’Église elle-même. C’est ce qu’il reste de sacré dans l’espace public. Et face à cela, la réponse apportée est glaçante, une levée de garde à vue, une remise en liberté, comme si la gravité des faits s’évaporait dès lors qu’ils touchent un lieu chrétien.
Cette affaire concentre tout ce que les catholiques subissent depuis des années, le mépris discret, l’indifférence institutionnelle, la banalisation de la violence lorsqu’elle vise l’Église.
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Des églises vandalisées, incendiées, profanées. Des prêtres insultés, menacés. Des fidèles agressés. Et presque jamais de sanctions à la hauteur. Jamais de sursaut politique. Jamais de parole forte.On invoque sans cesse la liberté de culte. Mais une liberté que l’on ne défend pas n’est qu’un principe vide. Lorsqu’un sanctuaire devient un lieu où l’on peut manger, menacer, frapper et profaner sans réponse ferme et immédiate, cette liberté est déjà gravement compromise.
Le deux poids, deux mesures est désormais évident. Certaines atteintes déclenchent une mobilisation instantanée, des discours solennels, une indignation officielle. Quand il s’agit de l’Église catholique, on relativise, on temporise, on invoque des circonstances atténuantes, jusqu’à faire passer l’agresseur avant la victime et le sacré.Les catholiques ne demandent aucun privilège. Ils demandent la justice. La même justice que pour tous. Le même respect. La même protection. L’agression d’un sacristain dans une église devrait provoquer un choc national. Elle ne suscite qu’un silence embarrassé.L’impunité n’est jamais neutre. Elle encourage, elle répète, elle installe. Elle prépare les profanations et les violences de demain. Et ceux qui aujourd’hui détournent le regard devront répondre, tôt ou tard, de cette lâcheté.
Ce qui choque peut-être le plus, au fond, c’est l’inversion morale à l’œuvre. Dans cette affaire, tout semble organisé pour atténuer la responsabilité de l’agresseur et, implicitement, pour rendre suspecte la simple existence d’un cadre religieux. L’église devient un espace qu’il faudrait rendre neutre, disponible, sans règles propres, tandis que celui qui en viole la vocation bénéficie d’une compréhension immédiate. Cette logique est dangereuse. Elle traduit une incapacité croissante à reconnaître qu’un lieu de culte n’est pas un espace public comme les autres, mais un lieu protégé par le droit, la tradition et le respect dû aux croyants.
Un sacristain agressé. Une église profanée. Un agresseur remis en liberté. Ce n’est pas un simple fait divers. C’est le symptôme d’un abandon. Et pour les catholiques de France, c’est une humiliation de trop.


