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Entre avortement et peine de mort, le pape Léon XIV a-t-il été pris au piège des interviews improvisées ?

Capture écran Facebook
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Cette interview expéditive laisse l’impression d’un « incident de parcours » qui souligne surtout le danger de ces prises de parole improvisées

Alors qu’il quittait Castel Gandolfo le 30 septembre, le pape Léon XIV a été interpellé par des journalistes au sujet d’un prix proposé par le cardinal Cupich, archevêque de Chicago, en faveur du sénateur démocrate Dick Durbin. Ce dernier est connu pour son engagement en faveur des immigrés et de certaines associations catholiques, mais aussi pour son soutien constant à la légalisation de l’avortement. Un cas éminemment sensible qui a pris de court le Souverain Pontife.

Pris de court, le pape Léon XIV s’est soumis à un exercice qui relève habituellement du champ politique : l’interview à chaud. Ce format, rapide et inattendu, l’a contraint à donner son avis sur une affaire délicate qu’il a lui-même reconnu ne pas bien maîtriser : « je ne connais pas bien le cas spécifique », a-t-il déclaré devant les caméras. À partir de là, ses propos improvisés ont ouvert la voie à des ambiguïtés et à des comparaisons jugées problématiques.

Le Saint-Père n’est pas un commentateur d’actualité ni un dirigeant de parti politique. Pourtant, à force de multiplier les rencontres informelles avec les journalistes, il donne parfois l’impression d’entrer dans ce jeu médiatique où l’instantané prévaut sur la réflexion. Or, la mission du pape n’est pas de livrer des opinions mais de transmettre des enseignements. Les questions posées à brûle-pourpoint, surtout sur des dossiers complexes et sensibles, exposent inévitablement le successeur de Pierre à des réponses incomplètes, voire maladroites.

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Interrogé sur la récompense envisagée pour Dick Durbin, le pape a d’abord invité à considérer « le curriculum du sénateur dans sa totalité » et à « chercher ensemble la vérité sur les questions éthiques », rappelant que l’homme politique siège depuis quarante ans au Sénat américain. Mais une telle approche soulève des objections : si l’on doit évaluer l’ensemble d’un parcours, ce n’est pas pour légitimer l’inacceptable, mais au contraire pour éviter qu’un prix public n’honore des positions contraires à la dignité humaine. Mettre en avant l’engagement du sénateur pour les immigrés ne saurait faire oublier son activisme constant en faveur de l’avortement.

Léon XIV a ensuite affirmé : « Celui qui dit être contre l’avortement mais favorable à la peine de mort n’est pas vraiment pro-vie… Celui qui dit être contre l’avortement mais d’accord avec le traitement inhumain réservé aux immigrés aux États-Unis, je ne sais pas s’il est pro-vie. » Ces paroles, prises à la lettre, ont suscité un vive étonnement et suscité une sorte de confusion.

Mettre sur le même plan la lutte contre l’avortement, les politiques migratoires et la question de la peine capitale semble « contestable ». L’avortement est un mal absolu, intrinsèquement mauvais, qui ne peut jamais être justifié. Les politiques migratoires, elles, relèvent de la prudence politique et peuvent être mises en œuvre par des voies diverses. Quant à la peine de mort, elle a longtemps appartenu à la tradition doctrinale de l’Église, même si le pape François a choisi de la condamner comme inadmissible aujourd’hui.Avec davantage de recul, ou si ses paroles avaient été préparées par écrit, Léon XIV aurait sans doute formulé autrement sa pensée. Cette interview expéditive laisse l’impression d’un « incident de parcours » qui souligne surtout le danger de ces prises de parole improvisées. Peut-être faudrait-il qu’un jour, au Vatican, l’on accepte de repenser en profondeur la stratégie de communication du Saint-Siège, pour que le Pape soit écouté comme maître dans la foi, et non piégé comme un homme politique au sortir d’une réunion.

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