Alors que le projet de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté entre dans sa phase finale d’examen parlementaire, une tribune collective de pharmaciens vient rappeler une évidence que certains veulent effacer : la conscience n’est pas une variable d’ajustement législatif. Dans cette prise de position courageuse, cosignée par plusieurs professionnels de santé, les auteurs dénoncent une tentative de forcer les pharmaciens à devenir complices d’une « aide à mourir » que beaucoup considèrent comme un acte de mort.
Dès les premières lignes, le ton est donné : « Nous, pharmaciens, n’avons pas été consultés sur un sujet de cette importance. » Le reproche est grave. À travers les déclarations de la présidente de l’Ordre des pharmaciens et du président de la FSPF, ce sont tous les pharmaciens de France qui se seraient vus attribuer une approbation tacite… sans jamais avoir été sollicités. Une parole confisquée, et pire encore, utilisée contre la conscience même de ceux qu’elle prétend représenter.Les auteurs dénoncent un véritable reniement de leur serment : « Cette proposition de loi vient rompre avec notre vocation et notre code de déontologie. » L’article R4235-2 du Code de la santé publique est sans ambiguïté : le pharmacien exerce « dans le respect de la vie ». Comment dès lors justifier qu’il devienne un maillon actif dans un processus qui conduit à l’administration d’une substance létale ?
Dans un contexte sanitaire déjà fragile ,« un Français sur deux n’a pas accès aux soins palliatifs » ,les signataires s’insurgent : « Le Parlement débat de la légalisation de l’euthanasie, alors que nous ne parvenons plus à garantir la poursuite des traitements. » Il est frappant de constater que l’effort politique semble désormais se concentrer sur le fait de rendre la mort disponible, alors que tant de malades n’ont pas encore accès à un accompagnement digne.
La ligne de défense des représentants de l’Ordre est glaçante : « Le pharmacien remettra la substance létale […] sans savoir pour quel patient elle est destinée. » Cette ignorance serait donc un bouclier moral suffisant ? Les signataires y voient une manipulation perverse : « Sous prétexte que le pharmacien ne saura pas à qui sera destinée la dose létale, sa conscience ne serait pas affectée… » Comme si l’acte perdait sa gravité du seul fait de l’anonymat !
Lire aussi
Le passage le plus alarmant est sans doute celui-ci : « Le devoir sera garanti par la création d’un “délit d’entrave à l’aide à mourir”, assorti d’une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende. » L’inversion des valeurs est radicale. Aujourd’hui, refuser de participer à un empoisonnement est un acte moral ; demain, ce sera un crime. La tribune rappelle :
« Un pharmacien qui délivre une substance létale encourt aujourd’hui trente ans de réclusion criminelle ; il sera demain coupable d’avoir refusé. »
Il ne s’agit pas ici d’un privilège demandé, mais d’un droit fondamental à protéger. Comme l’écrit la tribune, « Exclure les pharmaciens de ce droit constituerait une injustice grave et une atteinte à leur liberté de conscience. » Refuser la clause de conscience, c’est nier que ces professionnels sont aussi des hommes et des femmes dotés d’une âme, d’une éthique, et d’une responsabilité morale propre.La tribune se termine sur un rappel solennel du serment de Galien : « Je jure d’exercer dans l’intérêt de la santé publique ma profession avec conscience. » Ce serment n’a pas été prêté à l’État, ni à un pouvoir médical, mais à la vérité du soin : soulager, accompagner, jamais tuer. Il faut le redire avec force : nul ne peut être contraint de trahir sa conscience, surtout lorsqu’il s’agit de donner la mort.
Cette tribune est bien plus qu’un cri d’alerte professionnel. Elle est une défense du bon sens, de la dignité humaine, et d’une certaine idée de la médecine au service de la vie. Les catholiques ne peuvent que s’y reconnaître : « Tu ne tueras point » (Ex 20, 13) n’est pas un slogan, c’est un commandement.
Intégralité du texte de la tribune des pharmaciens
« Tribune des pharmaciens – Euthanasie et suicide assisté : l’inquiétude des pharmaciens exclus de la clause de conscience – Mai 2025- Appel à signatures
Chaque pharmacien qui partage ces préoccupations peut cosigner ce projet de tribune en bas de ce formulaire.
Merci.
Confraternellement,
France VIROUX, docteur en pharmacie, DIU d’étude et prise en charge de la douleur de l’Université de Bourgogne
Estelle BAILBE-WITTE, docteur en pharmacie
Eric Laruelle, docteur en pharmacie
Contact : pharmacienclausedeconscience@gmail.com
Tribune collective – Euthanasie et suicide assisté : l’inquiétude des pharmaciens exclus de la clause de conscience
La présidente de l’Ordre des pharmaciens et le président de l’un des syndicats pharmaceutiques (la FSPF, Fédération des syndicats pharmaceutiques de France) ont exprimé leur approbation à l’actuelle proposition de loi sur « l’aide à mourir », s’exprimant ainsi au nom de tous. Lors d’auditions et de prises de paroles, ils ont affirmé que notre profession « ne souhaite pas » et « ne réclamera pas » de clause de conscience. Pourtant, nous, pharmaciens, n’avons pas été consultés sur un sujet de cette importance.
Nous sommes pharmaciens d’officine, hospitaliers, biologistes, étudiants, enseignants… et nous considérons qu’une telle position touche à l’intime de la vocation professionnelle, à l’éthique personnelle et à la relation avec nos patients. Elle ne saurait être déléguée sans consultation, a fortiori quand le pharmacien est directement impliqué dans le processus d’euthanasie et du suicide assisté.
Or, cette proposition de loi vient rompre avec notre vocation et notre code de déontologie. Elle contredit le Code de la santé publique qui précise que « le pharmacien exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine » (R4235-2) et que « tout pharmacien doit, quelle que soit sa fonction et dans la limite de ses connaissances et de ses moyens, porter secours à toute personne en danger immédiat, hors le cas de force majeure » (R4235-7).
Actuellement, dans nos officines, nous sommes confrontés à des restrictions de délivrance d’antalgiques et à des ruptures de médicaments majeurs, en particulier certains antidépresseurs, médicaments qui permettent de soulager la souffrance. Dans ce contexte de tension extrême de notre système de santé, le Parlement débat de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, alors que nous ne parvenons plus à garantir la poursuite des traitements de nos patients. C’est également dans ce contexte où un français sur deux n’a pas accès aux soins palliatifs que l’on envisage de contraindre notre profession à jouer un rôle actif dans l’acte qui aboutit à la mort d’une personne, fût-elle consentante. La substance létale constitue l’élément central et indispensable du processus. Ainsi, la réalisation de la préparation magistrale létale ou la délivrance d’une substance létale impliquera évidemment, moralement et intellectuellement, les pharmaciens dans la finalité des actes auxquels ils participent.
La proposition de loi prévoit que les autres professionnels de santé impliqués bénéficieront d’une clause de conscience. Ce faisant, le législateur reconnaît et affirme que participer à cet acte, à chaque étape de sa préparation et de sa réalisation, peut heurter la conscience et poser un problème moral grave. Le Conseil d’État lui-même reconnait que « les missions confiées par le projet de loi à ces professionnels de santé, en vue d’une assistance au suicide ou d’une euthanasie à la demande de la personne, peuvent heurter leurs convictions personnelles dans des conditions de nature à porter atteinte à leur liberté de conscience ».
Dans ces conditions, il est donc normal mais surtout légitime d’avoir le droit d’y objecter : exclure les pharmaciens de ce droit constituerait une injustice grave et une atteinte à leur liberté de conscience, ainsi qu’un déni de leurs compétences, de leur rôle d’analyse pharmaceutique et de leur responsabilité.
Aucun autre pays ayant légiféré sur l’euthanasie ou le suicide assisté ne contraint qui que ce soit à participer au processus d’aide à mourir contre son gré. La France sera-t-elle le premier pays au monde où un citoyen aura l’obligation de participer à un acte de donner la mort sous peine d’être condamné ?
La présidente de l’Ordre a déclaré, lors de son audition en Commission spéciale, que le pharmacien « ne peut représenter un frein ou un obstacle à la volonté du patient et à la décision du médecin, donc à la bonne exécution de la loi » et « ne saurait disposer d’une clause de conscience ».
Pour justifier leur prise de position, les représentants de l’Ordre et de la FSPF allèguent que la conscience du pharmacien ne serait pas engagée dans le dispositif d’aide au suicide assisté ou à l’euthanasie. Le président de la FSPF explique ainsi que « la préparation magistrale de la substance létale sera fabriquée dans une pharmacie à usage interne, puis le circuit passera par l’officine où le pharmacien remettra la substance létale à une équipe soignante, sans savoir pour quel patient elle est destinée ». Il précise également que « l’ordre et les syndicats sont alignés sur le fait que les pharmaciens ne souhaitent pas de clause de conscience car ils ne sont pas directement en contact avec le lit de la personne qui veut mettre fin à ses jours ». Les pharmaciens officinaux, qui n’ont à aucun moment été consultés sur ce point, ne sauraient donc être heurtés puisqu’ils ne seront que des intermédiaires, ignorant leur destinataire final ? Sous prétexte que le pharmacien ne saura pas à qui – en particulier – sera destinée la dose létale, sa conscience ne serait pas affectée par le fait de délivrer la mort, mais le serait seulement s’il avait connaissance de l’identité de la personne, de sa clientèle, « à qui » on la donne… ?
L’aide à mourir, qui est présentée comme un droit nouveau, deviendra donc pour certains un devoir de tuer ou de concourir au suicide. Ce devoir sera garanti par la création d’un « délit d’entrave à l’aide à mourir », présent dans ce texte, applicable à tout pharmacien qui s’opposerait à la délivrance d’une dose létale, assorti d’une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende. Il s’agit d’une complète inversion de l’ordre des valeurs : alors qu’aujourd’hui, d’après la loi, un pharmacien qui prépare ou délivre une substance létale en vue de son ingestion par une personne serait poursuivi pour complicité d’empoisonnement et encourrait trente ans de réclusion criminelle, il sera demain coupable d’avoir refusé d’y participer.
Nous ne pouvons pas cautionner cela.
Nous demandons expressément le droit pour tout pharmacien à bénéficier d’une clause de conscience ainsi que la suppression du délit d’entrave.
Nous espérons que « le cas de conscience du pharmacien soit reconnu au même titre que celui des autres professionnels », comme le demande le président du Syndicat national des pharmaciens des établissements publics de santé (Synprefh) depuis plusieurs mois.
Nous nous mobilisons pour faire respecter notre serment de Galien, que nous avons lu le jour de notre thèse devant nos pairs, confrères, famille : « Je jure d’exercer dans l’intérêt de la santé publique ma profession avec conscience » et « de ne jamais consentir à utiliser mes connaissances et mon état pour corrompre les mœurs et favoriser des actes criminels ».
Et nous souhaitons partager notre inquiétude pour les personnes les plus vulnérables, qui seront encore plus fragilisées par le poids de l’existence d’une telle loi. »