Depuis 2000 ans

Euthanasie : “Malheur à ceux qui appellent le mal bien”

Père Edouard Divry - DR
Père Edouard Divry - DR
La dignité de l’être humain est totalement indépendante de l’état de santé dans lequel chacun est

Par le père Edouard Divry,dominicain de la province de Toulouse et professeur de théologie morale

Au Canada la loi pour aider au suicide a profondément diminué l’extension des soins palliatifs (Docteur Thomas de Gabory o. p.), de même en Belgique et au Luxembourg. La suppression de nombreux garde-fous au projet de loi euthanasique appelé avec un euphémisme qui ne trompe personne ‘aide à mourir’, pourrait être une tactique, venant des plus acharnés, pour obtenir au final un élargissement laxiste plus grand que si le texte proposé à l’Assemblée avait été plus modéré selon le vœu de la Présidence de la République.

Mais attention, modération, équilibrage sont des mots lancés par les uns ou les autres pour apaiser les consciences. Ils méritent les mêmes sanctions pour l’Église que pour ceux qui finiront par signer ce texte, tous passibles d’une excommunication si ce sont des baptisés catholiques. Car il s’agit de favoriser dans tous les cas, quel que soit le résultat final du texte, le suicide ou de permettre de tuer celui ou celle qui le réclame. La tactique séculaire des ténèbres a toujours été : « Aliud intendit aliud protendit » (autre ce qu’il a comme intention, autre ce qu’il prétend publiquement).
Outre l’euphémisme signalé, un argument pour légaliser l’euthanasie est qu’il existe des maladies pour lesquelles on ne sait pas diminuer la douleur. Il s’agit d’un terrible sophisme. Pendant des siècles on ne savait soulager la douleur en rien, et nul médecin ne s’est permis de s’affranchir du serment d’Hippocrate, nul humain ne s’est délié du précepte de la loi naturelle : « Ne pas commettre un meurtre. » Cette loi inscrite dans toutes les consciences à travers l’univers a été confirmée par le Décalogue, répétée par deux fois comme un jurement définitif de la part de Dieu : « Tu ne commettras pas de meurtre ! » (Ex 20, 13 ; Dt 5, 17).


Il convient de rappeler ici l’enseignement du pape Benoît XVI, reprenant une métaphore de Gandhi, lequel soulignait l’importance de ne pas séparer droits et devoirs, et leur ordre d’importance : « Le Gange des droits descend de l’Himalaya des devoirs . » Les droits sont donc aux devoirs ce que les eaux du Gange sont aux neiges fondantes de l’Himalaya.

Cet enseignement marque la position pérenne de l’Église :

« les droits de l’homme naissent précisément de ses devoirs envers Dieu » (LÉON XIII, Au milieu des sollicitudes, 1892) et celle de tant de penseurs dignes de ce nom (ex. Simone WEIL, L’enracinement, Gallimard, 1999, p. 1027).

Feu le pape François l’a rappelé dans son voyage historique à Marseille, en exprimant ce devoir d’assistance aux vieillards : « Qui écoute les gémissements des personnes âgées isolées qui, au lieu d’être valorisées, sont parquées dans la perspective faussement digne d’une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer ? » (23 sept. 2023).La mise en pratique juridique de la vérité de ces diverses paroles devrait permettre de juguler l’extension sans fin des droits individualistes de l’immédiateté ou des droits fallacieux à vouloir mourir dans une dignité qui n’est qu’apparente.

La dignité de l’être humain est totalement indépendante de l’état de santé dans lequel chacun est

On invoque, en faveur de la promotion à mourir dignement, la pitié pour celui qui souffre. Saint Jean-Paul II l’avait définitivement jugé en la qualifiant de « fausse pitié, et plus encore une inquiétante “perversion” de la pitié » (Encyclique Evangelium vitae, 66). En somme, tu souffres et je te tue ainsi je ne ressens plus que tu souffres. Bilan, un meurtre !

Ça arrange les consciences laxistes qu’une loi désormais le permette. Le cas du suicide demanderait de plus amples développements que dans ces colonnes. Le mélange législatif n’est pas sain. Celui qui aide un suicidé participe à l’acte du suicide et commet un meurtre par participation.Pour beaucoup, marqués encore par une triste morale kantienne, ce qui est légal est permis, donc un bien. Une morale d’obéissance à la loi reste inscrite avec d’évidentes crispations chez les prometteurs de l’aide à mourir (LFi), qui veulent empêcher tout retour en arrière avec la promotion de délits d’entrave, ce qui conduira immanquablement à provoquer l’éviction du droit à l’objection de conscience.


À l’inverse il existe la vraie morale, celle du bonheur. C’est ce qui s’avère un bien qui doit être protégé par une loi. « Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez » (Dt 30, 19). Celui qui signera ce texte, quel qu’il soit, choisit la mort.

Lire aussi

Aux yeux des catholiques, il existe deux sortes d’excommunication, une ferendae sententiae, l’autre latae sententiae. La première signifie que l’excommunication ferendae sententiae, c’est-à-dire prononcée à la suite d’un procès pénal canonique, aboutit à la mise à l’écart de la communauté chrétienne du coupable avec la perte d’accès aux sacrements de l’Église. Il s’agit d’une peine « médicinale » provisoire, adjugée dans l’espoir que le coupable fasse preuve de son amendement avec regret.

Pour l’excommunication dite latae sententiae, il s’agit de la même peine conduisant au même écart de la communauté chrétienne qui s’applique automatiquement, tel le cas d’une femme qui se soumet à l’avortement en le sachant pertinemment ainsi que pour le médecin et les infirmières qui le pratiquent en toute connaissance de cause ; peine occulte ou reconnue qui peut être déclarée par l’Église pour les récalcitrants.


Quelle sera alors la position de l’Église, celle du nouveau pape, du nouveau président de la conférence épiscopale française, par rapport aux signataires de ce texte si loin des principes judéo-chrétiens et si proche des arguties des Loges (cf. Pierre SIMON, De la vie avant toute chose, Paris, Mazarine, 1979) ? Qui sera assez courageux pour dénoncer le mal et éviter à certains les peines éternelles ? :

« Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres, qui font de l’amer le doux et du doux l’amer » (Is 5, 20).

Fr. Édouard Divry o. p.

Recevez chaque jour notre newsletter !