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[ EXCLUSIF ]L’Église n’est pas le lieu de la revendication identitaire : quand des prêtres de la Communauté Saint-Martin s’en prennent aux “paroisses bourgeoises” pour se justifier

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« L’Église n’est pas le lieu où je dois affirmer mon africanité. Il ne faut pas confondre le cultuel et le culturel, car ce n’est pas ce que Dieu nous demande. » ( interview Tribune Chrétienne du 9 octobre 2025 )

Dans un article publié le samedi 13 décembre par Tribune Chrétienne, consacré à l’événement de la Cité Céleste organisé à l’église Saint-Roch dans la nuit du vendredi 12 au samedi 13 décembre, nous avons pointé notre étonnement face à la manière dont certains jeunes issus des banlieues ont exprimé, au cœur même de la liturgie, une africanité revendiquée. Cette interrogation, strictement liturgique et théologique, et nullement dirigée contre leur foi, leur ferveur ou leur attachement au sacré, a suscité des réactions de prêtres de la Communauté Saint-Martin

Parmi celles-ci, certaines prises de position ont suscité notre étonnement et notre incompréhension, tant par leur tonalité défensive et agressive que par le manque de lucidité dont elles témoignent quant à la nature même de ce qui s’est déroulé. Plutôt que de répondre sur le fond liturgique de la critique formulée, ces réactions ont parfois déplacé le débat, voire tenté de le neutraliser par des comparaisons inappropriées.

Il n’a jamais été question, dans notre analyse, de contester la ferveur des jeunes présents, leur attachement au sacré, leur pratique des sacrements, ni la réalité des temps d’adoration, de confession ou de silence qui ont jalonné la nuit. Transformer une interrogation liturgique en mise en cause morale de leur foi constitue un contresens. La question posée est ailleurs.Le point central demeure inchangé : la place accordée, au cœur même de la liturgie, à des formes d’expression qui relèvent clairement de l’affirmation identitaire et culturelle.

Le problème n’est ni la joie ni l’enthousiasme, mais la signification ecclésiale de certains gestes, chants et danses lorsqu’ils deviennent structurants au cœur de l’église Saint-Roch à Paris, sur l’autel

Les participants à ces célébrations sont français. Qu’ils soient d’origine africaine, antillaise ou autre importe finalement assez peu. Ce qui pose question n’est pas l’origine, mais le sens donné à l’expression culturelle. Lorsque la danse et le chant en langues africaines deviennent centraux, et non plus périphériques ou occasionnels, ils cessent d’être de simples modalités pour devenir l’affirmation d’une identité particulière.

Sur ce point, la parole du cardinal Robert Sarah est sans équivoque :

« L’Église n’est pas le lieu où je dois affirmer mon africanité. Il ne faut pas confondre le cultuel et le culturel, car ce n’est pas ce que Dieu nous demande. » ( interview Tribune Chrétienne du 9 octobre 2025 )


La liturgie n’est pas un espace d’auto-affirmation, mais de dépossession de soi devant Dieu. Elle n’est pas le lieu où l’on se dit, mais où l’on se reçoit. Introduire des marqueurs culturels forts dans le culte pose une question théologique en soi, indépendamment de la qualité des moments spirituels qui l’entourent.

À cela s’ajoute une responsabilité dont beaucoup de prêtres semblent se défausser trop facilement : celle de la pédagogie. Il appartient aux pasteurs d’expliquer aux jeunes que le langage propre de la liturgie n’est pas celui de l’expression spontanée de soi, mais celui du témoignage de la révérence, de l’adoration et du respect dus à Dieu dans le culte.

C’est précisément là que s’exprime la véritable humilité chrétienne, non dans l’affirmation de son identité personnelle, mais dans l’effacement devant le mystère célébré.

La liturgie n’est pas une construction arbitraire ni un carcan hérité d’un autre âge. Elle est le fruit de siècles de discernement, de prière, de purification et de maturation ecclésiale, visant à protéger le cœur du culte contre les dérives subjectives, émotionnelles ou identitaires. La respecter, c’est accepter d’entrer dans une forme qui nous précède et nous dépasse, et non chercher à la plier à nos sensibilités du moment.

Incompréhension…

Pour se justifier, un prêtre de la Communauté Saint-Martin, co-organisateur de l’événement, nous a adressé un courriel dans lequel il avançait l’argument suivant :
« Ils sont très loin des codes progressistes et sont bien plus attachés au sacré de la messe que nombre de paroisses bourgeoises (tous s’agenouillent pendant la consécration, les servants de messe en soutane-surplis sont la normes, la proportion de communion sur la langue dépasse largement la moyenne nationale). »

Cette affirmation repose d’abord sur une opposition sociale inutile et blessante. Opposer des jeunes issus des banlieues à des “paroisses bourgeoises” implicitement décrites comme tièdes ou moins fidèles, revient à instaurer une hiérarchisation spirituelle fondée sur des critères sociaux. Cette grille de lecture est d’autant plus fragile qu’elle émane de prêtres de la Communauté Saint-Martin, dont beaucoup sont eux-mêmes issus d’un milieu ecclésial traditionnel et familier des exigences liturgiques classiques.

Les critères invoqués, agenouillement à la consécration, usage de la soutane-surplis, communion sur la langue, sont effectivement des signes objectifs d’attachement au sacré. Mais ils ne sont ni nouveaux ni l’apanage d’un milieu social donné. Les instrumentaliser pour établir un contraste sociologique revient à détourner leur signification ecclésiale.Surtout, cet argument ne répond pas à la question posée. Le débat ne porte ni sur le progressisme ou le conservatisme de ces jeunes, ni sur la qualité de leur vie sacramentelle. Il porte sur la légitimité d’introduire, dans la liturgie, des expressions culturelles identitaires fortes. Une pratique ne devient pas juste parce qu’elle est entourée d’éléments par ailleurs respectueux comme l’adoration ou la confession jusqu’à 4 heures du matin…

Rappeler ces principes ne revient ni à mépriser la jeunesse, ni à refuser le renouveau. C’est rappeler que l’Église ne se renouvelle jamais en se conformant aux expressions culturelles du moment, mais en demeurant fidèle à ce qu’elle a reçu. Enfin, précisons cette phrase d’un autre membre de la communauté Saint Matin qui lui n’a pas dutout apprécié ce genre de louange : :  » C’est effectivement un grand danger pour l’Eglise et la foi chrétienne et qui touche beaucoup de curés et de paroisses « 

Afin que ce débat ne reste pas au niveau des impressions ou des sensibilités personnelles, il est utile d’écouter l’intervention du cardinal Robert Sarah, dont la parole éclaire avec autorité les enjeux spirituels et liturgiques en cause.

intégralité de l’interview ici

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