Nelson Monfort est revenu sur ses déclarations au Figaro à propos des catholiques pratiquants en France et a témoigné de son exaspération quant à l’utilisation qui est faite du mot laïcité en France. Dans un entretien spontané, sincère et plein d’émotion, le journaliste s’est confié sur ses inquiétudes et sur sa foi.
Vous avez mentionné que la laïcité était un mot galvaudé en France. Que faudrait-il faire pour clarifier le sens de la laïcité en France ?
J’ai comme ami le philosophe Henri Peña-Ruiz, fervent défenseur de la laïcité, qui a écrit de nombreux livres sur le sujet. Personnellement, je suis un peu fatigué de ce terme. Je pense que l’on a tout à fait le droit d’assumer et d’être fier de sa religion, quelle qu’elle soit. J’ai animé, il n’y a pas si longtemps, le dimanche 4 août sur le parvis de Notre-Dame, réouvert à cette occasion, une cérémonie avec le Grand Rabbin de France, le pasteur, l’archevêque de Paris et un imam. Cette cérémonie était un hommage symbolique suite au blasphème de la cérémonie d’ouverture des JO. Si France Télévisions a fait appel à moi pour ça, cela veut dire que je représente un peu le fait d’assumer sa foi et ses croyances dans une tolérance absolue.
En tant que protestant, comment est-ce que votre foi influence votre avis sur la place des religions dans la société française ?
Je pense que ma religion est entièrement empreinte de tolérance. Un protestant vous dira : « Tiens, cette personne est gentille, cette personne est intelligente », l’intelligence suprême étant l’intelligence du cœur. C’est la seule qui compte. Je suis extrêmement fier de cette religion, je suis fier des valeurs de tolérance qu’elle porte. Dans un sens, je suis assez voltairien : « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je ferai tout pour que vous puissiez exprimer votre opinion. » C’est comme ça que ma foi et la religion protestante influence ma vie de tous les jours.
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Concernant votre déclaration « on est traité de fasciste lorsque l’on vient d’une famille catholique pratiquante », c’est un terme fort ?
Je n’ai pas réécouté l’interview du Figaro, mais le mot « fasciste » est certainement trop fort. Mais disons qu’aujourd’hui, être catholique pratiquant en France n’est pas nécessairement bien vu dans tous les milieux, et précisément dans une certaine sphère médiatique ; tout ça, je le conteste absolument.
Comme je trouve absolument honteux qu’on ait pu arracher les affiches de la pauvre Philippine parce qu’on savait qu’elle venait d’une famille catholique pratiquante. Je n’ose imaginer cela pour une autre religion.
Faut-il cacher sa foi, cacher sa religion, alors que c’est une consolation chaque jour ? Tout ça, je le conteste absolument. Alors « fasciste » est peut-être un mot un peu fort, mais vous ressentez mon émotion dans mon propos.. je suis indigné. Il y a une forme d’injustice, de lâcheté… tout ce que je n’aime pas. Tout ce qui n’est pas beau chez l’homme. Il y a une si jolie expression : « La France est la fille aînée de l’Église », elle existe, cette expression, elle n’a pas été inventée ! Je suis donc fatigué par le mot de laïcité, lutilisation de ce mot est pervertie.
Comment les médias pourraient-ils aborder différemment le traitement du thème de la religion ?
C’est difficile de répondre à cette question, cela dépend beaucoup de la conscience de chacun, mais ce que je suggère, c’est d’apprendre à écouter l’autre et à tolérer une opinion qui n’est pas essentiellement la sienne. Ça, je le souhaite vivement. Je souhaite également ne plus entendre les donneurs de leçon insupportables ! Pour moi, je vous confie que le Christ existe et que jamais sa présence n’a été aussi forte ; son pouvoir de rédemption, sa consolation sont bien là en ces temps troublés. Pour moi, toutes les religions peuvent être sources de bonheur, mais moi, la religion que j’ai choisie, c’est la religion chrétienne.
Est-ce que votre foi, votre religion a déjà posé un problème dans votre carrière ?
Je n’ai jamais affiché en public mes convictions religieuses. En revanche, je ne m’en suis jamais caché quand on me posait la question. Pour répondre à votre question, non, ça n’a jamais été un problème, mais je ne m’en suis jamais caché, et je n’ai pas de souvenir d’athlètes ou de sportifs faisant du prosélytisme à l’antenne. Si ça avait été le cas, j’aurais coupé court à la conversation.
On a vu aux JO que les athlètes affichent de plus en plus leur religion, à travers des mimiques, des signes ou des tatouages. Que pensez-vous de cela ?
Je n’en pense pas beaucoup de bien. Quand on croit, c’est une affaire personnelle, individuelle ; ce n’est pas la peine de l’afficher sur tous les murs. Si sur l’affiche sur tous les murs, c’est peut-être qu’on n’y croit pas complètement. C’est comme lorsqu’on participe à des actions caritatives… la plus belle action caritative, il faut qu’elle reste discrète ! Sinon, ce n’est plus vraiment caritatif…
Avez-vous rencontré un ou une athlète qui a évoqué sa religion comme faisant partie de sa vie de sportif ?
Oui, la tenniswoman Mary Pierce, catholique, franco-américaine, dont la religion accompagne sa vie, déjà quand elle était joueuse et maintenant en tant que consultante chez France Télévisions. Sa foi accompagne sa vie et nous en parlons souvent ensemble. C’est une personne pour qui j’ai énormément de sympathie. Il y a aussi certains athlètes américains et jamaïcains qui mettent la religion au centre de leur vie, et Usain Bolt en fait partie.
Comment appréhendez-vous votre rapport avec la Sainte Vierge en tant que protestant ?
Je suis en train de préparer un spectacle sur Georges Brassens. Je parle de lui, de sa vie à travers ses principales chansons. Je voulais mettre en exergue cette chanson qui s’appelle « La prière » (autrement dit « Je vous salue, Marie »), et dans la bouche d’un non-croyant, non-pratiquant, c’est une des plus belles déclarations d’amour faite à la Vierge Marie. Je ne pouvais pas concevoir sans « Je vous salue, Marie ».
Comment les chrétiens devraient-ils mieux défendre leur foi ?
Le fait qu’on puisse poser cette question, c’est dire le danger auquel nous sommes confrontés ! J’aimerais avoir la réponse à cette question. Ce qui est sûr, c’est que nous n’avons pas la loi du nombre, c’est certain… Nous n’avons pas non plus assez de vocations en France, c’est certain. Tout ceci est à mettre au rang d’une inquiétude plutôt qu’au rang de l’optimisme. Maintenant, je dirais que le Christ a toujours témoigné « d’une forme de lumière au bout du tunnel ». Donc, je ne sombrerai pas dans le pessimisme, ça ne me ressemble pas, mais le chemin est long. J’ai beaucoup aimé le ton de cet entretien, ce n’est pas tous les jours que je fais un entretien comme celui-ci. »
Propos recueillis par Philippe Marie