« Ensemble, construisons l’Église de demain. » cette phrase digne d’un slogan de campagne politique illustre l’appel de Monseigneur Bruno Valentin, évêque de Carcassonne et Narbonne, invitant les fidèles à « imaginer l’Église de demain », censée répondre « aux attentes des fidèles et aux évolutions du monde ». Une formule séduisante, presque publicitaire, mais dont le parfum de modernité laisse un arrière-goût amer. Car derrière ces mots se glisse une tentation déjà ancienne : celle d’une Église qui se regarde dans le miroir du monde, au lieu de refléter la lumière du Christ.
L’Église, rappelons-le, n’est pas une entreprise en quête de parts de marché. Elle n’a pas pour mission de s’adapter aux modes, mais de convertir les cœurs. « Nos modes de vie évoluent », dit-on… Oui, sans doute. Mais le Christ, Lui, ne change pas. L’Évangile n’a pas de date de péremption. Or voilà qu’on nous parle d’« accompagner les familles, les jeunes, les personnes isolées » comme on rédigerait un plan pastoral en langage de consultant, sans un mot sur la sainteté, le salut des âmes ou la conversion.
Faut-il donc imaginer une Église « inclusive », soucieuse d’écouter toutes les sensibilités, mais oublieuse de la Vérité ?
Une Église qui remplace la mission par le dialogue, la foi par le ressenti, la liturgie par l’animation ? Les réunions paroissiales annoncées dans tout le diocèse ,« ouvertes à tous », dit-on ,risquent de devenir des forums horizontaux où chacun exprimera « ses attentes », tandis que la voix du Christ, douce et exigeante, sera couverte par le brouhaha des opinions humaines.Saint Paul écrivait à Timothée : « Viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; ils se donneront une foule de maîtres selon leurs désirs. » Nous y sommes. On parle désormais de « co-construire l’Église de demain » comme on bâtirait une coopérative. Mais l’Église ne se construit pas par sondage : elle se reçoit, dans la fidélité à la Tradition apostolique, dans la continuité du Sacrifice du Christ offert sur l’autel.
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Oui, le monde change. Mais la mission de l’Église n’est pas de courir derrière lui : c’est de lui rappeler, avec douceur et fermeté, ce qui ne change pas. Les saints, les martyrs, les moines silencieux, les mères chrétiennes de jadis n’ont pas demandé à « repenser » l’Église : ils l’ont vécue, servie, transmise, parfois au prix de leur sang.L’Église n’a pas besoin d’être « adaptée » : elle a besoin d’être crue. Car elle est l’Épouse du Christ, et son Époux n’a jamais demandé qu’elle se conforme au monde. C’est le monde qui doit, humblement, s’ajuster à la Vérité qu’elle porte.
Et ses prêtres, qu’on voudrait parfois réduire à des “agents pastoraux de proximité”, ne sont pas des gestionnaires ni des animateurs sociaux. Ils sont des hommes de Dieu, configurés au Christ prêtre et victime, chargés non de gérer des équipes ou de “favoriser la convivialité”, mais d’annoncer la Vérité, de célébrer les saints mystères et de sauver les âmes. Leur vocation n’est pas de rendre l’Église “sympathique”, mais sainte.
Alors, Monseigneur, permettez une question : de quelle Église parlons-nous ? De celle du Christ, « une, sainte, catholique et apostolique », ou d’une Église à l’image de notre époque, soucieuse de plaire, fluide, démocratique, sans aspérités ni mystère ?Car si l’Église doit changer pour rester présente « là où les gens vivent », qu’adviendra-t-il du lieu où Dieu demeure ?