Jambville, 29 mai 2025, fête de l’Ascension. Tandis que les catholiques du monde entier contemplent le mystère du Christ montant dans la gloire, les fidèles des Yvelines, eux, ont pris la route d’un château… pour vivre ce que d’aucuns pourraient appeler une joyeuse parodie liturgique version « festival chrétien sous les cocotiers ».
Le diocèse avait vu grand : 12 000 participants, un cadre bucolique, des jeux gonflables pour les enfants (on ne rigole pas, c’était aussi le « point enfants perdus »), et une organisation aux petits soins pour faire vibrer les cœurs et les basses. L’équipe d’animation n’a pas lésiné : Gospel Spirit, Seeds of Joys, N’Joy, Prayer, Alliance, Cœur à Cœur Louange, Semons La Parole, et même Chacun-e raconte (on vous laisse deviner le genre de récits qu’on y raconte). Bref, tout pour faire danser la plaine au rythme d’une liturgie en goguette.
La consigne semblait claire : faire du bruit pour ne pas entendre le silence de Dieu. Il faut bien l’avouer, entre deux interventions pastorales, les enceintes crachaient sans gêne des morceaux électro et des chansons typées « louange à l’ukulélé », comme « Je suis dans la joie » ou le toujours aussi irritant « Comment ne pas te louer ? » – l’équivalent musical d’un yaourt à la banane périmé, mais que l’on continue de resservir par habitude.
Mais là où la farce devient liturgiquement tragique, c’est lorsque, pendant la messe – oui, la messe ! – le moment sacré de l’offertoire, l’apport des offrandes, puis celui de l’encensement de l’autel ont été littéralement… zoukés. Oui, vous avez bien lu : zouké. Des fidèles apportent le pain et le vin sous un fond de percussions chaloupées, pendant que les enfants balancent des hanches comme en veillée scout sous les tropiques. On se serait cru à un concours de chorégraphie du Club Med, sauf qu’il s’agissait là d’un sacrifice eucharistique, pas d’un apéro punch.
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Et attention à ceux qui osent froncer les sourcils : immédiatement, le chantage à l’inclusion ethnique et au racisme est dégainé. Pourtant, n’en déplaise à certains organisateurs pressés de faire danser Dieu sur des rythmes afro-caraïbes, la liturgie n’a ni couleur ni continent. Elle est intemporelle, elle est éternelle. Elle transcende les cultures, elle ne s’y soumet pas.Et nous voilà, nous qui ne sommes même pas classés parmi les affreux « tradis », à devoir rappeler que la messe est un dialogue sacré entre le Ciel et la terre, et non un temps de divertissement destiné à fidéliser les foules par des gimmicks sonores. Est-ce donc cela, la nouvelle évangélisation ? Faire vibrer les tympans pour éviter de toucher les âmes ?
Durant la Messe: Les offrandes et l’encens à l’autel
Quelle étrange idée que de croire qu’il faille exotiser la foi pour la rendre désirable. Comme si Dieu n’était audible qu’à travers des rythmes syncopés, des chorégraphies gesticulantes et des slogans dignes d’un festival de jeunes adultes sous dopamine liturgique. La vérité, c’est que ce choix trahit un mépris latent pour les jeunes : on ne croit plus qu’ils sont capables d’adorer en silence, de s’émerveiller devant la majesté du Saint-Sacrement ou de chanter un Ubi Caritas sans guitare électrique.
On se croirait dans les années 70, au lieu de nourrir l’âme, on gave les émotions, on plane … Au lieu de transmettre l’héritage liturgique de l’Église, on préfère distribuer des tubes à danser. Et pendant que certains s’agitent dans les ateliers de slam jubilatoire ou de « Oasis Gospel », d’autres cherchent, en vain, un coin pour prier. Le silence est devenu une denrée rare, et l’adoration, un moment marginal dans un programme taillé pour le divertissement.
Alors vraiment, nous continuons à nous interroger. Mais de notre côté, nous sommes prêts à entendre les explications de tous les évêques de bonne volonté : comment expliquer cette dérive d’un côté, et ce refus de l’autre ? Cette dérive qui relègue le religieux et le sacré au rang d’un événement festif, à la façon des hommes, et qui condamne, voire menace, ceux qui avec déférence et humilité veulent continuer à honorer Dieu avec respect ?
Comme le disait si bien le père Werenfried, dont les paroles concluent à merveille ce triste spectacle : « Nous avons préféré adapter Dieu à la faiblesse de l’Homme plutôt que d’adapter l’Homme à la force de Dieu. » Et en adaptant Dieu au zouk, on ne risque pas d’élever l’âme.Non, zouké n’est pas prier. Et même dans la joie pascale, il serait temps de redécouvrir que la liturgie n’est pas un prétexte pour animer, mais un mystère pour adorer.
Ambiance musicale priante