Dans un message diffusé ce 24 juillet 2025, les évêques catholiques d’Haïti expriment avec gravité leur profonde inquiétude face à la déliquescence de l’État et à la violence qui ronge la société haïtienne. « Tandis que notre pays s’enfonce chaque jour davantage dans un chaos généralisé et que les piliers de la vie sociale et politique s’écroulent les uns après les autres, nous, évêques catholiques d’Haïti, ressentons plus que jamais l’urgence de faire entendre une parole prophétique », affirment-ils d’emblée.
Les termes sont forts. Les prélats décrivent un « État défaillant » qui « ne garantit plus ni la sécurité, ni la justice, ni le minimum vital à son peuple ». Le territoire, ajoutent-ils, est « fragmenté », livré à « la loi des armes » et au « terrorisme des bandes armées ». La population, quant à elle, est « en fuite, déplacée, humiliée, appauvrie, blessée dans son corps et dans son âme ».La Conférence épiscopale d’Haïti (CEH) déplore également une « banalisation de la vie » et un « effondrement de l’ordre moral et social ». Aucun symbole, aucun lieu n’est épargné : « les lieux de culte sont profanés, les sanctuaires violés et saccagés, le patrimoine historique et culturel du pays vandalisé et incendié ». Ces attaques, relèvent les évêques, ne sont pas de simples destructions matérielles : « elles atteignent le cœur vivant de notre peuple, sa conscience morale, sa capacité d’espérer ».
Dans ce contexte, les évêques posent une question cruciale : « Pourquoi les autorités de l’État ne font-elles pas tout leur possible pour protéger ce qui reste de notre territoire et ce qui devrait être inviolable : la vie, la liberté, la culture et la mémoire ? »
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Face à cette détresse, la CEH examine avec attention le projet de nouvelle Constitution proposé par les autorités de transition. Si elle reconnaît que ce processus constitue un « moment significatif dans la vie nationale », elle n’en pointe pas moins certaines failles importantes : un processus jugé « peu inclusif », l’absence d’Assemblée constituante élue, un renforcement du pouvoir présidentiel sans contre-pouvoirs suffisants, un fédéralisme imprécis, et des droits sociaux proclamés mais « sans mécanismes de recours ».La Conférence épiscopale souligne que « le renouveau de la Nation ne peut venir d’un texte » si celui-ci n’est pas porté par « une conscience civique collective et renouvelée », un sens moral partagé et « une culture du dialogue et de la solidarité ». Elle lance ainsi un appel à tous : « Œuvrons davantage à bâtir non pas une Constitution de rupture unilatérale, mais une charte fondatrice d’un avenir commun. Engageons-nous activement dans la reconstruction morale et structurelle de notre société. Résistons à la résignation, à la vengeance et à l’anarchie. Élevons la voix pour la vérité, la justice et la paix. »
Dans une Haïti meurtrie, la parole des évêques se veut à la fois lucide, ferme et résolument tournée vers l’espérance.