À l’occasion de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, un projet unique a pris forme sous l’initiative de l’Œuvre d’Orient.Une chapelle sera consacrée aux chrétiens d’Orient, un lieu de prière et de dévotion destiné à renforcer les liens entre l’Église de France et les communautés chrétiennes orientales. Armelle Milcent, directrice de la communication de l’Œuvre d’Orient et Marielle Fontanilles, chargée de projet et de culture à l’Œuvre d’Orient nous ont dévoilé les origines, les objectifs et les défis de cette initiative.
» Qu’est-ce qui a motivé la décision de créer une chapelle dédiée aux chrétiens d’Orient dans la cathédrale Notre-Dame de Paris ? Quelle est l’origine du projet ?
Armelle Milcent – Il faut rappeler que Monseigneur Ullrich est l’ordinaire des catholiques orientaux de France. Les catholiques orientaux de France sont issus des différentes vagues d’immigrations, tels que les Ukrainiens arrivés à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, suite au génocide et à l’Holodomor des années 30 en Ukraine. Il y a eu une éparchie ukrainienne (église locale) qui a été créée pour les gréco-catholiques ukrainiens. Ils ont leur cathédrale à Saint-Germain-des-Prés (Cathédrale Saint Volodymyr le Grand). Puis une éparchie s’est créée pour les Arméniens, issus de la forte diaspora arménienne suite au génocide.
Plus récemment, dans les années 2000, en 2012, il y a eu une éparchie maronite qui a été créée. Donc, les différentes communautés syro-malabars, syro-malankara, chaldéens, syriaques, melkites, qui n’ont pas d’évêque, référent toutes à l’ordinariat des catholiques orientaux.
L’ordinariat des catholiques orientaux, c’est comme un diocèse au niveau de la France entière. Et l’ordinaire des catholiques orientaux, c’est l’archevêque de Paris, donc Monseigneur Ullrich, qui a succédé à Monseigneur Aupetit. Il faut dire que Monseigneur Ullrich prend ce sujet et cette charge extrêmement à cœur et s’y investit beaucoup. Mais en tant qu’archevêque de Paris, il n’a pas la possibilité d’avoir une disponibilité permanente pour ce sujet. Donc, il a un vicaire pour cet ordinariat et, depuis 2014, c’est Monseigneur Pascal Gollnish, directeur de l’œuvre d’orient qui est vicaire.
En 2019, quand Notre-Dame de Paris a brûlé, nous avons reçu énormément de messages de la part des catholiques orientaux, des évêques, des patriarches exprimant leur attachement à la cathédrale en disant que Notre-Dame est véritablement un lieu de pèlerinage pour nous, catholiques orientaux, et nous disant « on sait bien ce que ça représente pour une communauté d’avoir son église qui brûle ».
Monseigneur Tobji, évêque maronite d’Alep, dont la cathédrale avait été touchée par des obus et dont le toit s’était effondré, a eu l’idée de faire fabriquer une petite croix à l’identique de la croix de Marc Couturier, la grande croix dorée au fond de la cathédrale de Paris, derrière la Pietà, qui a été miraculeusement préservée lors de l’incendie de 2019.
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L’évêque Tobji a donc confié cette croix à l’Œuvre d’Orient et lors de la première messe post-incendie, où les prêtres et évêques avaient encore le casque de chantier sur la tête, Monseigneur Gollnish est venu apporter cette croix comme un don de Monseigneur Tobji.
En tant que directeur d’une association caritative soutenue par 80 000 donateurs français dans 23 pays, Monseigneur Gollnish a des liens d’amitié très forts avec les 400 communautés. La chapelle dédiée aux chrétiens d’Orient est donc la matérialisation de ces liens d’amitié avec la création d’un lien plus ecclésial dans la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Comment s’est déroulée la mise en place opérationnelle de ce projet ?
Marielle Fontanilles – je précise que le projet a consisté à fabriquer huit grandes icônes orientales par huit iconographes différents, qui représentent chacune et ensemble les berceaux historiques des chrétiens d’Orient. Certaines icônes sont associées à des sièges apostoliques de l’antiquité, comme Constantinople, Jérusalem, Antioche, et d’autres associées à des églises plus lointaines comme l’Église d’Éthiopie, l’Église d’Inde, et une à l’Église d’Arménie.
Ces icônes sont en cours de réalisation et sont réalisées par huit iconographes choisis par un comité. Le but est d’avoir une équipe plurielle avec des Français et des Orientaux, des catholiques et des orthodoxes. Il y a six artistes basés en France et deux en Orient. Chaque planche en bois servant de support à ces icônes a été réalisée par le même ébéniste, basé en Charente, et qui a utilisé le bois provenant du même arbre pour les huit planches. Il y a là aussi tout un symbole pour montrer les racines communes de l’Église orientale et de l’Église d’Occident.
Quels sont les principaux défis et difficultés que vous avez rencontrés pour ce projet ?
Marielle Fontanilles -Il n’y a pas eu de réticence particulière mais plutôt un grand enthousiasme de tous les participants à ce projet, tant du côté de Notre-Dame de Paris que des iconographes, et bien sûr un enthousiasme partagé par tous les membres de l’Œuvre d’Orient. En revanche, la principale difficulté a été de définir un projet équilibré et représentatif de chacune de ces Églises orientales dans leur diversité. La peinture et l’écriture des icônes est un art dans lequel chaque Église se retrouve, mais certaines plus que d’autres, donc il a fallu bien mettre tout ça « à égalité ».
L’autre défi a été de monter un tel projet dans le contexte actuel très chaotique du Moyen-Orient. Il n’y a qu’un seul artisan qui a fabriqué la planche en bois des icônes. Ensuite, la difficulté a été d’identifier chaque iconographe et réussir, notamment, à envoyer la planche en bois en Orient. Il faut savoir que chaque planche pèse environ 12 kilos avec sa boîte, donc ce n’a pas été simple. Rappelons que le bois vient de Bourgogne et a été coupé il y a une vingtaine d’années.
Écrire une icône est un acte de prière, mais envoyer la planche au Liban n’a pas été simple, et aujourd’hui, l’iconographe est basé à Alep, une ville prise dans le chaos. C’est donc un message très fort que cet iconographe enfermé à Alep, écrive et peigne une icône qui sera présentée à des millions de visiteurs et de pèlerins à Notre-Dame de Paris. Il y a là tout un symbole.
L’Œuvre d’Orient donc est donc à l’initiative d’un projet inédit qui est un véritable témoignage consacré aux Chrétiens d’orient?
Armelle Milcent – Oui, c’est l’Œuvre d’Orient qui, en discussion avec Notre-Dame de Paris, a été maître d’œuvre de tout ce projet. Mais ce qui doit être mis en avant, c’est que ce n’est pas la chapelle de l’Œuvre d’Orient, c’est vraiment la chapelle des chrétiens d’Orient. Les chrétiens d’Orient n’appartiennent pas à une chapelle particulière, ils ne représentent pas une marque et ils sont ouverts à tous. Leur témoignage, qui les dépasse dans une certaine mesure, nourrit notre foi, celle des occidentaux, aujourd’hui.
Les premiers chrétiens nous ont transmis notre foi, les premiers apôtres viennent d’Orient, et aujourd’hui, leur témoignage de vie nous nourrit, nous revivifie. Tous les lecteurs de Tribune Chrétienne sont invités à venir participer à ce bel événement le 25 mai 2025. La consécration se fera avec la présence de Monseigneur Ullrich, Monseigneur Gollnish.La messe sera célébrée par un prélat oriental dans son rite, mais toutes les Eglises orientales seront invitées et représentées pour l’inauguration de la chapelle (par les évêques orientaux en France et l’Ordinariat »
Propos recueillis par Philippe Marie