Depuis 2000 ans

Interview : « La théorie du genre,une priorité pour Léon XIV » avertit le cardinal Duka

Cardinal Duka - DR
Cardinal Duka - DR
Le cardinal Dominik Duka affirme que l’évangélisation et la lutte contre l’idéologie du genre doivent figurer au premier rang des priorités du nouveau pontificat

Présent à Rome pour la première rencontre du pape Léon XIV avec le Sacré Collège, le cardinal Dominik Jaroslav Duka, dominicain et archevêque émérite de Prague, a accordé un entretien sans détour au média italien La Bussola. Interrogé sur les défis qui attendent le nouveau pontife, le cardinal n’a pas hésité à énoncer une priorité claire : l’évangélisation, inséparable à ses yeux d’une opposition résolue à l’idéologie du genre.

« Au premier rang doit se trouver l’évangélisation. Immédiatement après, je pense qu’il faut une renaissance de la catéchèse », a-t-il déclaré, avant d’alerter sur la situation actuelle. « Tant dans les paroisses que dans les écoles, la situation est catastrophique, avec de grandes différences entre les continents. En République tchèque, il y a un énorme problème dans les écoles : l’idéologie du genre. » Et d’ajouter avec force : « Cette idéologie n’est rien d’autre qu’une conséquence et une continuation du jacobinisme et de l’idéologie communiste. Il n’y a aucune possibilité de coopération avec ceux qui la soutiennent. »

Ces paroles ne sont pas seulement celles d’un cardinal, mais aussi d’un témoin direct de la persécution communiste. Né en 1943 à Hradec Králové, Dominik Duka est entré clandestinement dans l’Ordre dominicain à la fin des années 1960, dans une Tchécoslovaquie gouvernée par un régime athée et totalitaire. Ordonné prêtre en 1970, il a été interdit de ministère par les autorités dès 1975 et a dû travailler en usine tout en poursuivant clandestinement son enseignement théologique. Il a été emprisonné au début des années 1980 pour ses activités religieuses, partageant alors la cellule du dissident Václav Havel. Après la chute du régime, il est nommé évêque de sa ville natale, puis archevêque de Prague en 2010, et créé cardinal par Benoît XVI en 2012.Fort de cette mémoire de la résistance, le cardinal Duka voit dans certaines tendances contemporaines une inquiétante continuité idéologique : « La vision du communisme comme religion est morte. Mais le problème est qu’il a évolué vers le progressisme moderne. Après Hegel et Marx, vient Freud, puis le temps des grandes utopies qui voudraient tout changer et faire de l’homme une machine sans conscience. »

Lire aussi

Lui qui a connu l’oppression de l’intérieur ne mâche pas ses mots lorsqu’il évoque aussi le Chemin synodal allemand. « Le comité synodal allemand ressemble à une continuation du Kulturkampf du chancelier Bismarck. Dans ce comité, avec un président laïc et des membres évêques et laïcs à égalité, je vois une forme de dictature aux dépens de l’Église. J’espère que Léon XIV interviendra. Je crois qu’il dira non au processus allemand. »Le cardinal Duka est également revenu sur l’accord entre le Saint-Siège et Pékin concernant la nomination des évêques : « Ce qui se passe en Chine me rappelle ce qui se passait en Europe orientale à l’époque communiste. L’Ostpolitik de Casaroli n’a pas été positive. Au mieux, elle a ralenti la grande persécution, mais elle a aussi empêché l’Église de croître au-delà du rideau de fer. » Et d’ajouter : « Ce qui compte, c’est l’expérience réelle : celle que nous avons vécue à l’époque et celle que vivent les catholiques chinois aujourd’hui. » Le cardinal s’est dit encouragé par l’ambiance du premier échange avec Léon XIV sur ce sujet, soulignant la qualité de l’intervention du cardinal Fernando Filoni sur l’accord avec la Chine.

Sur la scène internationale, il n’exclut pas une collaboration étroite entre la nouvelle administration américaine et le Saint-Siège. « Il y a quelques mois, lors de la conférence de Munich, le vice-président J.D. Vance a prononcé un discours porteur d’espérance. Il esquissait une perspective de défense de la liberté réelle et des vertus humaines et chrétiennes. Dans ces termes, une coopération est possible, comme à l’époque de Jean-Paul II. »

À propos du déroulement rapide du conclave, il réagit avec calme : « Vous voyez ? La réalité, c’est que l’Église est unie dans la vérité du Christ, contrairement à ce que disent les médias. » Il reconnaît toutefois que le manque de connaissance mutuelle entre les membres du Sacré Collège reste un défi et suggère au pape Léon XIV d’être attentif à la représentation équilibrée des Églises locales. « La globalisation du Collège cardinalice était nécessaire, et c’est une bonne chose. Mais il faut aussi donner leur juste place à certaines Églises. Il serait juste, par exemple, que le chef de l’Église gréco-catholique ukrainienne, Sviatoslav Shevchuk, devienne cardinal. »

Enfin, interrogé sur le possible retour du pape Léon XIV au palais apostolique, il répond sans détour : « Oui. La tradition est très importante, non seulement pour l’Église mais aussi dans la vie ordinaire. En République tchèque, les progressistes affirment que le Château de Prague ne devrait plus être la résidence du président. Mais ces palais ne sont pas seulement des symboles, ils représentent la continuité. »Et de conclure, avec une pointe de fierté fraternelle : « Le début du pontificat de Léon XIV me plaît beaucoup. Mais je ne suis pas surpris : après tout, c’est un ancien élève de notre université, l’Angelicum. »

Source La Bussola

Recevez chaque jour notre newsletter !