Dans une époque où les débats autour de la liturgie agitent les cercles catholiques, la voix du cardinal Robert Sarah résonne comme un rappel puissant à la sacralité. Le cardinal guinéen a prononcé des paroles fortes sur la place de la culture dans la liturgie.
« Je suis un Africain, permettez-moi de dire clairement : la liturgie n’est pas le lieu de promouvoir ma culture. C’est plutôt l’endroit où ma culture, ma culture a été baptisée, où elle est absorbée par le divin. Désolé pour les nombreuses distorsions de liturgie dans l’église aujourd’hui. »
La liturgie, espace sacré hors du monde
Ces mots trouvent une résonance particulière dans un contexte où certains au sein de l’Église cherchent à « inculturer » la liturgie, c’est-à-dire à y intégrer des éléments culturels locaux pour rendre le culte plus accessible ou plus représentatif de la diversité humaine. Pourtant, la vision du cardinal Sarah nous rappelle une vérité fondamentale : la liturgie n’est pas un espace de promotion culturelle ou identitaire. Elle est le lieu privilégié où l’homme rencontre Dieu, dans l’humilité et le dépouillement de soi.La culture, en tant qu’expression humaine, peut parfois risquer d’envahir ce qui est avant tout un acte de foi. En affirmant que la liturgie est l’espace où sa culture « a été baptisée », le cardinal Sarah met en garde contre une tendance contemporaine à instrumentaliser le culte pour autre chose que pour ce qu’il est : un dialogue avec Dieu.
Rappelons que le cœur de la liturgie est la glorification de Dieu, et non l’expression des particularités culturelles. L’Église est par essence universelle, catholique, et sa liturgie doit refléter cette dimension. Si chaque culture peut être sanctifiée par le baptême, elle n’en devient pas pour autant le centre de la célébration. En d’autres termes, il ne s’agit pas de renier les particularités locales, mais de les sublimer dans un acte qui dépasse toute expression purement humaine.
L’attitude liturgique doit être celle d’un abandon total de soi pour entrer dans le mystère divin. Lorsque la culture devient une fin en soi dans la liturgie, elle détourne l’assemblée du cœur même de l’Eucharistie : la rencontre sacramentelle avec le Christ ressuscité.
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Ajoutons que ce principe ne se limite pas à la liturgie. La doctrine catholique elle-même ne saurait s’adapter aux contingences culturelles, comme si la vérité pouvait varier en fonction des peuples ou des époques. Le Christ est le même hier, aujourd’hui et pour toujours (cf. He 13,8). Adapter les dogmes ou les principes moraux à des réalités culturelles particulières reviendrait à trahir l’universalité du message évangélique.L’Église, en sa sagesse, a toujours reconnu la valeur des cultures humaines, mais elle les a appelées à être transfigurées par la grâce. Là encore, l’objectif n’est pas de nier les traditions locales mais de les purifier pour qu’elles soient au service de la vérité divine.
Les dangers de la « déformation » liturgique
Au risque de confondre l’acculturation qui concerne le contact et la relation entre deux cultures ,et l’ inculturation qui concerne la rencontre de l’Évangile avec les différentes cultures, il est bon de rappeler que les déformations liturgiques ne peuvent qu’entrainer un risque de réduire le mystère de la foi à une simple manifestation de folklore ou d’expression communautaire, au lieu d’élever les âmes vers Dieu.
Le cardinal Sarah a souvent pointé avec fermeté les « nombreuses distorsions de liturgie dans l’Église aujourd’hui ». Ces déformations proviennent souvent d’une volonté d’adaptation aux cultures locales sans discernement théologique suffisant. Une liturgie « inculturée » banalise le sacré et fait oublier que l’Eucharistie est un mystère insondable, une offrande divine qui transcende les frontières humaines. La sacralité des rites, leur beauté intrinsèque et leur harmonie reflètent la majesté divine et ne peuvent être soumises aux modes ou aux particularismes locaux.
Par sa déclaration, le cardinal Sarah nous invite à redécouvrir la liturgie dans sa profondeur et sa pureté, loin des récupérations culturelles qui détournent les cœurs de l’essentiel. Ce n’est pas la négation des cultures mais leur élévation par le Christ.
La foi n’est pas un simple vecteur d’identité locale, mais la réponse humaine à l’amour de Dieu qui se révèle universellement.
Il est essentiel que l’Église conserve intact le trésor liturgique reçu de la Tradition, tout en se gardant des tentations de la modernité qui voudraient le rendre plus « attractif » en le dépouillant de son mystère. La prière liturgique doit demeurer avant tout un espace de rencontre avec Dieu, où le fidèle se laisse transformer par la grâce plutôt que par une appartenance culturelle. Pour servir Dieu dans la vérité, la liturgie doit rester un lieu d’adoration, un espace où le divin prend le pas sur l’humain, et non l’inverse.