Le 24 décembre 2024, la basilique Saint-Pierre verra s’ouvrir solennellement la Porte Sainte, marquant le début du Jubilé de l’Espérance, vingt-cinquième Jubilé ordinaire de l’histoire de l’Église catholique. Ce rite ancestral, instauré par Boniface VIII en 1300, accorde aux fidèles l’indulgence plénière. En ce temps de grâce et de miséricorde, 35 millions de pèlerins sont attendus dans la Ville éternelle, attirés par les basiliques papales et les Chemins jubilaires, symboles d’une quête spirituelle universelle.
Une Rome en effervescence, mais à quel prix ?
Rome, joyau de la chrétienté, se prépare avec faste à accueillir cette marée humaine grâce à un Plan Jubilé, ambitieux et financé à hauteur de 4,8 milliards d’euros. Réhabilitation du patrimoine, modernisation des transports, élargissement des espaces verts : tout semble orchestré pour que la capitale de la foi rayonne. Mais dans cette préparation, une autre réalité bien moins lumineuse persiste dans l’ombre : la crise du logement.
Les prix des logements à Rome ont flambé à l’approche du Jubilé, en grande partie en raison de la forte demande de logements temporaires. Les plateformes comme Airbnb voient les tarifs s’envoler, avec des appartements modestes proposés à plus de 300 euros la nuit dans le centre historique. Même en périphérie, les prix ont doublé, rendant encore plus difficile l’accès à un logement pour les familles locales déjà fragilisées.
En parallèle des festivités, la Caritas de Rome tire donc la sonnette d’alarme dans son rapport intitulé « Entre indifférences et espoirs ». Alors que des milliers de pèlerins chercheront un toit pour quelques jours, plus de 18 000 familles sont en attente d’un logement social à Rome, certaines inscrites sur les listes depuis plus de dix ans. En 2023, 3 528 expulsions ont été ordonnées, dont 85 % pour des loyers impayés involontaires, conséquence directe de la pauvreté qui frappe les plus vulnérables.
Lire aussi
Un Jubilé pour les exclus ?
Face à cette détresse silencieuse, la Caritas exhorte les autorités à instaurer un moratoire sur les expulsions pendant l’Année jubilaire. Elle rappelle les paroles du pape François, qui, dans sa lettre du 15 novembre dernier, appelait les institutions ecclésiales à faire preuve d’un « geste courageux d’amour pour le prochain » en ouvrant leurs portes aux démunis. Une demande simple, en parfaite harmonie avec l’esprit du Jubilé : un temps de conversion, de justice et de charité.
Les chiffres sont implacables : des centaines de milliers d’appartements vides coexistent avec les tentes, les cabanes de fortune et les abris de fortune éparpillés dans toute la capitale. À cette détresse s’ajoute l’essor des locations courtes durées, plus rentables pour les propriétaires, qui rendent le marché inaccessible aux familles.
Ce Jubilé, célébration de l’espérance et de la miséricorde divine, interroge profondément la conscience collective : comment ouvrir symboliquement les portes de l’Église si les portes des maisons se ferment pour les plus pauvres ?
La peur sanitaire
À l’approche du Jubilé 2025, certains experts relaient des alertes sanitaires alarmistes, pointant les pèlerins catholiques comme des vecteurs de contagion. Virologues et épidémiologistes évoquent des risques liés au Covid, à la variole du singe et à des maladies tropicales, tout en appelant à des mesures strictes comme le retour des masques et une surveillance accrue aux frontières.
Cette stigmatisation ciblée des pèlerins contraste avec l’absence de critiques pour d’autres rassemblements de masse, tels que les événements sportifs ou culturels. Derrière ces discours se profile un climat de terreur sanitaire médiatique, qui semble chercher à décourager la participation à ce grand événement de foi. Pourtant, le Jubilé demeure un temps d’espérance, fidèle à sa tradition multiséculaire.
Rappelons qu’à l’heure où nous écrivons, les travaux ne sont pas terminés et les rues de Rome hurlent des klaxons des conducteurs romains exaspérés par les embouteillages provoqués. Si, dans 7 jours, le pape François ouvrira la Porte Sainte à la basilique Saint-Pierre, il serait bon que cette porte ne soit pas seulement symbolique.
Rome, centre du christianisme, ne peut ignorer le cri des exclus. La beauté de ses basiliques, ses chemins pavés de pèlerinage, et son riche patrimoine doivent servir non seulement les fidèles venus du monde entier, mais aussi ses propres enfants, relégués à la périphérie si chère à un Pape François qui fête aujourd’hui ses 88 ans.
Source : Nella Citta di Roma