La Commission pontificale pour la protection des mineurs a présenté ce jeudi son deuxième Rapport annuel sur les politiques et procédures de l’Église pour la prévention et la lutte contre les abus. La conférence, tenue à la Salle de presse du Saint-Siège, a réuni des responsables ecclésiaux et experts internationaux autour d’un objectif commun : approfondir la culture de la protection au sein de l’Église universelle.
Monseigneur Thibault Verny, archevêque de Chambéry et nouveau président de la Commission, a ouvert la rencontre en exprimant « humilité et gratitude » devant la mission reçue du pape Léon XIV. Il a tenu à remercier particulièrement le cardinal Seán O’Malley, président sortant, saluant « dix années de travail courageux, déterminé et sincère ». Cette continuité dans la mission de la Commission marque, selon Monseigneur Verny, la volonté du Saint-Siège de maintenir un engagement constant et concret dans la prévention des abus.
L’archevêque a surtout placé les victimes et survivants au centre de son discours, rappelant que « la route qui conduit à une culture de protection ne se fait pas simplement pour les victimes et survivants, mais avec eux ». Cette phrase résume la philosophie du rapport : reconnaître que la reconstruction de la confiance passe par une participation directe des personnes blessées dans les processus de réforme. Le rapport, comme l’a précisé Mgr Verny, veut être « un outil qui accompagne la mission de protection de l’Église » en fournissant un compte rendu honnête « de ce qui est fait et de ce qui doit changer ».Monseigneur Verny a insisté sur la nécessité pour l’Église d’être « professionnellement équipée », de disposer de structures stables et accessibles, et de tenir compte des traumatismes vécus. Dans une perspective pastorale et réaliste, il a affirmé que « lorsque nous rendons compte de la vérité par l’écoute des victimes et survivants, quand nous prenons soin des blessés et des plus fragiles, nous sommes au cœur de notre mission et nous participons à rendre la Bonne Nouvelle audible ».
L’archevêque a également souligné l’importance de la subsidiarité : la Commission n’impose pas un modèle uniforme, mais accompagne les autorités locales ,évêques, supérieurs religieux et laïcs ,dans l’adaptation des normes de protection aux réalités culturelles de chaque pays. Ce choix montre que la lutte contre les abus n’est pas qu’un enjeu disciplinaire, mais un véritable chemin de conversion ecclésiale.La juriste néerlandaise Maud de Boer-Buquicchio, ancienne rapporteuse spéciale des Nations unies sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants, a qualifié ce deuxième rapport de « pas décisif vers plus de transparence et de responsabilité ». S’appuyant sur une approche qu’elle nomme « justice de conversion », elle a expliqué que la crédibilité de l’Église repose désormais sur des actes mesurables, des données fiables et des recommandations concrètes.
Mme de Boer-Buquicchio a remercié les médias pour leur rôle essentiel dans la défense des victimes, les appelant à poursuivre leur mission « en exposant les abus et en exigeant des comptes ». Elle a également insisté sur l’importance d’un travail rigoureux sur les données, évoquant le déficit mondial d’informations sur les abus sexuels, qu’elle avait déjà dénoncé en 2018 à l’ONU.
Lire aussi
Autre point marquant : l’élargissement de la participation des victimes et survivants à travers des groupes de réflexion régionaux sur quatre continents. Environ quarante personnes ont été écoutées par des professionnels, offrant un regard direct sur les besoins et les attentes des victimes. Leurs témoignages ont nourri la réflexion sur la notion de réparation, désormais envisagée dans une approche intégrale.Selon Mme de Boer-Buquicchio, « une véritable réparation dépasse la compensation financière » et doit inclure l’accueil, l’écoute, le soutien spirituel et psychologique, les excuses publiques, les réformes institutionnelles et les initiatives de prévention. Elle cite le témoignage d’un survivant : « Ils m’ont offert 20 000 dollars, mais tout ce que je voulais, c’était des excuses », illustrant combien la réparation passe d’abord par la reconnaissance humaine et spirituelle du tort subi.
Enfin, la juriste a présenté une innovation méthodologique importante : le croisement des données ecclésiales avec celles du Comité des droits de l’enfant des Nations unies. Cette approche permet de renforcer la transparence et de confronter les données internes à des sources indépendantes.Ce deuxième rapport annuel, élaboré dans un esprit de coresponsabilité et de conversion, s’inscrit dans la continuité de la démarche initiée par le Saint-Siège depuis plusieurs années. Il vise non seulement à renforcer les outils de prévention, mais surtout à bâtir une Église plus crédible, plus sûre et plus fraternelle.
« La sécurité d’un enfant commence lorsque nous écoutons avec notre cœur, pas seulement avec nos oreilles », a conclu Maud de Boer-Buquicchio, résumant en une phrase la vocation profonde de ce rapport : transformer la culture ecclésiale en une culture du soin et de la vérité.
intervention de Monseigneur Thibault Verny
« Il me revient l’honneur de présenter le deuxième rapport annuel de la Commission pontificale pour la protection des mineurs en tant que nouveau président.
Comme je l’ai mentionné lors de ma nomination le 5 juillet dernier, j’assume ma nouvelle mission avec humilité au regard des souffrances et des enjeux, et aussi avec gratitude envers le Saint-Père, le pape Léon XIV, pour sa confiance. Permettez-moi également d’exprimer ma profonde reconnaissance envers Son Éminence le cardinal Seán O’Malley. Le cardinal a dirigé notre commission pendant ces dix dernières années avec détermination, courage et sincérité à chaque étape. Je me joins à nos membres et à notre personnel, passés et présents, pour lui adresser ensemble nos vifs remerciements !
Au nom de notre Commission, je tiens également à remercier de manière appuyée toutes les personnes victimes et survivants qui, depuis de nombreuses années, nous ont confié leur expérience et nous font confiance. Cette confiance nous engage : c’est avec reconnaissance que nous avons toujours cherché à tenir compte de leur parole et de les associer dans notre mission. Comme vous le constaterez, il s’agit là d’un point déterminant du rapport annuel que nous présentons aujourd’hui.En marchant aux côtés des victimes et survivants, nous avons acquis la conviction profonde que la route qui conduit à une culture de protection ne se fait pas simplement pour les victimes et survivants, mais avec eux. Ce chemin de conversion exige que nous soyons atteints par ce que nous entendons. Aussi, la Commission a à cœur de dire aux victimes et survivants : « nous voulons être à vos côtés. »
Enfin, je tiens à remercier toutes les personnes présentes aujourd’hui, y compris celles qui nous suivent en ligne à travers le monde. Votre présence et votre attention à l’égard de la Commission témoignent de l’existence, de l’importance et de la croissance d’une prise en charge globale des sujets liés à la protection des mineurs et des personnes vulnérables.
S’engager dans une mission d’écoute et dans une démarche plus large de protection nécessite pour l’Église d’être professionnellement équipée et de suivre des cadres clairement explicités en matière de protection. Nos mesures de prévention et d’accompagnement des victimes et survivants doivent être soutenues par des structures stables, accessibles et tenant compte des traumatismes. C’est un travail de tout le peuple de Dieu qui s’inscrit aussi dans nos sociétés.
Comme il l’a été demandé à notre Commission, le rapport annuel est conçu « pour fournir un compte rendu fiable de ce qui est actuellement fait et de ce qui doit changer, afin que les autorités compétentes puissent agir ». En tant que tel, le rapport annuel se veut être un outil qui accompagne la mission de protection de l’Église. Il est important de noter que le rapport annuel tient compte de la subsidiarité. Nous désirons en effet accompagner les autorités ecclésiastiques — évêques, supérieurs majeurs et responsables laïcs — dans leurs missions, dans le renforcement des moyens de protection et dans la promotion de normes communes à toutes les cultures.
Comme évêque, comme baptisé, je sais que lorsque nous rendons compte de la vérité par l’écoute des victimes et survivants, quand nous prenons soin des personnes blessées en les accompagnant, quand nous prenons soin des plus fragiles en travaillant pour la prévention, alors nous sommes au cœur de notre mission et nous participons à rendre la Bonne Nouvelle audible.Le deuxième rapport annuel qui vous est présenté aujourd’hui est le fruit d’un travail effectué par toute une équipe. Je tiens à remercier chacun de ses auteurs pour l’énergie déployée, pour le professionnalisme et le résultat. En particulier Maud Buquicchio et Stefano Mattei associés à tous les experts régionaux.
Dans chaque édition du rapport annuel, nous partageons les bonnes pratiques, réfléchissons aux défis persistants et discernons les changements nécessaires à mener. Chemin faisant, nous aspirons à ce que l’Eglise soit toujours plus une maison qui protège.
Puisse ce deuxième rapport annuel y contribuer avec l’aide de tous. Je vous remercie. »