Le Vatican a décidé de lancer une visite apostolique au sein de la Communauté de l’Emmanuel. Le décret, signé le 24 octobre 2025 par le cardinal Kevin Farrell, et rendu public lors de la retraite de la Fraternité de Jésus à Paray-le-Monial, marque un tournant majeur pour cette communauté du Renouveau charismatique, souvent perçue comme l’un des pôles les plus influents de l’Église catholique en France.Selon le texte officiel, plusieurs évêques et membres de la Communauté ont adressé au Dicastère des signalements détaillés, exprimant leurs inquiétudes sur la gouvernance interne, la centralisation du pouvoir et la difficulté d’intégration dans la vie diocésaine. Ces préoccupations ont été confirmées par un rapport interne daté du 3 octobre 2024, évoquant aussi des carences dans le traitement des cas d’abus. Le Dicastère estime donc nécessaire d’« approfondir les criticités dans un sens large » et d’« assurer à la Communauté un accompagnement approprié ».
La mission a été confiée à Monseigneur Antoine Hérouard, archevêque de Dijon, déjà bien connu à Rome pour avoir conduit plusieurs missions délicates. Il devient un véritable habitué des visites apostoliques, puisqu’il avait notamment été mandaté en 2022 pour celle du diocèse de Toulon-Fréjus, à la suite des tensions autour des ordinations suspendues par le Vatican.
Monseigneur Hérouard aura pour tâche d’accompagner le processus de réorganisation de la Communauté, notamment dans la définition du rôle du modérateur, les rapports avec les évêques diocésains, la gestion des cas d’abus et la formation interne. Le décret précise que le visiteur pourra s’entourer de conseillers et d’assistants, les frais étant pris en charge par la Communauté.
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La décision romaine intervient peu après la publication d’une enquête parue dans Golias, signée Olivier Perret, intitulée « L’Église catholique de France, dans la toile tissée par l’Emmanuel ». L’auteur y dénonce la toute-puissance de la Communauté, ses réseaux d’influence et ses zones d’ombre dans la gestion des abus et des rapports de pouvoir. Selon cette enquête, l’Emmanuel, forte d’environ 6 000 membres en France, aurait su se rendre indispensable dans la vie ecclésiale en multipliant les relais — paroisses, médias, maisons d’édition, associations et fondations. Mais cette influence considérable s’accompagnerait, selon plusieurs témoignages, d’un mépris pour les autres formes de vie paroissiale et d’un esprit de domination spirituelle qui suscite aujourd’hui une inquiétude croissante jusque dans les rangs épiscopaux.
La décision du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie s’inscrit donc officiellement dans une volonté plus large de réaffirmer l’autorité romaine sur les mouvements de fidèles, notamment lorsque ceux-ci semblent évoluer en marge des cadres diocésains. Le cardinal Kevin Farrell et son secrétaire, Mgr Gleison de Paula Souza, insistent sur la collaboration attendue de tous les membres de la Communauté pour le bien de l’Église universelle. Le Vatican attend des responsables de l’Emmanuel qu’ils jouent la carte de la transparence et de la réforme, après des années d’influence parfois jugée excessive.Cette visite apostolique pourrait bien marquer un tournant historique pour la Communauté de l’Emmanuel. Le Vatican, après plusieurs mois de signaux d’alerte, semble désormais décidé à examiner en profondeur les pratiques internes de ce mouvement emblématique du Renouveau charismatique.
À Paray-le-Monial, berceau spirituel du mouvement, la nouvelle a suscité un certain malaise mais semblait attendue. Beaucoup redoutent une crise de confiance durable, d’autres y voient une occasion salutaire de purification et de clarté. Une chose est sûre : l’Emmanuel, longtemps présentée comme un modèle de vitalité missionnaire, est aujourd’hui appelée à rendre des comptes.
