À compter du 16 janvier 2026, le diocèse de Charlotte, en Caroline du Nord, mettra officiellement fin à l’usage des bancs de communion, des agenouilloirs et des prie-Dieu pour la réception de l’Eucharistie. La mesure, décidée par l’évêque Michael Martin, marque un tournant significatif dans la manière dont la communion est concrètement reçue dans certaines églises américaines.Dans une lettre pastorale publiée le 17 décembre, l’évêque ordonne clairement que « l’utilisation des bancs de communion, des agenouilloirs et des prie-Dieu ne doit plus avoir lieu pour la réception de la communion lors des célébrations publiques » à partir de cette date. Il demande également que soient retirés tous les dispositifs « temporaires ou mobiles utilisés pour s’agenouiller ».
L’instruction va plus loin encore. L’évêque Martin enjoint au « clergé, aux catéchistes, aux ministres de la sainte communion et aux enseignants » d’enseigner que les fidèles doivent communier debout, cette posture étant présentée comme la « posture normative » aux États-Unis. Il précise : « Ils ne doivent pas enseigner qu’une autre manière serait meilleure, préférable, plus efficace, etc. »
Certes, le texte reconnaît que les fidèles conservent théoriquement le droit de s’agenouiller. Mais dans les faits, la suppression des bancs de communion rend ce droit difficile à exercer, en particulier pour les personnes âgées ou handicapées, pour lesquelles ces dispositifs constituaient une aide concrète et respectueuse.
La communion à genoux est pourtant souvent enfermée dans un débat idéologique opposant « tradition » et « modernité ». Or le cœur de la question est ailleurs. S’agenouiller n’est pas un marqueur identitaire, mais un langage du corps profondément enraciné dans la foi chrétienne. Dans l’Écriture, la flexion du genou est le geste par excellence de l’adoration. Saint Paul l’affirme sans ambiguïté : « Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, au ciel, sur la terre et sous la terre » (Ph 2,10). Ce geste n’exprime pas une préférence esthétique, mais la reconnaissance de la seigneurie divine du Christ.Le corps ne ment pas. Il enseigne silencieusement ce que l’âme croit. S’agenouiller devant l’Eucharistie, c’est confesser que Celui que l’on reçoit n’est pas un égal, mais Dieu Lui-même. À l’inverse, la posture debout est, dans toutes les cultures humaines, celle de l’échange entre personnes de même rang.
Lire aussi
Pendant des siècles, et jusqu’à une période récente de l’histoire de l’Église, les fidèles recevaient le Saint-Sacrement à genoux et sur la langue, des mains d’un prêtre dont les mains avaient été consacrées pour toucher l’Eucharistie. Cette pratique n’était ni archaïque ni marginale. Elle constituait une catéchèse vivante sur la présence réelle du Christ.Le liturgiste Peter Kwasniewski rappelle d’ailleurs que « même selon les règles qui régissent le Novus Ordo, il n’existe absolument aucune base permettant à un évêque de s’opposer à l’utilisation ou à la construction de bancs de communion dans les églises ». Il souligne que ces bancs « ont un fondement dans les dimensions historiques et théologiques de la messe » et qu’ils peuvent légitimement être utilisés et même encouragés.Fait notable, l’évêque Martin reconnaît lui-même que certaines pratiques liturgiques peuvent conférer une « plus grande révérence » à la messe. Dans sa lettre pastorale, il cite « la musique, les ornements liturgiques » et « l’usage de l’encens », évoquant le « principe de la solennité progressive ». Pourquoi, dès lors, la posture du corps, qui engage l’homme tout entier, serait-elle exclue de cette logique de révérence ?
Une étude récente a confirmé que les pratiques liturgiques traditionnelles liées à l’Eucharistie, y compris la manière dont elle est reçue, renforcent la foi en la présence réelle du Christ. Sa responsable, Natalie Lindemann, va jusqu’à recommander la réinstallation des bancs de communion et l’usage d’agenouilloirs pour raviver cette foi eucharistique.Dans le diocèse de Charlotte lui-même, The Liturgy Guy a relevé un autre fait significatif : « 75 % des séminaristes actuels proviennent de paroisses où l’usage des bancs de communion ou des agenouilloirs était la norme ». Un lien est ainsi suggéré entre la révérence eucharistique visible et la fécondité vocationnelle.
Notons que la question de la communion à genoux n’est pas celle d’un combat liturgique entre sensibilités. Elle touche à quelque chose de plus fondamental : l’humilité de la créature devant son Créateur. S’agenouiller n’est pas un acte de revendication. C’est un aveu silencieux, l’aveu que tout est reçu, que l’homme ne se tient pas face à Dieu comme face à un égal, mais qu’il s’abaisse librement devant Celui qui s’abaisse Lui-même dans l’Eucharistie.En faisant disparaître les signes visibles de cette humilité, le risque n’est pas seulement de modifier une pratique. Il est d’appauvrir la transmission de la foi, car ce que le corps ne dit plus, l’âme finit souvent par ne plus le croire.


