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La résistance de Monseigneur Aveline face au laïcisme est un véritable avertissement

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Le président des évêques de France n’est pas réputé pour être identitaire. Que Mgr Aveline affirme aujourd’hui qu’il « résiste au laïcisme » doit donc être entendu avec sérieux, car son inquiétude rejoint celle de nombreux fidèles catholiques

Editorial par Philippe Marie

 » Je résiste au laïcisme  » : cette déclaration n’est pas tombée dans le vide. Elle a été prononcée lors d’un moment significatif : le 120ᵉ anniversaire de la loi de 1905, au cours d’un échange public avec le grand rabbin de France et le recteur de la Grande Mosquée de Paris. Tous trois ont rappelé leur attachement à la laïcité comme garantie de liberté. Mais lorsqu’ils ont observé les tentations politiques de transformer ce principe en outil d’interdiction, Monseigneur Aveline a tenu à souligner qu’il résistait clairement au laïcisme. Rappelons que la distinction entre laïcité et laïcisme n’était pas une nuance théorique, mais un appel à ne pas confondre neutralité de l’État avec hostilité envers le religieux.

Lorsque la loi de séparation de l’Église et de l’État fut adoptée en 1905, elle répondait à un contexte de tensions et de fractures. L’ambition était claire : pacifier la société, garantir la liberté de conscience, et encadrer les cultes sans les étouffer. Son premier article reste sans ambiguïté : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. »La laïcité fut donc conçue comme une neutralité de l’État. Elle n’exigeait pas, et n’a jamais exigé, la neutralité de la société. Aujourd’hui pourtant, cette distinction essentielle se brouille. Sous le nom de laïcité, on assiste parfois à l’installation d’un laïcisme qui se méfie de toute expression religieuse visible. Cette dérive n’a rien à voir avec l’esprit de 1905.

La République ne s’est pas construite en opposition au christianisme, mais dans une continuité historique avec lui. La laïcité de 1905 n’a pas effacé l’héritage spirituel de la France, elle l’a encadré pour garantir la paix civile.

Il suffit d’ouvrir les yeux pour le constater : les cathédrales et les églises rythment nos paysages, nos calendriers portent tous les noms des saints et sont ponctués par les fêtes chrétiennes, nos lois, nos coutumes, jusqu’aux noms de nos communes portent l’empreinte de cette longue histoire. Cet héritage n’est pas un détail folklorique, mais l’armature culturelle d’une nation. Faire semblant de l’ignorer, au nom d’une interprétation rigide et radicale de la laïcité, ce n’est pas respecter la République, c’est au contraire trahir la mémoire nationale et appauvrir ce que nous sommes collectivement.Or, aujourd’hui, les signes se multiplient : crèches de Noël contestées et interdites , croix retirées ou encore des fêtes chrétiennes transformées en événements neutres et commerciaux. À chaque fois, c’est le même mécanisme : l’origine religieuse est dissimulée, diluée comme si elle était problématique en soi.

Une autre forme de dérive se manifeste, plus subtile, presque imperceptible : la sémantique du remplacement

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On ne dit plus « Joyeux Noël » mais « Joyeuses fêtes ». La Nativité devient un « événement d’hiver ». La Chandeleur disparaît, remplacée par une « fête des crêpes ». Pâques se réduit à un week-end prolongé. Pentecôte s’évanouit dans les calendriers. Au fil des années, ce glissement linguistique produit un effet culturel : ce qui est chrétien devient invisible, dissous dans des formules neutres. Est-ce anodin ? Ou bien une manière de gommer, par le langage, l’identité spirituelle d’une civilisation ? Car la conséquence la plus grave du laïcisme est peut-être celle-ci : l’amnésie. L’oubli de soi. L’effacement progressif de l’héritage chrétien de la France, héritage incontesté et incontestable.

Le laïcisme ne nie pas seulement les pratiques religieuses chrétiennes, il nie la mémoire collective . Et une civilisation qui ne sait plus d’où elle vient ne sait plus non plus où elle va. L’oubli n’est jamais neutre : il prépare les renoncements.

Entre la neutralité équilibrée de 1905 et l’hostilité contemporaine envers le fait religieux, il existe un gouffre. Une laïcité authentique protège la liberté des cultes. Le laïcisme tend à les diminuer. L’une pacifie, l’autre inquiète.

Le rappel de cette distinction n’est pas un combat identitaire. Il s’agit simplement de reconnaître que la liberté religieuse est une liberté fondamentale, qui ne peut pas être traitée comme un résidu du passé ou une menace potentielle. Revenir à l’esprit de 1905 ne serait pas un recul mais un progrès. la question posée n’est pas celle du pouvoir de la religion, mais celle de la liberté. La laïcité a été faite pour garantir cette liberté, non pour la restreindre. Retrouver cet équilibre n’affaiblirait personne, au contraire : il rendrait à la société un climat de confiance et de respect mutuel. Dans une période où les identités se crispent, il serait sage de ne pas ajouter de méfiance à la méfiance.

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