Le Sénat examine aujourd’hui une proposition de loi visant à interdire le port de signes religieux dans les compétitions sportives. Portée par le sénateur Les Républicains Michel Savin, cette initiative cherche à mettre fin à un « flou juridique » et à garantir la neutralité dans les espaces sportifs. Mais derrière cette apparente volonté de clarification se pose une question plus large : pourquoi ces problèmes de laïcité ne se posaient-ils pas auparavant ?
Une laïcité à géométrie variable ?
Longtemps, la laïcité à la française a été perçue comme un principe d’équilibre permettant à la religion catholique, fondatrice de l’identité nationale, de coexister avec la sphère publique. La France, fille aînée de l’Eglise, a su entretenir un rapport harmonieux entre sa tradition catholique et son cadre républicain. Pourtant, depuis quelques décennies, une nouvelle problématique est apparue : celle de l’islam et de ses revendications croissantes dans l’espace public.
L’article premier de cette proposition de loi vise à interdire le port de signes religieux dans les compétitions sportives organisées par les fédérations et associations affiliées. Ce texte s’attaque également à l’usage des équipements sportifs à des fins religieuses, répondant ainsi à la multiplication des demandes de salles de prières lors d’événements sportifs. Cette tendance récente traduit un glissement : ce n’est plus l’Etat qui impose une stricte neutralité à la religion dominante, mais bien l’arrivée d’une autre religion qui contraint la République à durcir ses règles.
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Pourquoi ces débats n’existaient-ils pas auparavant ? Il est évident que la question religieuse ne se posait pas dans les mêmes termes tant que la majorité des français étaient catholiques et que le catholicisme structurait naturellement la société sans provoquer de tensions. Aujourd’hui, l’essor de l’islam et de certaines revendications communautaires ont mis à mal cet équilibre. Plutôt que de réaffirmer les racines chrétiennes de la France et d’encourager une saine relation entre la foi et la sphère publique, les autorités ont choisi d’imposer une laïcité rigide, privant la société de ses repères spirituels.
Ainsi, cette proposition de loi suscite une levée de boucliers chez certains militants des droits de l’homme, qui y voient une atteinte à la « liberté de conscience » et aux « droits culturels ». Amnesty International et d’autres associations alertent sur les conséquences de cette mesure, notamment sur la pratique sportive des femmes voilées. Mais au fond, cette indignation ne cache-t-elle pas une volonté d’imposer l’islam dans des sphères qui, jusqu’ici, étaient neutres ou ancrées dans une tradition culturelle française éloignée des codes islamiques ?
Cette loi, si elle est adoptée, posera un cadre juridique plus strict, interdisant les prières collectives dans les vestiaires et proscrivant des tenues jugées contraires à la laïcité comme le burkini. Une avancée ? Peut-être, mais elle ne répond pas à la question de fond : pourquoi en est-on arrivé là ? Pourquoi faut-il rappeler des principes qui allaient de soi il y a encore quelques décennies ?
Il serait temps de se poser la véritable question : la laïcité, telle qu’elle est aujourd’hui appliquée, est-elle un instrument de paix ou bien une rustine apposée en catastrophe pour gérer les tensions créées par une communauté qui peine à s’intégrer ? Une chose est certaine : en cherchant à éradiquer toute référence au religieux dans la sphère publique, on efface aussi, peu à peu, l’identité chrétienne de la France.