À quelques semaines de la présidentielle du 12 octobre 2025, les évêques catholiques du Cameroun sortent de leur traditionnelle réserve. Si leurs déclarations trouvent un tel écho, c’est que l’Église catholique occupe une place singulière dans la société camerounaise ; autorité morale incontestée l’Eglise catholique camerounaise compte dans le paysage politique du pays.
Présente dès la fin du XIXe siècle grâce aux missionnaires, L’Eglise a largement contribué à moderniser le pays en ouvrant des écoles, des hôpitaux et des paroisse, elle est organisée en une Conférence épiscopale nationale qui rassemble tous les évêques du pays. Elle est structurée en 5 provinces ecclésiastiques (Yaoundé, Douala, Garoua, Bertoua et Bamenda), chacune dirigée par un archevêque métropolitain, et subdivisée en plus de 20 diocèses. Les diocèses regroupent des paroisses confiées aux curés, elles-mêmes organisées en doyennés. L’Église dispose de séminaires majeurs et mineurs formant un clergé jeune et dynamique, et peut compter sur de nombreuses congrégations religieuses, internationales comme locales. Avec environ 40 % de la population camerounaise se réclamant du catholicisme, elle joue un rôle central dans la vie sociale.Rappelons que Le Cameroun a connu une figure éminente en la personne du cardinal Christian Wiyghan Tumi (1930-2021), premier et seul cardinal camerounais de l’histoire, mais aujourd’hui le pays ne compte plus de cardinal en fonction.C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les paroles fortes prononcées ces dernières semaines.
Le 10 août, Monseigneur Samuel Kleda, archevêque de Douala, a exhorté les Camerounais à « ne pas se décourager et à choisir des hommes et des femmes animés par le désir de changement pour le pays ». Quelques jours plus tard, l’évêque de Bafoussam affirmait qu’il préférait « qu’on l’emprisonne lui, et qu’on laisse les citoyens tranquilles ». Dans le Nord, l’évêque de Yagoua appelait de son côté à « prier pour une alternance pacifique et juste » et à préserver la stabilité de la nation. Ces prises de parole, loin de simples rappels au calme, expriment une volonté explicite de voir le pays entrer dans une nouvelle étape politique.
Lire aussi
Pour l’analyste politique Stéphane Akoa, cette évolution marque une rupture : « Paul Biya est catholique, fervent catholique. Et donc, de voir l’Église, non pas se dresser contre lui, mais prendre une position distante, c’est quelque chose de significatif ». Jusqu’ici, l’institution ecclésiale se limitait à des appels généraux à la paix et à la normalité avant les élections. Le fait que plusieurs évêques tiennent désormais un discours plus incisif, sans être désavoués par la conférence épiscopale, montre que cette orientation dépasse les initiatives personnelles et reflète une prise de conscience collective.Ces appels trouvent également leur force dans un contexte sécuritaire particulièrement fragile. Dans le Nord, les attaques de Boko Haram continuent de frapper les villages et d’alimenter les déplacements de populations. L’Église, présente sur le terrain auprès des victimes, sait combien cette menace islamiste pèse sur l’unité nationale. En appelant au changement, les évêques ne cherchent donc pas seulement une alternance politique, mais aussi une réponse globale à la crise de confiance qui mine le pays et fragilise sa cohésion.
Ainsi, à l’approche du scrutin du 12 octobre, la voix des évêques catholiques résonne comme un rappel à la responsabilité. Dans un Cameroun partagé entre lassitude et espoir, leur appel à un changement pacifique témoigne de l’influence durable de l’Église et de sa volonté de rester un repère moral au cœur d’une nation en quête de renouveau.