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Le massacre architectural envisagé pour la cathédrale d’Angers : un appel à Rachida Dati pour stopper le projet

©Kengo Kuma & Associates
©Kengo Kuma & Associates
"Une cathédrale n'est pas un terrain d'expérimentation pour les lubies d'un architecte starisé"

L’annonce du projet de galerie contemporaine de Kengo Kuma pour la cathédrale d’Angers suscite une vague d’indignation parmi les défenseurs du patrimoine. Derrière un discours de préservation et d’intégration, c’est un saccage moderne qui s’apprête à être imposé à ce joyau du patrimoine angevin. Face à cette situation alarmante, un appel solennel est lancé à la ministre de la Culture, Rachida Dati, pour suspendre ce projet et initier une véritable concertation avec les défenseurs du patrimoine.

Ce projet de « galerie de protection », sous couvert de préserver les sculptures polychromées du XIIIe siècle, introduit une structure massive en béton fibré à ultra-haute performance, brisant l’harmonie architecturale de la cathédrale. Nombre d’experts du patrimoine s’opposent à cette transformation. L’Association pour la Protection du Patrimoine Angevin (APPA) dénonce une « violation de l’unité visuelle du site » et fustige un « caprice d’architecte déconnecté de l’histoire du monument ».

Alors que la DRAC des Pays de la Loire et les institutions locales vantent les mérites de cette construction, plusieurs voix s’élèvent « C’est une trahison de l’esprit du lieu », s’indigne Pierre Noël, historien de l’architecture. « Angers ne mérite pas un ajout contemporain qui ne respectera jamais l’âme de sa cathédrale ». De nombreux Angevins partagent cet avis et expriment leur refus de voir leur patrimoine sacré mutilé.

Malgré cette levée de boucliers, le projet poursuit son cours, soutenu par la DRAC et des entreprises locales impliquées dans le chantier. L’absence de véritable concertation publique est pointée du doigt. « On nous impose une transformation radicale sans nous consulter », regrette un membre du collectif « Sauvons la cathédrale d’Angers ».

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Mille ans d’histoire de la cathédrale

Fondée au XIe siècle sous l’épiscopat d’Hubert de Vendôme, la cathédrale Saint-Maurice d’Angers connaît une première destruction par un incendie en 1032 avant d’être restaurée sous l’évêque Geoffroy de Tours, qui consacre son maître-autel en 1096. À partir du XIIe siècle, sous l’impulsion des évêques Renaud de Martigné et Ulger, elle évolue vers le gothique angevin, intégrant des voûtes d’ogives sur sa nef romane, un transept et un chœur agrandi dépassant l’ancienne enceinte gallo-romaine.

Au XVIe siècle, Jean Delespine enrichit la façade avec la galerie des personnages représentant les chevaliers compagnons de saint Maurice et surmonte les tours de flèches élancées. En 1806, un porche monumental gothique angevin, qui s’élevait devant la façade et possédait deux niveaux, est détruit pour vétusté ; seuls subsistent aujourd’hui quatre arcs d’ogive en témoignage de cet élément disparu. Divers projets de reconstruction de ce porche sont envisagés au XXe siècle, mais aucun n’aboutit. Classée monument historique en 1862, la cathédrale demeure un édifice emblématique de l’architecture médiévale, alliant sobriété cistercienne et élégance gothique, témoin vivant de la spiritualité angevine à travers les siècles.

Kengo Kuma : un architecte contesté

Si l’architecte Kengo Kuma est reconnu pour ses ouvrages contemporains, la pertinence de son intervention sur un site historique aussi emblématique reste plus que contestable. « Nous sommes dans une tendance où l’on veut à tout prix imposer la modernité au détriment de la cohérence patrimoniale », assène un expert en restauration d’édifices religieux.

Né en 1954, Kengo Kuma s’est imposé comme une figure de l’architecture contemporaine, privilégiant l’utilisation de matériaux naturels et un dialogue entre tradition et modernité. Cependant, ses réalisations suscitent souvent la controverse lorsqu’elles s’appliquent à des monuments historiques. Son approche, qui prône des ajouts audacieux et parfois disruptifs, se heurte ici à l’esprit d’un édifice millénaire.

Dessin d’architecte , vue du porche- ©Kengo Kuma & Associates

Son projet de stade olympique de Tokyo a déjà été critiqué pour son coût exorbitant et son impact visuel jugé trop envahissant. À Angers, sa vision d’une galerie protectrice s’apparente davantage à un geste architectural imposé qu’à une réponse véritablement respectueuse du patrimoine. « Une cathédrale n’est pas un terrain d’expérimentation pour les lubies d’un architecte starisé », martèle un membre de la Société Française d’Architecture Religieuse.

Un appel à la ministre Rachida Dati

Face à ce projet controversé, un appel solennel est lancé à la ministre de la Culture, Rachida Dati, pour qu’elle intervienne en urgence et mette un coup d’arrêt à cette transformation inappropriée. Une pétition circule pour exiger une réévaluation du projet et une alternative respectueuse du site. La cathédrale d’Angers, témoin de siècles d’histoire, mérite mieux qu’un patchwork architectural dicté par la mode du moment.

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