En célébrant la fête de la Sainte Famille, le pape Léon XIV a proposé, lors de l’Angélus, une méditation dense et sans complaisance sur le contraste entre la lumière de Noël et l’ombre persistante de la violence humaine. Le récit évangélique de la fuite en Égypte, tiré de l’Évangile selon saint Matthieu, sert de fil conducteur à une lecture spirituelle mais aussi profondément anthropologique de notre temps.
« Ne laissons pas ces mirages étouffer la flamme de l’amour dans les familles chrétiennes«
Au cœur de cette scène se tient la figure d’Hérode. Le pape en dresse un portrait précis, celui d’un homme obsédé par la conservation de son pouvoir, enfermé dans la peur d’être dépossédé de ses richesses et de ses privilèges. Alors même que, dans son royaume, Dieu accomplit ce que la tradition biblique reconnaît comme l’accomplissement des promesses de salut, Hérode demeure aveugle. La naissance du Messie ne lui apparaît pas comme une bonne nouvelle, mais comme une menace à neutraliser. Cette incapacité à reconnaître l’œuvre de Dieu n’est pas présentée comme un accident de l’histoire, mais comme le fruit logique d’un cœur endurci par la logique de la domination.
La méditation pontificale met en relief un paradoxe central. Tandis que Bethléem est baignée de lumière, de joie et de louange, le palais royal reste hermétiquement fermé à cette annonce. La violence décrétée contre les innocents devient alors le signe d’un monde qui préfère éliminer ce qu’il ne comprend pas plutôt que de se laisser déplacer.
Le pape souligne ainsi que la cruauté d’Hérode n’est pas seulement un fait du passé, elle révèle une tentation permanente, celle d’un pouvoir qui se protège au prix de la vie des plus faibles.
C’est dans ce contexte que la Sainte Famille apparaît, non comme une image idéalisée, mais comme une réponse concrète et silencieuse à la brutalité du monde. Joseph, Marie et l’Enfant ne s’opposent pas à la violence par la force, mais par l’obéissance confiante à Dieu et par la fidélité dans l’épreuve. Le geste de Joseph, qui met sa famille à l’abri en Égypte, est présenté comme un acte à la portée universelle. Il devient une coopération humble mais décisive au dessein de salut. Le pape insiste sur cette dimension domestique du mystère chrétien, la maison de Nazareth, loin des centres de pouvoir, est le lieu où grandit la lumière destinée au monde entier.
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Dans la dernière partie de son message, le pape élargit la perspective. « Le monde a toujours ses “Hérodes” », affirme-t-il, évoquant les mythes contemporains du succès à tout prix, du pouvoir sans scrupules et d’un bien-être réduit à la surface des choses. Ces mirages, loin d’apporter le bonheur promis, engendrent souvent solitude, divisions et conflits. Face à cela, le pape invite les familles chrétiennes à ne pas se laisser étouffer, mais à demeurer des lieux où la foi se transmet dans la simplicité, par la prière, la vie sacramentelle, le dialogue et la fidélité quotidienne. Il s’inscrit ici dans une continuité explicite avec l’enseignement de François, rappelant que la famille demeure une école d’amour et un instrument de salut lorsque l’Évangile y est vécu sans ostentation mais avec constance.
Enfin en mentionnant explicitement les familles éprouvées par la guerre, les enfants, les personnes âgées et les plus fragiles, le pape relie la contemplation de la Sainte Famille à l’actualité douloureuse du monde. La fuite en Égypte n’est plus seulement un épisode biblique, elle devient un miroir des déplacements forcés et des souffrances contemporaines. Confier ces drames à l’intercession de la Sainte Famille de Nazareth revient à affirmer que Dieu continue d’habiter les chemins de l’exil et de la fragilité humaine.Par cette catéchèse, le pape Léon XIV propose une lecture exigeante de Noël. Loin de toute sentimentalité, il rappelle que la naissance du Christ met en crise les logiques de domination et appelle chacun, à commencer par les familles, à choisir entre la peur qui engendre la violence et la confiance qui ouvre un chemin de salut.
FÊTE DE LA SAINTE FAMILLE DE NAZARETH
ANGÉLUS
Place Saint-Pierre
Dimanche 28 décembre 2025
« Chers frères et sœurs, bon dimanche !
Aujourd’hui, nous célébrons la Fête de la Sainte Famille et la liturgie nous propose le récit de la “fuite en Égypte” (cf. Mt 2, 13-15.19-23).
C’est un moment d’épreuve pour Jésus, Marie et Joseph. En effet, sur le tableau lumineux de Noël se projette, presque soudainement, l’ombre inquiétante d’une menace mortelle, qui trouve son origine dans la vie tourmentée d’Hérode, un homme cruel et sanguinaire, redouté pour sa cruauté, mais précisément pour cette raison profondément seul et obsédé par la peur d’être détrôné. Quand il apprend par les mages que le “roi des Juifs” est né (cf. Mt 2, 2), se sentant menacé dans son pouvoir, il décrète la mise à mort de tous les enfants de l’âge correspondant à celui de Jésus. Dans son royaume, Dieu accomplit le plus grand miracle de l’histoire, dans lequel s’accomplissent toutes les anciennes promesses de salut, mais il ne parvient pas à le voir, aveuglé par la crainte de perdre son trône, ses richesses, ses privilèges. À Bethléem, il y a de la lumière, il y a de la joie : certains bergers ont reçu l’annonce céleste et, devant la crèche, ils ont glorifié Dieu (cf. Lc 2, 8-20), mais rien de tout cela ne parvient à pénétrer les défenses blindées du palais royal, si ce n’est comme l’écho déformé d’une menace, à étouffer dans une violence aveugle.
Mais c’est précisément cette dureté de cœur qui met encore plus en évidence la valeur de la présence et de la mission de la Sainte Famille qui, dans le monde despotique et avide que représente le tyran, est le nid et le berceau de la seule réponse de salut possible : celle de Dieu qui, dans une gratuité totale, se donne aux hommes sans réserve et sans prétention. Et le geste de Joseph qui, obéissant à la voix du Seigneur, met en sécurité l’Épouse et l’Enfant, se manifeste ici dans toute sa signification rédemptrice. En Égypte, en effet, la flamme de l’amour domestique à laquelle le Seigneur a confié sa présence dans le monde grandit et prend de la vigueur pour apporter la lumière au monde entier.
Alors que nous contemplons ce mystère avec émerveillement et gratitude, pensons à nos familles et à la lumière qu’elles peuvent apporter à la société dans laquelle nous vivons. Malheureusement, le monde a toujours ses “Hérodes”, ses mythes du succès à tout prix, du pouvoir sans scrupules, du bien-être vide et superficiel, et il en paie souvent les conséquences dans la solitude, le désespoir, les divisions et les conflits. Ne laissons pas ces mirages étouffer la flamme de l’amour dans les familles chrétiennes. Au contraire, gardons en elles les valeurs de l’Évangile : la prière, la fréquentation des sacrements – en particulier la confession et la communion –, les affections saines, le dialogue sincère, la fidélité, la simplicité et la beauté des paroles et des gestes bons de chaque jour. Cela les rendra lumière d’espérance pour les milieux dans lesquels nous vivons, école d’amour et instrument de salut entre les mains de Dieu (cf. François, Homélie lors de la messe pour la Xe Rencontre mondiale des familles, 25 juin 2022).
Demandons donc au Père céleste, par l’intercession de Marie et de saint Joseph, de bénir nos familles et toutes les familles du monde, afin qu’elles grandissent à l’image de celle de son Fils fait homme et soient pour tous un signe efficace de sa présence et de son infinie charité.
À l’issue de l’Angélus
Chers frères et sœurs,
j’adresse mes salutations chaleureuses à chacun de vous, Romains et pèlerins de divers pays.
Je salue en particulier les jeunes de Clusone, Gerenzano et San Bartolomeo in Bosco, les confirmands d’Adrara San Martino, les jeunes et les servants de messe de Brescia, les participants au pèlerinage des préadolescents de l’Unité pastorale de Sarezzo et les scouts de Trévise.
Je salue également les éducateurs de l’Action Catholique de Limena et ceux de Morciano di Romagna, les animateurs de l’Oratoire Saint-Pie X de Portogruaro, le groupe de bénévoles de Borgomanero, les fidèles de San Cataldo et Serradifalco et les membres de la Pro Loco de Sant’Egidio del Monte Albino.
Dans la lumière de la Nativité du Seigneur, continuons à prier pour la paix. Aujourd’hui, en particulier, prions pour les familles qui souffrent à cause de la guerre, pour les enfants, les personnes âgées, les plus fragiles. Confions-nous ensemble à l’intercession de la Sainte Famille de Nazareth.
Je souhaite à tous un bon dimanche ! »
Source Vatican


