Par Philippe Marie
En appelant Vladimir Poutine, le pape Léon XIV n’a pas seulement posé un acte diplomatique : il a ouvert ce que certains décrivent déjà comme une perestroïka religieuse entre le Vatican et Moscou , un tournant inédit dans la posture de l’Église. Là où d’autres se contentaient de gestes symboliques, il a choisi la parole directe. Et dans une guerre où les mots ont manqué, cette voix venue de Rome sonne comme un réveil.
Depuis le 24 février 2022, le Saint-Siège a multiplié les prières pour la paix, les interventions discrètes, les démarches humanitaires. Mais jamais, en plus de deux ans de guerre, François n’a décroché son téléphone pour s’adresser personnellement à Vladimir Poutine. Ce silence était devenu un symbole. Le pape Léon XIV l’a brisé dès le commencement de son pontificat.Il n’a pas attendu, c’est le début d’une véritable perestroïka* religieuse .
Le souverain Pontife n’a pas téléphoné pour flatter ou pour condamner mais pour initier un échange entre un homme de paix et un chef en guerre. C’est un pape qui n’a pas peur d’entrer dans la complexité, mais qui s’y engage sans céder sur ses principes, ceux de l’Evangile » Que la Paix soit avec vous ».
Pendant cet appel, le pape Léon XIV a exigé des signes concrets : gestes humanitaires, respect des prisonniers, reprise du dialogue. Il a évoqué l’action du cardinal Zuppi, sans s’y abriter. Car ce n’était pas une initiative bureaucratique, mais une parole de pasteur. Pas d’anathème, pas de complaisance : une autorité désarmée, mais indiscutable.Ce qui rend ce geste possible, c’est aussi la cohérence de l’homme. Robert Prevost, avant son élection, n’avait pas mâché ses mots : il avait dénoncé l’« invasion impérialiste » de l’Ukraine. Des propos qui auraient pu lui fermer les portes du Kremlin. Ils lui ont valu, au contraire, le respect qui vient de la franchise.
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La Russie, par la voix de Dmitri Peskov, a tenté d’en minimiser la portée, parlant d’un simple échange sans perspective de médiation. Mais chacun sait que dans la diplomatie vaticane, le simple fait de parler vaut acte. Et dans une guerre figée, la moindre brèche dans le mur du silence est un début de dégel.
Le pape Léon XIV ne cherche pas à plaire à l’Occident ni à s’aligner sur l’Est. Il ne craint pas d’être incompris. Il agit comme un pape doit le faire : non pas en stratège, mais en témoin. En homme d’Évangile. Il sait que la paix ne vient pas des calculs, mais du courage de regarder l’autre en face, même s’il porte la responsabilité d’un conflit.
Un signe supplémentaire de sa lucidité : il a remercié le patriarche Kirill pour ses vœux, là où François l’avait publiquement humilié en le traitant de « chierichetto de Poutine » (enfant de chœur de Poutine, autrement dit un serviteur docile du Kremlin). Ce geste, simple mais fort, marque un changement de ton. Non par naïveté, mais par compréhension fine des équilibres religieux en Russie.Car à Moscou, le pouvoir politique et le pouvoir religieux avancent main dans la main. Le pape Léon XIV ne l’ignore pas. Il ne cherche pas à contourner cette réalité, mais à l’assumer avec lucidité. Il entre dans ce jeu avec la seule arme d’un successeur de Pierre : la force de la vérité.
« La paix est un don de Dieu, mais confié aux hommes. Il faut le demander, mais aussi le bâtir », disait le cardinal Roger Etchegaray. En parlant à Vladimir Poutine, le pape Léon XIV ne négocie pas la paix : il commence à la construire.
*La perestroïka [peʁɛstʁɔjka] (en russe : перестройка [pʲɪrʲɪˈstrojkə]), littéralement « la reconstruction », est le nom donné aux réformes économiques et sociales menées par le président de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev en Union soviétique d’ octobre 1985 à décembre 1991