Dans son message adressé au rassemblement interreligieux de Dacca, le pape Léon XIV a offert des salutations d’amitié et surtout la paix qui vient de Dieu, une paix « désarmée et désarmante, humble et persévérante ». En reprenant son Urbi et Orbi du 8 mai dernier, il a insisté sur une paix qui se fait proche des souffrants, loin des calculs politiques ou idéologiques. Ce ton rappelle la conviction chrétienne que la paix véritable ne peut naître que d’une source surnaturelle, et qu’elle dépasse les compromis humains souvent fragiles.
Le Saint-Père a félicité les organisateurs pour avoir choisi comme thème « Promouvoir une culture d’harmonie entre frères et sœurs ». Il a cité le Concile Vatican II, dans Nostra Aetate, rappelant que l’humanité est « une en origine et en destin sous Dieu ». Cette citation replace le dialogue interreligieux dans un cadre théologique clair : nous sommes frères non pas par un vague humanisme, mais parce que nous avons le même Créateur et sommes appelés au même dessein éternel.
Léon XIV refuse ainsi le piège du relativisme et rappelle que la fraternité universelle n’a de sens que si elle est enracinée en Dieu
Dans une métaphore suggestive, Léon XIV a comparé la culture d’harmonie à un jardin. Pour croître, ce jardin a besoin de lumière, d’eau et de sol. La lumière de la vérité, l’eau de la charité et le sol de la liberté et de la justice sont les conditions indispensables pour que les communautés humaines prospèrent. Cette image, profondément biblique, évoque le Christ « lumière du monde », l’Esprit Saint comme source vive et la justice comme fondement de la cité terrestre. Le pape met en garde contre les mauvaises herbes de l’histoire : soupçons, stéréotypes et extrémismes qui étouffent la paix. On reconnaît là une allusion aux dérives du fondamentalisme religieux, mais aussi aux idéologies modernes qui sèment la méfiance et opposent les peuples.En citant l’épître de saint Jacques, le pape rappelle que la religion authentique se mesure au service des plus vulnérables, « visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse ».
Le Bangladesh, frappé à plusieurs reprises par des catastrophes naturelles, a déjà montré des exemples édifiants de solidarité entre confessions. Ces gestes concrets, souligne Léon XIV, sont les véritables « ponts entre communautés ». Le dialogue interreligieux n’est pas un exercice de langage ou de diplomatie, il est une charité incarnée, tournée vers le bien commun. Ici, le pape rejoint l’enseignement constant de la doctrine sociale de l’Église : la dignité humaine est le fondement de toute coopération, quelle que soit la tradition religieuse.
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C’est dans ce cadre que Léon XIV a repris l’intuition prophétique de saint Jean-Paul II. Chaque projet commun, chaque repas partagé, chaque geste de courtoisie envers un voisin d’une autre religion sont, selon lui, des briques de cette « civilisation de l’amour ». Le pape se situe ainsi dans la continuité du grand pape polonais, mais aussi de Benoît XVI qui, dans Caritas in veritate, rappelait que la charité doit toujours être éclairée par la vérité pour éviter toute dérive sentimentale ou idéologique. En rappelant ces points, Léon XIV inscrit le dialogue interreligieux dans une fidélité à l’enseignement de l’Église, sans céder à l’égalitarisme doctrinal.Le message prend une résonance particulière dans un contexte marqué par la persécution des chrétiens en Asie et la montée du radicalisme religieux. Le pape n’ignore pas ces réalités douloureuses : au contraire, il oppose à la violence un appel au courage, à la persévérance et à la coopération concrète. Il sait que le dialogue peut être ralenti par des blessures du passé, mais il exhorte les croyants à ne pas céder à la lassitude ni à la peur.
Dans un monde traversé par la tentation du repli et les extrémismes violents, le pape Léon XIV trace une voie claire. Il reconnaît la diversité religieuse mais refuse le syncrétisme
Il invite à bâtir une paix authentique qui repose sur la vérité, la charité et la justice, plutôt que sur de fragiles consensus humains. Fidèle à l’enseignement de l’Église, son appel au Bangladesh résonne comme une mise en garde contre les illusions relativistes et comme un encouragement à travailler ensemble pour que la paix devienne réalité, à la lumière du dessein de Dieu.
Message du Saint-Père aux Participants à la Rencontre Interreligieuse au Bangladesh, 09.09.2025
( traduis par Tribune Chrétienne )
Message du Saint-Père
« Je suis heureux d’adresser des salutations d’amitié aux participants de la rencontre interreligieuse au Bangladesh. Avant tout, je vous souhaite la paix qui ne peut venir que de Dieu, une paix « désarmée et désarmante, humble et persévérante », et « qui cherche toujours la charité, qui cherche toujours à être proche, surtout de ceux qui souffrent » (Urbi et Orbi, 8 mai 2025).
Je félicite les organisateurs de cette rencontre pour avoir choisi le thème « Promouvoir une culture d’harmonie entre frères et sœurs ». En effet, ce thème reflète l’esprit d’ouverture fraternelle que les personnes de bonne volonté cherchent à cultiver avec les membres d’autres traditions religieuses. Il découle en outre de la conviction que notre communauté humaine est véritablement une, dans son origine et dans sa destinée sous Dieu (cf. Concile Vatican II, Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes Nostra Aetate, 28 octobre 1965, 1). Nous sommes tous ses enfants et donc frères et sœurs. Comme une seule famille, nous partageons à la fois l’opportunité et la responsabilité de continuer à nourrir une culture d’harmonie et de paix.
À cet égard, nous pouvons à juste titre parler de « culture » en deux sens. La culture peut désigner le riche patrimoine des arts, des idées et des institutions sociales qui caractérisent chaque peuple. Mais la culture peut aussi être comprise comme un environnement nourricier qui soutient la croissance. De même qu’un écosystème sain permet à des plantes diverses de s’épanouir côte à côte, ainsi une culture sociale saine permet à des communautés diverses de prospérer en harmonie. Une telle culture doit être soigneusement cultivée. Elle requiert la lumière du soleil de la vérité, l’eau de la charité et le sol de la liberté et de la justice. Nous savons par des moments douloureux de l’histoire que lorsque la culture de l’harmonie est négligée, les mauvaises herbes peuvent étouffer la paix. Les soupçons prennent racine, les stéréotypes se figent, les extrémistes exploitent les peurs pour semer la division. Ensemble, compagnons dans le dialogue interreligieux, nous sommes comme des jardiniers cultivant ce champ de la fraternité, aidant à maintenir le dialogue fertile et à arracher les mauvaises herbes des préjugés.
En effet, cette occasion même que vous partagez aujourd’hui est un beau témoignage. Elle affirme que les différences de croyance ou d’origine ne doivent pas nous diviser. Au contraire, dans l’acte de se rencontrer dans l’amitié et le dialogue, nous faisons front commun contre les forces de division, de haine et de violence qui ont trop souvent affligé l’humanité. Là où d’autres ont semé la méfiance, nous choisissons la confiance, là où d’autres entretiennent la peur, nous nous efforçons de comprendre, là où d’autres considèrent les différences comme des barrières, nous les reconnaissons comme des voies d’enrichissement mutuel (cf. François, Rencontre œcuménique et interreligieuse pour la paix, 1er décembre 2017).
Construire une culture de l’harmonie signifie véritablement partager non seulement des idées mais aussi des expériences concrètes. Comme saint Jacques nous le rappelle, « la religion pure et sans tache devant Dieu … consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse » (Jc 1,27). De ce point de vue, nous pouvons dire que la véritable mesure de l’amitié interreligieuse est notre volonté de nous tenir ensemble au service des plus vulnérables de la société. Le Bangladesh a déjà été témoin d’exemples inspirants de cette unité ces dernières années, lorsque des personnes de différentes confessions se sont réunies dans la solidarité et la prière lors de catastrophes naturelles ou de tragédies. De tels gestes bâtissent des ponts, entre les religions, entre la théorie et la pratique, entre les communautés, afin que tous les Bangladais et en réalité toute l’humanité puissent passer de la suspicion à la confiance, de l’isolement à la collaboration. Ils renforcent aussi la résilience des communautés face aux voix de la division. Coopérer à toute œuvre de bien est le remède le plus efficace contre les forces qui voudraient nous entraîner dans l’hostilité et l’agression. Lorsque notre dialogue se traduit en actes, un message puissant retentit, que la paix, et non le conflit, est notre rêve le plus cher, et que construire cette paix est une tâche que nous entreprenons ensemble.
Avec ces sentiments, je désire réaffirmer l’engagement de l’Église catholique à marcher à vos côtés sur ce chemin. Parfois, des malentendus ou des blessures du passé peuvent ralentir nos pas. Mais encourageons-nous mutuellement à persévérer. Chaque discussion en groupe, chaque projet de service commun ou repas partagé, chaque geste de courtoisie envers un voisin d’une autre religion, voilà autant de pierres de ce que saint Jean-Paul II appelait « une civilisation de l’amour » (Message pour la Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2001).
Je vous assure de mon amour fraternel et de mes prières. Que le Très-Haut bénisse chacun de vous, vos familles et vos communautés. Qu’il bénisse votre pays d’une harmonie et d’une paix toujours plus profondes. Et qu’il bénisse notre monde, qui a un besoin si urgent de la lumière de la fraternité.
Du Vatican, le 28 août 2025″
Source Vatican