Depuis la place Saint-Pierre, Le Saint père a invité les fidèles à raviver l’élan spirituel du grand pape polonais, dont l’appel résonne encore dans le cœur de l’Église :« Aujourd’hui se célèbre la mémoire liturgique de saint Jean-Paul II. Il y a exactement quarante-sept ans, sur cette place, il exhortait le monde à s’ouvrir au Christ. Cet appel reste valable aujourd’hui : nous sommes tous appelés à le faire nôtre. »Ces paroles, prononcées par Léon XIV au terme de l’audience générale, étaient adressées tout particulièrement aux fidèles polonais, et notamment à la délégation de l’archidiocèse de Białystok, venue apporter la pierre angulaire pour le Musée du bienheureux don Jerzy Popiełuszko, prêtre et martyr du communisme.
Vingt ans après la mort de saint Jean-Paul II, son cri du cœur « N’ayez pas peur ! » retentit toujours. Il fut le pape de la liberté enracinée dans la vérité, le témoin courageux de la souveraineté du Christ sur tous les domaines de la vie humaine. Le 2 avril 2005, à 21h37, ce géant de la foi rendait son âme à Dieu. Âgé de 84 ans, il laissait derrière lui un pontificat de vingt-six années et demie, marqué par une fidélité constante à la mission de l’Église dans le monde.Parmi les pages les plus marquantes de son magistère, l’homélie inaugurale du 22 octobre 1978 reste emblématique. Dès les premières paroles de son pontificat, il osa rappeler au monde que le Christ n’est pas seulement roi des cœurs, mais aussi des nations.
« N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! À sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques comme politiques, les vastes champs de la culture, de la civilisation, du développement. »
Ce cri prophétique demeure un antidote au relativisme et à la sécularisation. En osant évoquer la potestas du Christ, Jean-Paul II accomplissait un geste audacieux dans une Église postconciliaire parfois réticente à parler de royauté sociale. Il le fit sans jamais renier Vatican II, dont il fut un artisan fidèle, mais en assumant pleinement la continuité avec la tradition.Refusant le trirègne, symbole du pouvoir temporel pontifical, il proclamait néanmoins avec clarté la souveraine puissance du Christ sur le monde entier. « Aidez le Pape et tous ceux qui veulent servir le Christ, et, avec la puissance du Christ, servir l’homme et l’humanité tout entière ! » lançait-il ce jour-là.
S’il reprenait certaines intuitions du Concile, notamment celle que le Christ révèle l’homme à lui-même, Jean-Paul II allait plus loin qu’une simple lecture anthropologique. Pour lui, la royauté du Christ devait toucher les États, les systèmes politiques et économiques, et ne pouvait être réduite à une affaire privée ou spirituelle. Il appelait à une présence catholique dans la société, à la fois par les laïcs dans l’ordre temporel et par l’action directe de l’Église à travers les sacrements.Jean-Paul II ne cherchait pas à revenir aux formulations de Léon XIII ou de saint Pie X. Il respectait le Concile et l’avait pleinement intégré, mais sans jamais renoncer à rappeler la royauté sociale du Christ ni la mission évangélisatrice de l’Église dans le monde. En cela, il s’opposait à ceux qui voulaient réduire la foi à une conscience individuelle ou à une spiritualité désincarnée.
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Le saint pape osa affronter la modernité sur son propre terrain. Plutôt que de rejeter les droits de l’homme, il les réinterpréta à la lumière de la foi chrétienne. Ces droits, affirmait-il, ne peuvent être fondés sur de simples conventions humaines, mais sur la loi du Créateur.
De même, il réhabilita le mot liberté, à condition qu’elle soit enracinée dans la vérité : « La liberté cesse d’être telle sans un enracinement dans la vérité. »
Jean-Paul II donna un nouvel élan à la doctrine sociale de l’Église, non pour restaurer une chrétienté disparue, mais pour en faire un outil d’évangélisation des réalités temporelles. Pour lui, foi et culture étaient indissociables : une foi authentique produit nécessairement une culture, et donc une civilisation. Dans Redemptor hominis, il développa un personnalisme christocentrique opposé au relativisme ambiant. Et dans Fides et Ratio, il affirma avec force que « la théologie catholique a besoin d’une métaphysique de l’être », signe de son attachement à la philosophie classique sans se laisser enfermer dans une scolastique figée.Son pontificat fut un immense travail de transmission : encycliques, voyages apostoliques, révision du Catéchisme, défense de la famille, de la vie, de la morale naturelle. Il y eut des incompréhensions, des malentendus, parfois des concessions. Mais dans le champ de mines idéologique et ecclésial de son temps, il tint ferme. Aujourd’hui encore, nombre des tendances qu’il avait combattues ressurgissent, et l’« esprit du Concile » qu’il s’efforça de purifier semble parfois regagner du terrain.
Et pourtant, son message demeure. Plus que jamais, l’Église a besoin de se souvenir de ce pape qui osa proclamer : « Le Christ sait ce qu’il y a dans l’homme. Lui seul le sait ! »
En reprenant aujourd’hui cet appel, Léon XIV s’inscrit dans la continuité de son grand prédécesseur. À travers ses paroles, il invite le monde à rouvrir les portes au Christ, à replacer la foi au centre de la vie et à refuser les idéologies destructrices qui déforment l’Évangile.Beaucoup espèrent que Léon XIV trouvera, comme saint Jean-Paul II, la même force intérieure pour rappeler à l’Église et au monde que seule compte la primauté du Christ, centre de toute chose, loin des improvisations théologiques du moment et des dérives idéologiques qui obscurcissent la vérité. Car c’est en s’ouvrant à Lui, et à Lui seul, que l’humanité retrouvera la lumière, la paix et la joie véritables.