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Le poids du silence, le choc des révélations : Monseigneur Aveline condamné par les faits ?

Monseigneur Aveline - ( image wikipedia italien)
Monseigneur Aveline - ( image wikipedia italien)
Un séisme secoue l’Église de France avec la parution de l’enquête de Paris Match, conjuguée à une demande de démission du prélat marseillais adressée à Tribune Chrétienne et directement envoyée au pape Léon XIV par un collectif local. Ce manque d’exemplarité et cette gestion catastrophique sont-ils compatibles avec la fonction d’un homme devenu président de la Conférence des évêques de France et membre de référence de la Curie romaine ?

Le pape Léon XIV l’acceptera-t-il ? La démission de Monseigneur Aveline est-elle devenue inéluctable, à Marseille comme à la tête de la CEF ? C’est la question que se posent désormais de nombreux fidèles et observateurs, à la lumière des révélations accumulées ces derniers jours.Documents internes, témoignages accablants et lettres confidentielles révèlent une série de manquements graves dans la gestion des affaires d’abus sexuels au sein du diocèse de Marseille.

Les premiers éléments évoqués par l’enquéte de l’hebdomadaire,parue ce jeudi 18 septembre, concernent des affaires anciennes, dont certaines remontent aux années 1990, et qui révèlent une longue chaîne de silences et de retards face aux souffrances des victimes.L’affaire du père Jean-Pierre Hours illustre de manière dramatique la douleur des victimes. Yacine, l’un d’entre eux, raconte avoir vécu des abus dans les années 1990 et explique que la honte l’a longtemps empêché de parler. Lorsqu’il finit par rencontrer Mgr Aveline, il confie que ce dernier l’a exhorté à « ne pas faire de vagues » et lui a promis des réponses qui ne viendront jamais. En 2018, plusieurs victimes confrontent directement le père Hours, lequel reconnaît les faits devant elles. L’aveu filmé atterrit au diocèse, mais là encore l’affaire s’enlise, laissant les plaignants avec un sentiment d’abandon.
« Ce qui nous a frappés, écrit Paris Match, c’est moins l’aveu du prêtre que le silence prolongé du diocèse face à des faits établis. »Après cette affaire déjà ancienne, l’enquête met en lumière un autre dossier tout aussi révélateur de la lenteur des réactions : celui du père Charles Sighieri.

En 2014, un ancien séminariste, David, confie à Jean-Marc Aveline avoir subi des attouchements de sa part. L’archevêque, selon le récit publié, botte en touche. Ce n’est qu’en 2019, cinq ans plus tard, qu’un signalement officiel est transmis au procureur. Entre-temps, Sighieri poursuit son ministère. Ce n’est qu’en 2023 qu’il sera condamné à deux ans de prison avec sursis et interdit de contact avec des mineurs. La réaction du vicaire général Xavier Manzano choque encore davantage. Devant des paroissiens, il aurait affirmé que la justice avait eu « le bras lourd », minimisant ainsi la gravité de la condamnation.« Tout se passe, comme si la hiérarchie préférait relativiser plutôt que protéger. » commente l’hebdomadaire.

À ce stade, l’enquête élargit son regard et révèle un document interne accablant concernant l’un des plus proches collaborateurs de Mgr Aveline, le père Xavier Manzano.Une lettre datée du 24 décembre 2015, signée par le juge ecclésiastique Luc-Marie Lalanne et adressée à l’archevêque de l’époque Georges Pontier, soulevait déjà de graves interrogations sur des « relations excessivement proches » entretenues par Manzano avec un époux cité dans une affaire canonique. Plusieurs témoins, écrivait le juge, avaient exprimé leur étonnement et parfois leur scandale. On y lit également que Manzano séjournait régulièrement au domicile de cet homme, où les enfants dormaient parfois chez lui. Malgré ce signalement, Manzano est maintenu dans des fonctions de responsabilité. Pire encore, il sera confirmé comme vicaire général par Jean-Marc Aveline en 2019.Cette nomination, souligne Paris Match, montre que « les alertes, même écrites et circonstanciées, n’ont pas été jugées dignes d’attention. »

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Interrogé par la presse, le père Manzano oppose la vie privée et nie tout comportement déplacé. Mais les allées et venues de ce prêtre, muté en 2020 puis rappelé à Marseille, laissent planer un doute sérieux sur la manière dont l’autorité diocésaine a géré des signaux pourtant documentés et graves.Après Marseille, c’est à Aix-en-Provence qu’un nouveau dossier vient compléter ce sombre tableau, cette fois dans le cadre du séminaire Saint-Luc.

Valérie S. accuse le père Christophe de Dreuille, alors recteur, de gestes déplacés et humiliants. Elle témoigne qu’il dépassait tous les cadres, parfois en public, jusque dans la chapelle du séminaire. Elle décrit surtout un sentiment d’impunité totale lié à ses fonctions de directeur. En 2019, une plainte est portée à l’évêque d’Aix, sans suite claire. En 2021, le même prêtre est nommé recteur de la cathédrale Saint-Sauveur. Dans une lettre publiée, il reconnaît lui-même un « manque de chasteté », ce qui accentue la gravité des faits reprochés.« J’avais le sentiment, confie Valérie S. à Paris Match, qu’il pouvait tout se permettre et que personne ne l’arrêterait. »

À ces accusations s’ajoutent d’autres témoignages recueillis par Paris Match, qui renforcent l’impression d’un système largement avant qu’il ne le repousse. L’étudiant affirme avoir prévenu la hiérarchie mais rien n’a été engagé pour protéger les jeunes en formation. Dans ces récits, ce qui frappe n’est pas seulement la gravité des gestes, mais l’absence de réactions structurées et la lenteur des réponses.
Le silence et l’inaction, note l’hebdomadaire, deviennent presque des méthodes de gouvernement.

Les lenteurs apparaissent de manière encore plus criante dans la gestion tardive de la suspension du père Sighieri.Malgré l’interdiction, le prêtre aurait continué à vivre dans sa paroisse, suscitant l’incompréhension des fidèles. Lors d’une audition, Mgr Aveline déclare avoir compris que « des choses avaient été faites pour que ça ne se renouvelle pas », ce qui laisse entrevoir une logique de règlement interne plutôt qu’un véritable recours à la justice civile.À ce stade, l’enquête de Paris Match ne se contente plus d’évoquer des cas isolés, mais elle confronte directement la stature publique du cardinal Aveline à ces révélations.

Créé cardinal en 2022 par le pape François, artisan de la venue du Saint-Père à Marseille en 2023, il a été élu président de la Conférence des évêques de France en 2024. L’image publique d’un pasteur proche du peuple et apprécié des autorités contraste désormais violemment avec la réalité décrite dans les colonnes de Paris Match.
Derrière le visage souriant et les mots doux, écrit le magazine, se cache une gouvernance opaque et une chaîne de responsabilités défaillante. »

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Certes, Mgr Aveline a promulgué en 2024 une charte pour la protection des mineurs et des personnes vulnérables. Certes, des procédures ont été ouvertes et certains prêtres déplacés ou suspendus. Mais ces mesures, pour nécessaires qu’elles soient, apparaissent tardives au regard des premières alertes, certaines datant d’il y a plus de dix ans. Elles semblent davantage dictées par la pression médiatique et judiciaire que par une volonté préventive de transparence.

La chronologie publiée par l’hebdomadaire montre avec précision ce décalage : les abus du père Hours dans les années 1990, la confidence en 2014 d’un ancien séminariste sur le père Sighieri, la lettre du juge Lalanne en 2015 sur Xavier Manzano, la confrontation filmée avec Hours en 2018, le signalement retardé de Sighieri en 2019, la nomination du père de Dreuille en 2021, la condamnation de Sighieri en 2023, la charte en 2024, enfin la publication de l’enquête en 2025. Tout donne le sentiment d’une Église réagissant après coup, avec un temps de retard systématique sur les événements.

C’est dans ce contexte que, hier mercredi 17 septembre, comme un élément de plus à cette liste déjà trop longue et accablante, un collectif marseillais pour la défense de l’église Saint-Maurice a adressé à Tribune Chrétienne et directement envoyé au pape Léon XIV une lettre demandant officiellement la démission de Mgr Jean-Marc Aveline. Cette lettre accuse le cardinal d’avoir abandonné ses fidèles à la spéculation immobilière, en cédant deux églises paroissiales à un promoteur contesté sans concertation ni liturgie d’adieu, et d’avoir laissé en fonction un prêtre condamné sans sanction canonique claire. Elle parle d’une « trahison spirituelle et patrimoniale », mais aussi d’une gouvernance « marquée par l’opacité, le silence et l’absence de courage évangélique ».

Tout cela se mêle à un projet théologique que Mgr Aveline porte depuis des années, fondé sur une théologie du dialogue et du pluralisme religieux. Dans sa vision, le salut ne passe plus exclusivement par le Christ mais peut se lire à travers les semences du Verbe dans toutes les religions, l’évangélisation cédant la place à une « amitié » entre croyants. Le dogme devient relatif, et l’annonce de la foi se transforme en une pédagogie du vivre-ensemble.« Celui-là, je m’en méfie beaucoup », confiait un évêque de France dès le premier jour de la présidence de Mgr Aveline. D’autres ont été encore plus sévères : « Il avance masqué, mais ses idées sont dangereuses » ; « C’est le pire de tous. » Des jugements qui, mis en regard des révélations actuelles, renforcent les inquiétudes autour de ce prélat devenu l’homme fort de l’épiscopat français.Élu à un poste de responsabilité réclamant l’exemplarité non seulement pour ses confrères évêques mais aussi pour l’ensemble des prêtres et des fidèles, Mgr Aveline peut-il encore demeurer archevêque de Marseille et président de la CEF ? Le pape Léon XIV a lui-même tracé une voie claire et montré toute sa fermeté en demandant l’exclusion immédiate d’un diacre italien accusé d’abus. À l’heure où l’Église cherche à restaurer la confiance et la crédibilité, l’attitude du Saint-Père à l’égard du cardinal marseillais sera observée comme un signe fort de cohérence et de justice.

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