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Le Vatican cédera-t-il ? Andorre met le Saint-Siège face au dilemme de la dépénalisation de l’avortement

église de Sant Esteve en Andorre - DR
église de Sant Esteve en Andorre - DR
Comment légaliser une pratique contraire à la foi catholique, alors que l’un des chefs de l’État andorran est un évêque, représentant direct du pape ?

La Principauté d’Andorre, petit État niché entre la France et l’Espagne, se trouve au cœur d’un débat délicat qui met en jeu son identité institutionnelle, son lien historique avec le Saint-Siège et la question sensible de l’avortement. Le gouvernement andorran poursuit en effet ses discussions avec le Vatican pour tenter de dépénaliser l’avortement sans rompre l’équilibre fragile qui fonde son régime politique.Le 22 octobre dernier , le chef du gouvernement andorran, Xavier Espot, et son ministre des Relations institutionnelles, Ladislau Baró, ont été reçus à Rome par le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican. Cette rencontre marque une nouvelle étape dans le dialogue entamé depuis plusieurs mois autour d’une éventuelle réforme de la législation andorrane.

Selon le communiqué conjoint, les deux parties ont reconnu qu’il s’agissait d’un sujet d’une grande complexité juridique, institutionnelle et sociale nécessitant un développement technique minutieux. Le texte souligne la volonté partagée de trouver une solution permettant de concilier le maintien de la structure institutionnelle du pays avec une avancée dans la reconnaissance des droits des femmes.Le cœur du problème se trouve dans la nature même du régime andorran : le pays est une co-principauté, dont les deux chefs d’État sont, d’une part, le président de la République française et, d’autre part, l’évêque d’Urgell, actuellement Mgr Josep-Lluís Serrano Pentinat.

Ce lien direct entre le pouvoir politique et l’Église catholique explique pourquoi toute réforme concernant la vie humaine touche aux fondements mêmes de la Constitution du pays.

« La légalisation de l’avortement mettrait inévitablement l’évêque dans une situation de contradiction, puisqu’elle heurterait le dogme de foi selon lequel la vie doit être défendue dès la conception », a reconnu Xavier Espot dans une récente interview. Le gouvernement cherche donc, selon ses termes, à éviter une opposition frontale du Saint-Siège tout en avançant sur le plan législatif.

Le cardinal Parolin, déjà interrogé en septembre 2023 lors de sa visite en Andorre pour la fête de Notre-Dame de Meritxell, avait rappelé que la question devait être traitée « avec beaucoup de discrétion et de sagesse ». Il avait aussi réaffirmé la position constante de l’Église : la défense de la vie à toutes ses étapes, depuis la conception jusqu’à la mort naturelle. Rappelons que l’avortement est considéré comme un crime abominable par l ‘Eglise et le cardinal Sarah l’a encore rappelé lors de notre récente interview .

Cette position reste inchangée. Le Saint-Siège souhaite cependant accompagner le dialogue, sans cautionner une réforme qui contredirait son enseignement fondamental. Dans les faits, cela signifie que le Vatican ne donnera jamais un feu vert officiel à une dépénalisation, mais pourrait, dans un cadre strictement diplomatique, éviter une opposition publique si la réforme ne remet pas directement en cause le rôle du coprince épiscopal.Andorre demeure, avec le Vatican et Malte, l’un des trois États européens où l’avortement est interdit en toutes circonstances. Selon les chiffres du département de la Santé de la Generalitat, environ 130 femmes andorranes se rendent chaque année à l’étranger pour interrompre leur grossesse.

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Le gouvernement Espot espère présenter dans les prochains mois un projet de loi consensuel. Mais le défi est immense : comment légaliser une pratique contraire à la foi catholique, alors que l’un des chefs de l’État andorran est un évêque, représentant direct du pape ? L’affaire andorrane pourrait bien devenir un test diplomatique pour le Saint-Siège. Entre fidélité à la doctrine et prudence politique, le Vatican se trouve face à un dilemme délicat : défendre sans concession la vie humaine, tout en préservant la stabilité d’un petit État qui lui est historiquement lié. La question reste ouverte : le Vatican cédera-t-il ?

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