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L’effondrement de l’église d’Ault, un symbole inquiétant d’abandon des églises de France

images page facebook de la commune d'Ault - DR
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Le silence assourdissant qui entoure les profanations répétées de nos églises trouve aujourd’hui son écho dans le même fatalisme coupable face à l’effondrement de ces bâtisses séculaires

Le 31 août dernier, au matin, une partie du plafond de l’église d’Ault s’est effondrée en plein chœur, tombant sur l’autel. Par providence, personne ne se trouvait sous les décombres. Mais l’image est terrible : une église du XIVe siècle, cœur de la vie paroissiale et communale, désormais fermée « jusqu’à nouvel ordre ».Les réactions des habitants disent tout de la blessure. « Je suis très choquée, mon fils a fait son baptême et sa communion ici, c’est une église très vivante et j’espère qu’elle va le rester », confiait Mireille Laplace, trésorière de l’association Les Amis du Beffroi. Et France 3 Régions rapporte le commentaire d’un habitant qui déplore : « Si les municipalités précédentes s’étaient mobilisées bien avant, peut-être cela aurait-il pu être évité. »

Les habitants et les visiteurs se questionnent désormais sur un éventuel manque d’entretien dans le passé. Sur les réseaux sociaux, certains pointent du doigt les précédentes municipalités, accusées d’avoir négligé les besoins urgents de l’édifice. Pourtant, des efforts avaient été faits pour sensibiliser la population et les touristes via des visites organisées par l’association Les Amis du Beffroi. Ces initiatives avaient rencontré un franc succès, attirant des curieux désireux de découvrir ce bijou historique menacé.

L’effondrement, survenu dans une zone jusque-là jugée sans risques immédiats, souligne la gravité de la situation. Alain Nicquet, adjoint au maire chargé de la culture, rappelle cependant que toutes les interventions dans ce type de bâtiment doivent être validées après concertation avec les techniciens compétents. « Nous avions le feu vert pour ces visites et avions pris toutes les précautions nécessaires. Aujourd’hui, c’est tout l’édifice qui est interdit d’accès », regrette-t-il.Les images de blocs de pierre et de plâtre effondrés sur l’autel sont insoutenables. Elles rappellent, par leur chaos, le désordre laissé après une profanation ou un vandalisme. Dans les deux cas, c’est le même spectacle de ruine, la même blessure faite à la maison de Dieu et à la mémoire des fidèles. Ce drame s’apparente à un vandalisme de l’indifférence, qui aboutit aux mêmes conséquences pour le patrimoine chrétien : destruction, humiliation et abandon.

Face à la gravité de la situation, le maire d’Ault se retrouve aujourd’hui au pied du mur. Il a choisi la solution obligatoire pour assurer la sécurité : la fermeture totale de l’église. Mais chacun le sait, fermer une église est toujours facile. C’est une manière de régler le problème à court terme. La véritable responsabilité d’un élu n’est pas seulement de condamner les portes, mais de tout faire pour qu’elles s’ouvrent à nouveau.

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Voilà le vrai scandale : pendant des décennies, le bâtiment a été laissé à son sort, entretenu par à-coups, quand il n’était pas tout simplement négligé. Aujourd’hui, on s’étonne que le plafond s’écroule. Et déjà revient l’argument éculé : les coûts seraient trop importants, la commune ne pourrait pas assumer, il faudra attendre, demander des subventions, ou même songer à vendre.Cette mécanique est connue : l’inaction entraîne la dégradation, la dégradation entraîne l’effondrement, l’effondrement entraîne la fermeture, et la fermeture sert d’alibi pour dire que « l’on n’y peut plus rien ».Aujourd’hui les chiffres donnent le vertige : avant même cet effondrement, le coût de la restauration de l’église était estimé à 5,2 millions d’euros hors taxes, et le maire tablait déjà sur un total final dépassant les 10 millions d’euros. La première phase, lancée en juin, concernait la charpente et la couverture d’une autre partie de l’édifice : plus de 700 000 euros, dont 18 % à la charge directe de la commune.

Un entretien régulier de l’édifice n’aurait-il pas permis d’éviter de telles dépenses, qui aujourd’hui apparaissent insurmontables pour une commune de cette taille ? En laissant l’édifice se délabrer pendant des décennies, on condamne mécaniquement les générations suivantes à affronter des factures astronomiques. Ce qui aurait pu être réglé par une vigilance constante et des interventions modestes devient une montagne financière, que l’on brandit alors comme prétexte pour différer, fermer, ou même vendre

Est-ce un abandon volontaire de certaines municipalités, qui, à force de répéter que « cela coûte trop cher », finissent par se convaincre qu’il n’y a d’autre issue que de laisser mourir nos églises ? Car c’est bien cela le fond du problème : quand une école s’effondre, on trouve toujours les crédits. Quand il s’agit d’installer une salle polyvalente ou de financer des projets de prestige, on mobilise. Mais pour les églises, lieux de mémoire et de prière, témoins de la foi de nos pères, on hésite, on diffère, on relativise, jusqu’à ce que l’édifice devienne un danger.L’église d’Ault n’est pas un simple monument, elle est la maison de Dieu et le témoin vivant d’une histoire. Que des voix en viennent à parler de fermeture définitive, voire de vente, révèle une inquiétante dérive : celle d’un pays qui ne sait plus reconnaître la valeur inestimable de son patrimoine religieux.

L’effondrement du chœur d’Ault n’est pas seulement un accident de structure, il est un signal. Signal d’un abandon progressif, d’une résignation qui ronge l’âme de nos villages. Allons-nous continuer à laisser s’écrouler nos églises sous prétexte que « cela coûte trop cher » ? Ou bien aurons-nous le courage de dire que ce qui est sacré, ce qui a fait notre identité, mérite d’être sauvé à tout prix ?

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