Laurent de Béchade est président de l’association LÉA Antiracisme, engagée dans la lutte contre toutes les formes de haine, y compris celles visant les chrétiens. Il est également chroniqueur pour La Lanterne, un média engagé dans les débats de société. Non-croyant et laïc revendiqué, il a récemment publié une tribune dont le ton a surpris, mais dont le contenu mérite d’être entendu et médité. Nous la reproduisons ici dans son intégralité :
« Hier, l’Église dissimulait les crimes pédophiles en son sein ; aujourd’hui, ce sont les actes antichrétiens qu’elle tente de cacher ou de minimiser.
En 2024, le renseignement territorial a comptabilisé 50 tentatives ou incendies volontaires contre des lieux de culte chrétiens, une hausse de 30 %. Si certains de ces sinistres sont d’origine accidentelle, d’autres sont manifestement criminels.
En tant que président d’une association laïque et, à titre personnel, non-croyant, je suis profondément choqué par l’attitude de l’Église : son silence, son inaction face à ces événements sont incompréhensibles et inacceptables. Un exemple récent en témoigne : l’agression, dans une église d’Avignon, d’un prêtre et de ses fidèles. Quelques jours à peine après la médiatisation des faits, l’archevêque d’Avignon, Monseigneur Fonlupt, a choisi de dénoncer « l’emballement médiatique » et est allé jusqu’à reprocher au prêtre et à ses fidèles d’avoir alerté la presse.
Si les actes antichrétiens sont peu médiatisés, en réalité il ne s’agit pas d’évoquer un complot mondial ou une quelconque machination : la principale responsabilité incombe à l’institution elle-même et à ses autorités. Certains prêtres, allant jusqu’à pardonner à leurs agresseurs, choisissent même de ne pas déposer plainte.
Mais les actes antichrétiens, les incendies qui ravagent des églises, dépassent la seule communauté chrétienne : ils concernent chaque Français, car ils menacent notre patrimoine et nos valeurs communes. Ce comportement nuit à l’ensemble de la communauté française, qu’on soit croyant ou non, chrétien ou non.
Il faut que cela change.
Attaquer des hommes de foi ou lieux de culte est inacceptable : ces actes doivent être poursuivis, des plaintes déposées et des condamnations fermes prononcées. Sans cela, qu’est-ce qui empêcherait de reproduire ces attaques contre d’autres lieux de culte ou de viser d’autres personnes ?
Si l’Église persiste à se taire, les associations antiracistes comme LÉA Antiracisme, elles, ne resteront pas muettes. »
Il y a quelque chose de profondément ironique et profondément juste dans le fait que ce soit un homme non-croyant, extérieur à l’Église, qui appelle les catholiques à ne plus se taire. Car ce que dit ici Laurent de Béchade n’est pas une critique haineuse ou malveillante de l’Église. C’est une interpellation directe, lucide, respectueuse mais sans complaisance, d’un citoyen qui constate que l’Église ,encore une fois , reste muette quand elle devrait parler fort.La dénonciation de l’archevêque d’Avignon contre « l’emballement médiatique » est, à ce titre, emblématique d’un malaise plus profond. Pourquoi cette gêne ? Pourquoi cette peur de reconnaître que les chrétiens, aujourd’hui en France, sont devenus la cible régulière d’actes violents et hostiles ? Pourquoi cette tentation de minimiser l’évidence ?
Il ne s’agit pas ici de revendiquer une quelconque supériorité ou de jouer aux martyrs modernes. Il s’agit de nommer le réel. Cinquante attaques contre des lieux de culte en une seule année : ce n’est pas une anecdote. C’est une crise.
Ce n’est pas un complot, comme le souligne l’auteur. Il n’y a pas de manipulation globale, de plan concerté pour effacer le christianisme… quoique …mais disons qu’ il y a, très clairement, une violence croissante contre les églises, les prêtres, les fidèles, et même contre les symboles chrétiens. Et cette violence, la République, malgré ses efforts, ne parvient pas à enrayer seule.L’Église, dans ce contexte, a une responsabilité morale : ne pas se taire. Ne pas relativiser. Ne pas dissuader ses prêtres de parler. Ne pas décourager les victimes de porter plainte. Pardonner, oui. Mais nier la gravité des faits au nom du pardon, c’est trahir la vérité.Pire encore : lorsqu’un prêtre agressé est soupçonné de faire de la « récupération » parce qu’il parle à la presse, nous avons franchi une ligne. La compassion ne peut pas aller jusqu’au mutisme.
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Laurent de Béchade le dit mieux que certains évêques : ces attaques ne visent pas seulement les catholiques, elles touchent la France dans son ensemble. Elles détruisent un patrimoine, une histoire, une mémoire. Elles blessent la paix civile. C’est pourquoi, croyants ou non, nous devrions tous être unis dans leur dénonciation.Mais ce combat commence par nous. Par notre propre courage. Par notre capacité à sortir du silence par fidélité à la vérité, non à une idéologie.L’Église, dans les années 2000, a payé très cher son silence face aux abus sexuels. Aujourd’hui, elle risque de payer un autre silence, non face aux fautes qu’elle a commises, mais face à celles qu’on commet contre elle.Ce n’est pas de l’orgueil que de réclamer justice. C’est une exigence morale, non seulement pour défendre l’Église, mais pour défendre ce qu’elle incarne : la Parole de l’Evangile la liberté religieuse, la paix sociale.
Alors oui : si l’Église persiste à se taire, d’autres parleront à sa place. Et ce jour-là, nous aurons à répondre non pas seulement de notre foi, mais de notre abandon.