Depuis la publication du document de synthèse du chemin synodal italien, intitulé Levain de paix et d’espérance, la Conférence épiscopale italienne (CEI) se trouve au centre d’une controverse nationale. Le texte invite à « promouvoir la reconnaissance des personnes homo-affectives et transgenres » et à « soutenir par la prière et la réflexion les journées contre l’homophobie et la transphobie ». Ces passages ont été interprétés par certains comme une ouverture nécessaire au dialogue pastoral, et par d’autres comme une tentative de normaliser l’idéologie LGBT dans l’Église.Pour plusieurs fidèles et observateurs, le risque est réel, en insistant sur l’accueil et l’inclusion sans rappeler clairement la doctrine catholique, la CEI pourrait brouiller la distinction entre l’amour des personnes et l’approbation morale des comportements.
Ce débat met en lumière une tension qui traverse aujourd’hui l’Église, comment accueillir sans renoncer à la vérité ?
Pour répondre aux critiques, deux figures de la CEI sont intervenues dans les médias, Monseigneur Francesco Savino, vice-président de la Conférence, et Monseigneur Erio Castellucci, président du Comité national du chemin synodal. Dans un entretien accordé à La Stampa, Mgr Savino a défendu la démarche synodale en affirmant que « l’Église ne doit pas détourner le regard de toute forme de discrimination » et qu’elle est appelée à « une proximité qui ne juge pas mais accompagne ». Selon lui, le texte ne constitue pas une concession à la culture dominante, mais un appel à la miséricorde et à l’écoute.De son coté, Mgr Castellucci, interrogé par le Service d’information religieuse de la CEI, a tenu un discours similaire, « Reconnaître ne veut pas dire approuver moralement, mais partir de la réalité de la personne, avec sa dignité. » Il a précisé que les références à des journées contre l’homophobie ne signifient pas un soutien aux Pride ou à une idéologie, mais un engagement pour la dignité humaine.
Le média italien La Bussola précise toutefois que cette explication reste fragile, car le texte synodal demande explicitement que la CEI « soutienne par la prière et la réflexion les journées contre l’homotransphobie », ce qui correspond dans les faits aux manifestations connues sous le nom de Pride. Une telle formulation, selon le journal, revient à adopter le langage et les priorités du monde LGBT plutôt qu’à témoigner d’une perspective chrétienne fidèle à la doctrine.
Les justifications des évêques n’ont donc pas convaincu une partie du monde catholique. Plusieurs observateurs, comme le journaliste Andrea Panegrossi dans un éditorial récent, estiment que la CEI cède aux pressions culturelles et politiques. Leur argument est simple, en se plaçant sur le terrain de « l’inclusion » et du « respect », sans rappeler explicitement la doctrine morale de l’Église, on laisse entendre que l’homosexualité pourrait être moralement neutre ou acceptable. Pour ces critiques, le document synodal confond la dignité de la personne, que nul ne conteste, avec la légitimité morale de comportements que l’Église a toujours condamnés.
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Ils rappellent également deux textes fondamentaux de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Persona humana (1975), qui avertissait que « nul ne peut justifier moralement des actes homosexuels », et la Lettre sur la pastorale des personnes homosexuelles (1986), selon laquelle la pastorale doit éviter de faire croire que les actes homosexuels peuvent être moralement acceptables.
Le débat actuel semble se jouer davantage sur le plan du langage que sur celui du fond doctrinal. Le mot « reconnaissance », employé par la CEI, prête en effet à confusion. Faut-il comprendre qu’il s’agit de reconnaître la dignité de la personne, ce que l’Église enseigne depuis toujours, ou de reconnaître la valeur d’une orientation ou d’un comportement ? Pour beaucoup de fidèles, cette ambiguïté sème le trouble. D’autant que les récentes controverses autour du document Fiducia supplicans du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, qui autorisait la bénédiction de personnes vivant dans des unions irrégulières, ont déjà fragilisé la confiance entre Rome et une partie du monde catholique attaché à la clarté doctrinale.L’intention pastorale de la CEI semble sincère, il s’agit d’accueillir, d’écouter et d’accompagner les personnes, sans jugement sur leur parcours. Mais cette approche ne peut ignorer la dimension morale de la question. Accompagner ne signifie pas approuver, et accueillir ne veut pas dire légitimer.
Il est essentiel de rappeler que, selon le Catéchisme de l’Église catholique (§2357-2359), les actes homosexuels « sont intrinsèquement désordonnés », mais que les personnes ayant des tendances homosexuelles « doivent être accueillies avec respect, compassion et délicatesse ». L’enseignement de l’Église distingue donc clairement la personne, toujours digne d’amour et d’attention, et les actes, qui demeurent moralement inacceptables.Confondre ces deux niveaux reviendrait à affaiblir le message même de l’Évangile, qui unit indissolublement la vérité et la charité. Le véritable amour pastoral ne consiste pas à approuver le péché, mais à accompagner la personne dans un chemin de conversion et de croissance dans la grâce.
L’affaire révèle une tension plus large au sein de l’Église universelle, comment dialoguer avec la culture contemporaine sans perdre la clarté du témoignage chrétien ? Jusqu’où peut-on aller dans l’inclusion sans trahir la vérité du Christ ? Le synode italien, en voulant être un levain de paix et d’espérance, a peut-être ouvert une brèche où la question de la fidélité à la doctrine et de la juste compréhension de la miséricorde demeure plus brûlante que jamais.


