L’ancienne église orthodoxe Saint-Sauveur-in-Chora à Istanbul a rouvert ses portes en tant que mosquée, après quatre années de restauration. Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a célébré la réouverture de cette « ex-église » emblématique, avait ordonné sa reconversion en août 2020, peu après la réouverture au culte musulman de l’ancienne basilique Sainte-Sophie.
Des fidèles musulmans ont prié dans l’édifice qui fut construit au 5eme siècle par les byzantins et avait été converti en mosquée après la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, puis en musée après la Seconde Guerre mondiale.
La reconversion de l’église a été critiquée par certains, dont la Grèce, qui a vu dans cette décision « une autre provocation envers les croyants et la communauté internationale ». Saint-Sauveur-in-Chora, comme Sainte-Sophie, se trouve dans les zones historiques d’Istanbul, inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco.
L’église et son histoire
L’édifice connu sous le nom de Saint-Sauveur-in-Chora, ou Kariye Müzesi en turc, est un remarquable exemple d’église byzantine. Située dans le district occidental d’Edirne Kapı à Istanbul, l’église a été convertie en mosquée en 1511 par les Ottomans. Elle est devenue un musée en 1948, puis a été reconvertie en mosquée le 21 août 2020 par un décret présidentiel signé par le chef d’État turc Recep Tayyip Erdoğan. Saint-Sauveur-in-Chora est située dans les zones historiques d’Istanbul, classées au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1985.
L’intérieur de l’édifice est décoré de fines mosaïques et de fresques, et son plan en croix grecque a servi de modèle aux églises orthodoxes d’Istanbul jusqu’au XVIIIe siècle. Le nom grec de l’église, « ἡ Ἐκκλησία τοῦ Ἁγίου Σωτῆρος ἐν τῇ Χώρᾳ » (hē Ekklēsia tou Hagiou Sōtēros en tē Chōra), signifie « dans la campagne ». L’église a été construite au Ve siècle, en dehors du mur de Constantin. Quand le mur théodosien fut érigé en 413-414, l’église se retrouva à l’intérieur du système défensif de la ville, mais garda le nom de Chora.
La majorité de l’édifice visible aujourd’hui date de 1077-1081, période durant laquelle Maria Ducaina, la belle-mère d’Alexis Ier Comnène, fit reconstruire l’église en croix grecque inscrite. L’église fut ensuite reconstruite par Isaac Comnène, le troisième fils d’Alexis. Ce n’est qu’après la troisième phase de construction, deux siècles plus tard, que l’église a acquis sa forme actuelle. Théodore Métochitès dota l’église de ses mosaïques et fresques, réalisées entre 1315 et 1321. En 1328, Métochitès fut exilé, mais il revint à Constantinople deux ans plus tard comme moine de la congrégation de la Chora.
À la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle, le monastère abritait le savant Maximus Planudes. Lors du dernier siège de Constantinople en 1453, l’icône de la Theotokos Hodigitria, protectrice de la ville, fut amenée à Chora, mais l’église et l’icône furent alors détruites. Après la conquête de Constantinople, l’église a été transformée en mosquée, avec l’ajout d’un minaret entre 1495 et 1511 par Atık Ali Paşa. Les mosaïques et fresques furent recouvertes de chaux. Les mosaïques furent redécouvertes au XVIIIe siècle. En 1945, le bâtiment a été désigné musée. Entre 1948 et 1959, le bâtiment a été restauré et en 1958, il a été ouvert au public en tant que musée. En 2019, le Conseil d’État turc a ordonné sa reconversion en mosquée, et en août 2020, un décret présidentiel a confirmé cette décision.
Saint-Sauveur-in-Chora fait partie des zones historiques d’Istanbul, inscrites en 1985 au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ses chefs-d’œuvre comprennent l’ancien hippodrome de Constantin, la basilique Sainte-Sophie, et la mosquée Süleymaniye. Ces monuments sont actuellement menacés par la surpopulation, la pollution industrielle et une urbanisation incontrôlée. L’église est de petite taille (742,5 m²), mais son intérieur est majestueux. Le bâtiment se compose de trois zones principales : le narthex, le naos et la chapelle attenante ou parecclésion. Le bâtiment a six dômes, deux dans l’ésonarthex, un dans le parecclésion, un grand dans le naos et deux petits à l’est.
Les mosaïques et les fresques de l’église sont parmi les plus importantes de l’art byzantin. Elles datent de la même période que Giotto, avec des similitudes avec la pré-Renaissance. Les personnages sont représentés avec grâce et élégance, et les thèmes bibliques témoignent de la créativité des maîtres byzantins. En entrant, on voit une représentation du Christ Pantocrator au-dessus du portail du narthex intérieur. En opposition, au-dessus de l’entrée principale, se trouve la Vierge Marie. Après le narthex extérieur, on trouve une mosaïque représentant Théodore Métochitès, agenouillé, présentant l’église au Christ.
L’exonarthex est la première partie de l’église dans laquelle on entre. C’est un couloir de 4 m de large et 23 m de long, partiellement ouvert sur sa longueur orientale dans l’ésonarthex parallèle. Les mosaïques de l’exonarthex illustrent des épisodes de la vie du Christ. L’ésonarthex mesure 4 m de large et 18 m de long. Sa porte centrale s’ouvre sur le naos, tandis qu’une autre porte s’ouvre sur l’antichambre du parecclésion. L’ésonarthex a deux dômes. Les mosaïques de l’ésonarthex illustrent des scènes de la vie de Marie et de ses parents. Le plus grand dôme de l’église se trouve au-dessus du centre du naos. La mosaïque de la Dormition de la Vierge se trouve au-dessus de la porte centrale de la nef. Le naos est décoré de marbre.
Le parecclésion, utilisé comme chapelle mortuaire, est décoré de fresques. La fresque de la Résurrection (Anastasis) se trouve dans le parecclésion.